dimanche 5 septembre 2021

L'été le plus arrosé: quelques explications

Avec 411 mm tombés entre le 1er juin et le 31 août à Uccle, 2021 décroche - et de loin - la palme de l'été climatologique le plus arrosé depuis que l'on mesure la pluie à Bruxelles. A l'inverse, le nombre de jours de précipitations n'est pas exceptionnellement élevé (50 jours contre une normale de 42,6), indiquant la contribution de pluies moins fréquentes qu'abondantes les fois où elles se produisaient, apportées par de réguliers orages mais aussi par le déluge de la mi-juillet et ses inondations désastreuses.

Le nouveau classement des étés les plus arrosés s'établit donc comme suit:

  • 2021, avec 410,7 mm
  • 1992, avec 365 mm
  • 1850, avec 360,2 mm

On notera que 2014, lui aussi très pluvieux avec 348 mm, arrive en sixième position de ce classement.

Sur les autres paramètres, il n'est pas observé d'anomalie prononcée. Ainsi, la température moyenne s'établit à 17,8°C contre une norme de  17,9°C, et l'ensoleillement donne 513 heures contre 595 en normale, ce dernier paramètre étant toutefois à la limite de l'anormalité basse. Mais comme toujours, ces moyennes sur l'été cachent quelques disparités mensuelles. A noter que cet été suit un printemps peu heureux également, accentuant l'impression d'une année plutôt mauvaise.

L'été 2021 n'aura pas connu de vague de chaleur officielle, une première depuis 2014. Mieux encore, aucune valeur supérieure à 30°C n'a été observée à Uccle. Il faut remonter à 1993 pour trouver la dernière absence de jour de forte chaleur au cours de l'été climatologique. Il n'a également connu que 14 jours d'été (maximale > 25°C), la normale étant de 24.

Juin

Ce qui marque en juin, c'est la présence de chaleur et d'humidité. D'ailleurs, ce cocktail de moiteur a alimenté de réguliers orages violents, notamment les 2 et 4 juin, puis les supercellules de la nuit du 17 au 18, ainsi que l'éruption de tornades du 19. Une autre tornade frappe la région d'Houffalize le 27, et des orages localement diluviens sont encore observés le 29. Avec 14 jours d'orages, on peut parler d'un mois assez actif, bien que cela reste dans les normes. 

On notera par contre et comme évoqué l'anomalie excédentaire de précipitations, portée par un record de quantité pour une troisième décade de juin, ainsi que celle de la température moyenne, portée notamment par une moyenne de températures minimales la plus élevée depuis 1892. Fait marquant, aucun jour de forte chaleur (>30°C) n'a été constaté à Uccle, par contre la température a dépassé les 25°C à neuf reprises, signe d'une chaleur modérée mais durable.

A noter que c'est au cours de ce mois de juin qu'a été observé en de nombreuses stations le paroxysme thermique de cet été, avec par exemple 29,5°C à Uccle le 18 juin.

Paramètres du mois de juin 2021 à Uccle (source: IRM).

En-dehors de la grande agitation orageuse du début de la première décade et des fins de la seconde et de la troisième, le temps a été clément et particulièrement chaud aux alentours de la mi-juin. Les températures moyennes pour la seconde décade constituent par ailleurs de nouveaux records.

Côté ensoleillement, la cote du mois cache une répartition très inégale. Ainsi, si les deux premières décades ont été assez bien ensoleillées, la troisième a été très sombre, avec seulement neuf heures d'ensoleillement; il s'agit là d'un record bas décadaire.

Couvin et l'Eau Noire sous un chaud soleil l'après-midi du 13 juin (auteur: Le Chroniqueur météo).

Juillet

L'anomalie pluviométrique entamée en juin s'est poursuivie et même accrue en juillet. Avec 167 mm cumulés à Uccle, il s'agit du mois de juillet le plus pluvieux depuis 1980. Pourtant, le nombre de jours de précipitations n'est pas anormal, montrant à nouveau que les précipitations ne furent pas forcément fréquentes cet été, mais souvent abondantes quand elles tombaient. La paroxysme de ce constat fut l'exceptionnel épisode pluvieux et les inondations de la mi-mois, établissant par ailleurs un nouveau record pour une seconde décade de juillet, avec 83 mm. Dans l'est du pays, les 179 mm de pluie récoltés à Hockai (Stavelot) sur vingt-quatre heures le 14 constituent une cote historique.

Paramètres du mois de juillet 2021 à Uccle (source: IRM).

D'inondations, il en sera encore question en troisième décade, cette fois engendrées par des orages diluviens sur la province de Namur le 24.

A l'inverse de juin par contre, juillet fut un peu plus frais que la normale, sans que cela soit significatif. Le mauvais ressenti thermique, s'il existe, provient sans doute de la moyenne des maximales qui fut relativement fraîche, en témoigne également le faible nombre de jours à plus de 25°C, seulement trois, observés pendant un hiatus de beau temps entre le 17 et le 23 juillet, dans un océan de météo peu heureuse. Le maximum thermique du mois à Uccle, 26,5°C, est par ailleurs remarquablement bas, le plus faible depuis juillet 2000. L'impression d'un mois plutôt mauvais aura sans doute aussi été renforcée par une déficit d'ensoleillement d'une trentaine d'heures, sans que cela ne soit pour autant remarquable.

Août

Août est sans doute le plus mauvais des trois mois. Les périodes de beau temps se sont réduites à quelques jours en seconde décade et en troisième, entrecoupées par des températures exceptionnellement basses les 17 et 18 août où les maximales ont à peine atteint 15°C à Uccle.

Ainsi, et contrairement aux deux autres mois, un déficit thermique anormal s'est manifesté au cours de cet août 2021, de même qu'un solide excédent pluviométrique. C'est ainsi le troisième mois d'affilée qui voit tomber plus de 100 mm de pluie cumulés à Uccle. L'ensoleillement est aussi déficitaire, considéré comme anormalement faible. 

Paramètres du mois d'août 2021 à Uccle (source: IRM).

Les causes atmosphériques de ce record de pluie

Les cartes d'anomalies de géopotentiel à 500 hPa permettent d'entrevoir certains déterminants de cet été très arrosé. Les couleurs chaudes font apparaître les anomalies positives, soit des anticyclones d'altitude récurrents, tandis que les couleurs froides représentent les anomalies négatives, soit des dépressions récurrentes.

Anomalies de géopotentiel à 500 hPa pour le mois de juin (source: NOAA).

En juin, les anticyclones ont dominé le nord-est de l'Europe, et notamment la Scandinavie où une impressionnante vague de chaleur a commencé durant ce mois et s'est prolongée début juillet. Il s'agit d'un régime de blocage, avec des masses anticycloniques massives qui ont bloqué les dépressions atlantiques, celles-ci plongeant régulièrement en gouttes froides vers la péninsule ibérique. Ainsi, ce sont des courants assez méridionaux qui ont fréquemment concerné nos régions, et l'excédent thermique observé pendant ce mois n'y est pas étranger. Cette chaleur humide (le mois de mai ayant déjà été assez pluvieux) a permis le développement de nombreuses averses et orages.

Anomalies de géopotentiel à 500 hPa pour le mois de juillet (source: NOAA).

En juillet, les anomalies anticycloniques se sont quelque peu éloignées de nos régions, mais leur occupation nordique observée au mois de juin s'est poursuivie. Ainsi, le régime de blocage a continué à se manifester de manière récurrente pendant ce mois, mais la disposition différente nous a été cette fois bien moins favorable. Il fut notamment responsable de la stagnation de la goutte froide nous ayant valu les précipitations diluviennes en milieu de mois. Ce positionnement des centres d'action a également empêché les fortes chaleurs observées sur le sud de l'Europe de remonter jusqu'à la Belgique, le pays étant fréquemment concerné par des flux maritimes assez mous. Transitoirement, quelques séquences de NAO- (régime des dépressions britanniques) se sont manifestées, notamment en fin de mois, avec des conséquences identiques, à savoir une météo peu heureuse.

Régime NAO- sur l'Europe à la fin du mois de juillet (source: Meteociel).

En août, le placement moyen des anomalies a profondément changé, avec un repli des anticyclones sur l'Atlantique nord, tandis qu'une petite anomalie dépressionnaire gagnait le continent. Il s'agit là d'un régime "Atlantic ridge" particulièrement développé, et dont l'occurrence estivale est connue pour apporter du mauvais temps. Des flux de nord-ouest à nord ont ainsi été régulièrement à l’œuvre durant ce mois d'août.

Anomalies de géopotentiel à 500 hPa pour le mois d'août (source: NOAA).

Et l'automne?
 
A la suite de cet été peu heureux, de véritables sensations estivales se noteront en septembre, notamment en première décade. La température atteint 27,5°C à Uccle le 8. Le mois sera également anormalement sec.

Octobre rétablira toutefois la logique pluvieuse de l'année puisqu'il sera exceptionnellement humide avec 121 mm à Uccle. On note aussi le premier coup de vent automnal avec la tempête Aurore les 20 et 21, qui concernera surtout la France.

dimanche 25 juillet 2021

24/07/2021 - Chassé-croisé

Ce dernier week-end de juillet marque le premier grand chassé-croisé sur la route des vacances. Ce fut aussi le retour d'un phénomène devenu rare pour ma part: des orages intéressants en juillet, chose peu vue ces dernières années.

Toujours est-il que la chasse du jour commence sur un mode mineur entre Haversin et Chevetogne, avec cette cellule peu mobile près de Wanlin, bientôt rejointe à son sud par une autre. Ca grommelle, ça donne quelques bases sympas, mais sans plus pour l'instant.

La suite est un errement dans les campagnes condruziennes. Des cellules naissent un peu partout, mais évidemment, aucune intéressante à proximité. Je commence à sentir venir la dégradation "casserole de popcorn" avec des cellules peu durables et anarchiques, et pour lesquelles il faut composer avec beaucoup de chance... Après avoir renoncé à Anthée à poursuivre vers des orages se développant du côté de Philippeville, je repars vers le sud-est, après avoir vu que des cellules se développaient près de Libramont. C'est sur le plateau de Gerny, entre Humain et Rochefort, que je me pose, sous la menace de deux cellules cette fois bien organisées.

La plus occidentale, qui suit grosso modo la E411, est la plus intéressante, avec des structures bien dessinées et une activité notoire.

Je suis cependant bien vite gêné par l'autre cellule et ses premières pluies à mon sud. La chasse reprend, avec l'idée de remonter vers le nord, en parallèle de cet orage de la E411, d'autant plus que les radars montrent un autre orage très actif en rive gauche de la Meuse et remontant doucement vers Namur.

Tandis que je progresse sur la N4, ces cellules semblent s'agglomérer en un gros paquet très actif qui provoque des inondations sur Dinant. Ma remontée fait que je vais immanquablement le croiser dans le Namurois, reste à savoir où... D'autant plus que de superbes structures avec une palette allant du beige au turquoise se dessinent à l'avant de ce gros multicellulaire. Bloqué dans le flux de la N4 puis de la E411, je ne peux qu'espérer pouvoir sortir au premier point de vue potable du coin, à Boninne, et m'y poser le temps de profiter quelques instants de ce mastodonte qui déboule sur Namur. Et ça ne rate pas...


L'activité semble exubérante derrière cet arcus désordonné, ce que me confirme le message d'un ami habitant plein centre et m'annonçant des éclairs en continu et des accumulations d'eau en cours. L'orage touche en effet directement l'agglomération namuroise en y provoquant de multiples inondations, et je me disais justement depuis quelques minutes que ça n'allait pas passer sans casse vu les intensités montrées par les radars... Kachelmann renseigne plus de 400 décharges par dix minutes aux alentours de 18h30, soit une très forte activité. 

Une cellule périphérique me force à nouveau à m'éloigner, et je me retrouve à la sortie de mon village de Wartet, ballotté par les rafales accompagnant l'arcus qui roule sur la vallée de la Meuse.

Darkness falls across the land...

Pour autant, l'arcus progresse vers le nord-est sous l'effet de l'outflow du paquet namurois, mais la tête active de l'orage monte elle plein nord, en direction du Brabant wallon. Je repars donc vers Fernelmont puis la Hesbaye, voyageant de conserve avec le noyau dur sur ma gauche, qui de temps à autre laisse tomber l'un ou l'autre positif bien senti, dont l'un fut suivi d'une canonnade remarquable malgré la distance, près de Sart d'Avril.

Près de Jandrenouille, je trouve enfin un point de vue sur l'orage qui montre davantage de coups de foudre, certains toujours positifs.



Et même quelques inters, comme ici:

L'orage semble ensuite filer progressivement vers Louvain-la-Neuve et l'est de Bruxelles en faiblissant, mettant fin à cette journée bien animée!

mardi 20 juillet 2021

Le désastre de juillet 2021, un épisode pluvieux historique

La mi-juillet 2021 a été marquée par un épisode pluvieux historique, débouchant sur des inondations parfois dramatiques dans la moitié est de la Belgique et l'ouest de l'Allemagne, ainsi qu'au Grand-Duché de Luxembourg et dans le nord-est de la France dans une moindre mesure. En Belgique, région sur laquelle se concentre cet article, des cumuls de plus de 100 mm sur une superficie aussi étendue sont un phénomène rare dans nos régions, dont les conséquences ont ici été aggravées par les sols gorgés suite aux pluies régulièrement observées au cours des semaines précédentes. Cet événement se classe vraisemblablement parmi les plus grandes catastrophes météorologiques de l'histoire du pays.

Cet épisode pluvieux s'inscrit par ailleurs dans un mois de juillet le plus arrosé depuis 1980, avec un total à Uccle de 167 mm, faisant suite à un mois de juin déjà bien pluvieux (121 mm).

Crue du Samson en province de Namur le 15 juillet (crédit photo: S. Verachtert).

Quelques chiffres

Du 13 juillet 8h00 au 14 juillet 8h00:

  • 42 mm à Buzenol (Virton, province de Luxembourg);
  • 41 mm à Gosselies (Charleroi, province de Hainaut) et à Humain (Marche-en-Famenne, province de Luxembourg);
  • 38 mm à Bierset (Grâce-Hollogne, province de Liège).
Parmi les stations amateures:
  • Dolembreux (Sprimont, province de Liège) enregistre 85 mm, dont 53 tombés entre 20h00 et 2h00;
  • Chaineux (Herve, province de Liège), compte 66 mm;
  • La Baraque Fraiture (Vielsalm, province de Luxembourg): 38 mm
  • Cobru (Bastogne, province de Luxembourg): 49 mm
Du 14 juillet 8h00 au 15 juillet 8h00:
  • 79 mm à Buzenol
  • 22 mm à Gosselies
  • 54 mm à Humain
  • 38 mm à Bierset
  • 83 mm à Dolembreux
  • 52 mm à Chaineux
  • 85 mm à la Baraque Fraiture
  • 77 mm à Cobru
Du 15 juillet 8h00 au 16 juillet 8h00:
  • 56 mm à Uccle (Bruxelles)
  • 46 mm à Gosselies
  • 21 mm à Bierset
  • 34 mm à Dolembreux
  • 12 mm à Chaineux
  • 14 mm à la Baraque Fraiture
Totaux sur 48 heures (13/07 8h - 15/07 8h):
  • 121 mm à Buzenol
  • 76 mm à Bierset
  • 95 mm à Humain
Totaux sur 72 heures (13/07 8h - 16/07 8h):
  • 97 mm à Bierset
  • 102 mm à Ernage (Gembloux, province de Namur)
  • 109 mm à Gosselies
  • 202 mm à Dolembreux
  • 130 mm à Chaineux
  • 137 mm à la Baraque Fraiture
  • 129 mm à Cobru

L'IRM a également de son côté communiqué quelques chiffres. Son pluviomètre du Mont Rigi, dans les Hautes Fagnes, a relevé 192 mm entre le 13 juillet 8h00 et le 15 juillet 8h00. C'est une mesure historiquement haute pour une station officielle. Est également historique la valeur de 179 mm à Hockai (Stavelot) observée entre le 14 juillet 8h00 et le 15 juillet 8h00. 
 
L'institut cite aussi deux mesures des pluviomètres du SPW encore plus incroyables et qui sont sujettes à caution, avec 217 mm à Spa et 272 mm à Jalhay. Il s'agit là de quantités jusqu'ici inconnues dans nos régions pour ce laps de temps.
 
Anomalie pluviométrique calculée sur la période entre le 18 avril et le 16 juillet. Les précipitations des semaines précédentes avaient amené plusieurs régions au niveau humide, mais l'épisode pluvieux aura poussé cette anomalie humide à un niveau extrême, l'un des plus hauts jamais vus à cette période de l'année (source: IRM).
 
Quels ont été les épisodes similaires?

Pour situer l'ampleur du phénomène, explorons l'histoire météorologique récente. On ne s'intéresse qu'aux pluies à dominante stratiforme (où les orages restent minoritaires) et aux épisodes sur un ou quelques jours (idée de continuité). Sont ici considérés les six mois de la "haute saison", grosso modo de la mi-avril à la mi-octobre.

  • Le 7 octobre 1982, on relève en vingt-quatre heures 156 mm de pluie à Botrange, 119 mm à Beauvechain, 108 mm à Bierset et 101 mm à Spa.
  • Les 28 et 29 août 1996, il pleut pratiquement sans discontinuer, et les cumuls sont conséquents: 183 mm à Hombourg (Liège), 130 mm à Ernage (Namur) et Landelies (Hainaut), 121 mm à Marbais (Brabant wallon), 113 mm à Uccle (Bruxelles). De telles quantités sur 48 heures sont historiques pour la Belgique. Le vent est aussi notable pour la saison: les rafales atteignent 108 km/h à Middelkerke, 90 km/h à Gosselies et 86 km/h à Bierset.
  • Les 13 et 14 septembre 1998, une perturbation se coince sur la Flandre et la province de Liège, donnant 120 mm de précipitations à Liège-Monsin et 147 mm à Wijnegem (Anvers) sur vingt-quatre heures. 
  • Du 15 au 17 août 2010, il tombe parfois plus de 100 mm de pluie (104 mm à Uccle en deux jours).
  • Les 25 et 26 septembre 2020, la dépression Odette, en plus de donner une tempête sur les côtes, déverse jusqu'à 100 mm de pluie en deux jours de la Flandre orientale à la Botte du Hainaut. Le schéma est assez similaire à 1996 et 2010, avec une occlusion coincée sur le pays, associée à une goutte froide au nord et/ou à l'est de nos régions. Ici, la sécheresse des semaines précédentes aura réduit grandement le risque de crues.

En résumé, des précipitations de plus de 100 mm sur deux jours sont un phénomène rare dans nos régions. Avec de multiples cumuls à plus de 100 mm les 13 et 14, le présent épisode rentre pleinement dans cette catégorie de faits historiques, et les 192 mm relevés en 48 heures au Mont Rigi font pratiquement état d'un événement au moins multidécennal.

Que s'est-il passé?

Aux origines de l'événement, nous trouvons un phénomène météorologique banal: l'évacuation d'une tempête tropicale du doux nom de Elsa provenant du Golfe du Mexique vers l'Atlantique Nord. En juillet, il est parfaitement normal d'enregistrer des cyclones tropicaux dans cette région du monde, ceux-ci entrant en interaction avec le Jet-stream sur la façade Est du continent nord-américain. Ils ont alors tendance à amplifier ses ondes et/ou à l'accélérer. Le 8 juillet, dans la page Facebook de Météo Pédagogie, nous écrivions qu'une goutte froide issue de l'amplification des ondes du courant Jet apporterait "instabilité et zones de précipitations parfois copieuses à partir du samedi 10 juillet". Évidemment, sans penser que ceci pouvait dégénérer en épisode pluvieux historique ...

Passons maintenant en revue la situation atmosphérique de jour en jour. Le 12 juillet à midi UTC (soit 14h00 heure locale), la veille du début de l'épisode, la dépression qui va nous intéresser est déjà présente sur le nord de la France, avec son système frontal associé. 

Analyse de surface du 12 juillet à 14h00 heure locale (source: DWD).

Cette dépression de surface est soutenue en altitude par une vaste goutte froide en fond de talweg et arrivant de l'Atlantique le 12 juillet puis transitant sur la France le 13. Une goutte froide transporte, comme son nom l'indique, une poche d'air froid en altitude, en lien avec un géopotentiel bas. Ces géopotentiels bas, soit un niveau de pression donné à plus faible altitude que la moyenne, marquent une dépression d'altitude.

Cette goutte froide redresse alors le flux au sud, forçant la chaleur humide présente près de l'Italie et du sud de la France à remonter vers l'Allemagne dans un premier temps, en réalimentant les masses d'air déjà bien humides s'y trouvant. L'animation ci-dessous montre sa trajectoire au cours de ces jours funestes; dans son mouvement en boucle et temporairement immobile, elle bloque la dépression de surface en-dessous et la perturbation pluvieuse associée. C'est son évacuation vers l'Italie le 16 juillet qui met fin à ce piégeage des masses humides sur nos régions.

Ce mouvement erratique est en partie entraîné par l'émergence d'une crête anticyclonique d'altitude qui se développe sur le proche Atlantique, les Îles britanniques puis la mer du Nord, instaurant les anomalies hautes de géopotentiel en orange-rouge. Cette crête fait barrage à la goutte froide qui remontait du sud de l'Europe, l'immobilisant et la renvoyant vers la péninsule italienne.

Géopotentiel et anomalies associées à 500 hPa entre le 13 et le 17 juillet (source: Wxcharts via Meteo Paris).

Le mardi 13, les premières pluies concernent l'est et le sud de la Belgique, en lien notamment avec la bordure de la bouffée d'air moite sur l'Allemagne. La dépression de surface s'est déplacée à travers nos régions pour se retrouver sur l'ouest de cette dernière, au sein d'un complexe dépressionnaire qui occupe une bonne partie de l'Europe centrale. Les pluies sur le nord de la France et le sud de la Belgique sont grossièrement associées à l'occlusion.

Analyse de surface du 13 juillet à 14h00 heure locale (source: DWD).
 
En fin d'après-midi, les premières complications liées à des accumulations d'eau apparaissent dans le Brabant wallon ainsi que dans la région de Charleroi. En soirée, ce sont de fortes précipitations, avec parfois une composante convective, qui défilent sur la province de Liège, entraînant la mise en crue des premiers cours d'eau ainsi que des coulées de boue. Les pluies continuent de concerner une bonne partie de la Wallonie pendant la nuit, avant une trêve temporaire. Ce comportement est en partie lié à l'existence d'un axe de convergence en basse couche de la Rhénanie à la Champagne, avec au nord de ce dernier un flux de nord à nord-est y amenant de l'humidité. Au sud, le vent y est plus faible et variable. 

La carte ci-dessous montre le vent à 925 hPa (aux alentours de 800 mètres d'altitude) et cette convergence initiée par un flux assez rapide de nord-est tournant vers le massif ardennais (flèches dans les plages jaunes), ce flux y acheminant ainsi de l'humidité. Il n'est d'ailleurs pas impossible que la marge nord du massif ardennais ait contribué à accroître ce forçage à l'ascension des masses d'air y arrivant depuis le nord-ouest de l'Allemagne. Enfin, on y ajoutera le rôle de l'instabilité permettant le développement de cumulus et cumulonimbus enclavés dans les zones de précipitations (MUCAPE de 200 à 400 J/kg d'air), ceux-ci les intensifiant localement.

Flux à 925 hPa à minuit le 14 juillet selon Arome (source: Meteo France via Meteociel).
 
Radar de précipitations à 23h30 le 13 juillet. Les taches orange-rouge marquent de plus fortes intensités associées à de la convection et aux cumulus et cumulonimbus imbriqués dans la perturbation (source: Kachelmann Wetter).

Le lendemain matin, de nouvelles précipitations arrivant d'Allemagne envahissent la province de Liège qui est placée en alerte rouge par l'IRM, alors que des cumuls largement supérieurs à 50 mm sont déjà observés. Elles se répandent ensuite sur les provinces de Namur et de Luxembourg, assurant plusieurs heures de pluie continue à une bonne partie de la Wallonie. A la différence du 13 juillet et de la nuit du 13 au 14, les pluies sont ici plus régulières, portées par une perturbation plus classique.

Alerte lancée par l'IRM en début de matinée du 14 juillet.

Dans l'Entre-Sambre-et-Meuse, les premières inondations sont observées, notamment le long de l'Eau Blanche qui entre en crue, suivie par d'autres cours d'eau de la région à partir de la nuit du 13 au 14.

Dans l'après-midi du 14, la crue de la Vesdre atteint des niveaux qui n'avaient plus été vus depuis les années nonante, et ses abords commencent à être évacués en prévision de la montée des eaux. La phase de crise est déclenchée en province de Liège, suivie un peu plus tard par Namur puis par Luxembourg. En début de soirée, l'eau continue de monter, inondant de nombreuses localités le long de la Vesdre jusqu'à l'entrée de Liège. De manière générale, de nombreux cours d'eau au sud du sillon Sambre-et-Meuse sont en crue.

Sur le front de la situation atmosphérique, la dépression de surface sur l'ouest de l'Allemagne n'a pratiquement pas bougé en 24 heures, remontant juste quelque peu sur la Rhénanie-du-Nord-Westphalie.

Analyse de surface du 14 juillet à 17h00 heure locale (source: DWD).

Cette dépression pilote une extension de l'air moite qui est présent sur l'Allemagne, alimentant les précipitations qui concernent non seulement l'ouest de ce pays, mais aussi l'est de la Belgique, le sud-est des Pays-Bas et le Grand-Duché de Luxembourg. La carte ci-dessous montre les valeurs d'eau précipitable, soit les pluies qui tomberaient si toute l'humidité de l'air était condensée. Il s'agit donc d'un indice de la charge en vapeur de l'atmosphère. Des valeurs de plus de 40 mm sont remarquablement élevées, et illustrent le caractère moite de la masse d'air qui est amenée sur la Belgique par la dépression rhénane.

Eau précipitable à 15h00 le 14 juillet (source: Meteo France via Meteociel).

Par rapport à la valeur normalisée, de tels paramètres présentent une déviation de 2 à 3 Sigmas au-dessus de cette normale (ou déviation standard), soit des valeurs appartenant aux pourcents les plus extrêmes parmi les observations historiques. Une telle donnée confirme le caractère exceptionnel de la quantité d'eau disponible dans l'atmosphère pour alimenter les précipitations.

Anomalie du contenu en eau précipitable de l'atmosphère à 8h00 le 14 juillet (source: Tropical Tidbits).

En altitude, la goutte froide sur le sud de la France a gagné les Alpes et, dans son mouvement, bloque la dépression de surface sur l'Allemagne. Sur son pourtour, des noyaux de divergence en altitude forcent la masse d'air humide à monter, d'où la condensation et les pluies importantes.

En soirée, après une relative accalmie de quelques heures, de nouvelles pluies descendent des Pays-Bas, avec un axe recueillant le gros des précipitations qui se déplace progressivement vers le centre du pays, en quittant la région liégeoise et l'est de la province en début de nuit du 14 au 15. Un nouveau noyau de divergence d'altitude se retrouve d'ailleurs à l'aplomb du pays en seconde partie de nuit. L'air en altitude accélère ainsi son mouvement au-dessus du centre et de l'est de la Belgique, créant un déséquilibre qui doit être corrigé par l'arrivée de masses d'air par en-dessous, donnant une ascendance synoptique (ou forçage).

Le niveau de moiteur de l'air est toujours très important. Sur la carte ci-dessous, l'anomalie d'eau précipitable atteint une déviation standard de 3 Sigmas par rapport à la moyenne, dénotant une masse d'air extrêmement chargée en humidité, concentrée en une panache sur le flanc ouest de la dépression rhénane et alimentant les précipitations transitant longitudinalement sur la Belgique. Ce panache est de plus entretenu par l'humidité issue de la mer du Nord, mais aussi des masses marines autour de la Scandinavie, concernée depuis plusieurs semaines par une vague de chaleur. On note également sur cette carte le flux convergeant à large échelle (vent de nord sur la mer du Nord, de nord-est sur le nord-ouest de l'Allemagne), participant aux ascendances synoptiques.

Flux à 700 hPa et anomalies d'eau précipitable à 2h00 le 15 juillet (source: AliciaMBentley.com)

Un peu d'instabilité (MUCAPE de 200 à 400 J/kg d'air) aide également à la formation de cumulonimbus enclavés (notamment par dégagement de chaleur latente), renforçant les précipitations. L'imagerie radar montre en effet et à nouveau la présence de taches orangées, signe d'une plus forte intensité des précipitations qui sont renforcées localement sous ces nuages convectifs. La force de la convection n'est cependant pas suffisante pour mener au déclenchement d'une activité électrique.

Radar de précipitations à 5h00 le 15 juillet (source: Meteo France via Meteociel).

En seconde partie de nuit et en matinée du 15, les précipitations sont ainsi particulièrement intenses sur l'est du Brabant wallon et la province de Namur. Il y tombe jusqu'à une quarantaine de millimètres de pluie en quelques heures, entraînant la mise en crue de plusieurs cours d'eau dans le centre et l'est du Brabant wallon et dans le Namurois. Le Samson connaît ainsi un débordement particulièrement important. Dans la région de Jemelle, les inondations prennent aussi une tournure conséquente.

Inondations spectaculaires à Pepinster au matin du 15 juillet (photo reprise sur la RTBF).

Dans la vallée de la Vesdre, les inondations prennent une ampleur dramatique, notamment à Verviers et Pepinster où l'on constate plus de trois mètres d'eau dans certaines rues, entraînant l'effondrement de plusieurs maisons. C'est également le cas dans l'ouest de l'Allemagne où les inondations sont très importantes, de même qu'au Grand-Duché de Luxembourg.

Dans la journée du 15, l'axe pluvieux se déplace sur le centre du pays, en concernant notamment la région bruxelloise et la région de Charleroi. Il se place en effet à l'ouest de l'occlusion qui délimite l'air très humide à son ouest de l'air moins humide à l'est. La dépression quant à elle n'a pas bougé, bloquée par la goutte froide en altitude qui est venue se positionner au-dessus de l'Allemagne.

Analyse de surface du 15 juillet à 11h00 heure locale (source: DWD).

Dans l'après-midi, une grande partie des cours d'eau de Wallonie sont en alerte ou en pré-alerte de crue, notamment la Meuse pour laquelle sont évoqués des niveaux qui n'avaient plus été atteints depuis les dernières grandes inondations des années nonante. Le Fédéral reprend la gestion de crise décrétée plus tôt par les provinces concernées et déclenche le niveau national du Plan catastrophe. 

Source: Service Public de Wallonie.

Le décalage des précipitations sur le centre du pays a pour effet d'y concentrer de nouveaux problèmes. A partir de la soirée du 15, l'Eau d'Heure entre en crue au sud de Charleroi, tandis que certaines villes comme Wavre se retrouvent inondées. A Namur et à Liège, la Meuse déborde ponctuellement de ses berges, mais la progressive stabilisation du débit écarte le risque d'inondations généralisées dans ces deux villes.

Du côté atmosphérique, la goutte froide allemande commence à perdre en vigueur, tarissant progressivement le panache de moiteur qui alimentait les précipitations. Dans la journée du 16, on n'observe ainsi plus que quelques averses passagères. Il faut cependant attendre les 17 et 18 juillet pour que les derniers cours d'eau en crue orientent enfin leur niveau à la baisse.

Synthèse des éléments atmosphériques en présence

En résumé, ces inondations exceptionnelles sont liées à un pattern atmosphérique particulier, à savoir une dépression "rhénane", bloquée sur l'ouest de l'Allemagne, qui rabat un panache de moiteur sur nos régions, ce dernier étant plus ou moins entretenu par l'humidité de la mer du Nord. On note que cette configuration n'est toutefois pas neuve, et a également été observée (et de manière parfois plus prononcée) lors des derniers grands épisodes pluvieux estivaux, notamment en août 1996 et en août 2010. Le potentiel de ce panache de moiteur est "converti" par la présence de divergences en altitude et de convergences en basse couche (dont celle du soir du 13 juillet vraisemblablement "aidée" par la marge nord de l'Ardenne), qui forcent ainsi l'air à s'élever et à condenser son contenu en humidité.

On peut, pour le cas présent, noter deux facteurs aggravants. Le premier s'est déjà vu lors d'autres épisodes, il s'agit du dégagement de chaleur latente entretenant des cumulonimbus enclavés, ceux-ci résultant de la présence d'une faible mais suffisante instabilité. Ces cumulonimbus, sans aller jusqu'à l'orage, multiplient cependant et localement le débit de conversion de l'humidité en précipitations. Leur défilement sur les mêmes régions accroît donc considérablement les cumuls de pluie.

Le second est particulier, il s'agit de la chaleur présente en Scandinavie depuis plusieurs semaines, répercutée aussi au niveau des étendues marines. Ainsi, la mer du Nord a pu s'associer à la mer Baltique pour entretenir le panache de moiteur.

S'il a sans doute une part de responsabilité, l'impact du réchauffement climatique est difficile à cerner précisément, et l'importance de la part en question peu aisément quantifiable. Avec ou sans réchauffement, ces inondations se seraient produites, avec une ampleur plus ou moins similaire. Notons toutefois deux choses:
  • Un principe de la physique: une masse d'air plus chaude a une contenance maximale en humidité plus grande; il est donc possible de dire que notre atmosphère plus chaude voit son réservoir d'humidité potentiel s'accroître aussi.
  • Depuis longtemps déjà, il est connu que le réchauffement climatique est plus fort au pôle qu'à l'équateur, entraînant une diminution du différentiel thermique moyen entre ces deux espaces. Le Jet-stream étant un vent thermique et fonctionnant grâce à ce différentiel, ce dernier s'en trouve affaibli et tend à produire des méandres, certains d'entre eux pouvant par moments se bloquer au-dessus d'une partie d'un continent, et notamment former, par détachement, les fameuses gouttes froides.
On synthétisera donc ces propos en mettant l'accent sur la concordance dramatique de déterminants météorologiques au-dessus de la Belgique et de l'ouest de l'Allemagne, à laquelle s'ajoute une part explicative liée au réchauffement climatique et ses impacts.

Une dernière pensée nous vient à l'esprit au moment de terminer cet article. Cette tentative d'explications ne pourra pas atténuer la détresse des personnes sinistrées et/ou ayant perdu un proche au cours de ces journées dramatiques. Si toutefois nous pouvions apporter à notre niveau un peu de réconfort, ce serait de dire que de telles crues, et notamment celle de la Vesdre, sont sans doute des événements - malheureux - ne se produisant statistiquement qu'une fois au cours d'une vie.

dimanche 20 juin 2021

19/06/2021 - Saturday night fever

Un week-end entre potes, une piscine, du beau temps... Que demander de plus? Des orages? Ils sont annoncés, mais de prime abord, je ne voyais pas vraiment la région d'Houffalize, où nous nous trouvions, être en première ligne. Qu'à cela ne tienne...

20h30, le barbecue est achevé depuis quelques minutes que déjà le tonnerre gronde vers Bastogne. Mon attention se déporte progressivement de la partie de pétanque "digestive" vers l'amoncellement de nuages bien sombres vers le sud, d'autant plus que les grondements deviennent insistants.

Au final, je me décide à monter sur les hauteurs d'Houffalize où j'avais repéré une zone relativement dégagée, ce qui ne court pas les rues en Ardenne. L'orage n'est déjà plus qu'à quelques kilomètres, et ça a l'air d'être tout sauf une mise en bouche. On saute directement au plat principal.

 
L'abaissement nuageux à moitié caché derrière ce lourd noyau de précipitations aura été animé d'un mouvement de rotation, mais ce ne fut que temporaire...

Cette cellule bien dense engloutit rapidement mon point de vue, déversant une pluie forte tandis que les intranuageux illuminent le ciel à un rythme soutenu. Cela ne dure cependant pas longtemps, et après une brève volée de grêle (l'affaire de dix secondes), l'orage s'éloigne déjà vers le nord-ouest. Pour autant, une seconde cellule se trouve sur son arrière, et évite de peu Houffalize:

Elle a à peine le temps de passer qu'un troisième orage se présente d'où est venu le premier, au sud-sud-est. Pour autant, sa présentation d'entrée n'a pas vraiment bonne mine. Mais l'habit ne fait pas le moine...

Ce que j'ignore alors, c'est que ce nouveau rideau marque le flanc d'un puissant orage qui remonte sur la frontière avec le Grand-Duché, en prenant des caractéristiques supercellulaires. Il semble y avoir eu une rotation durable derrière cette masse, d'après les Dopplers... Doté d'une activité électrique forte, ce flanc ne fait pas semblant quand il concerne mon point de vue. On est à la limite de la rafale descendante, avec des pointes de vent bien senties:

Il s'en suit une nouvelle chute de grêle, mais cette fois bien plus consistante, avec des billes de glace d'environ 1 cm de diamètre qui rebondissent sur le sol.

Une fois le grabuge passé, je prends pleinement conscience de l'activité électrique de ce mastodonte qui prend la route de Saint-Vith et de Malmedy. Des internuageux jaillissent au choix des tours cumuliformes satellites, soit carrément de l'enclume:


Ou, de temps à autre, un coup de foudre bien puissant survient, comme ici (il tombe "à gauche" des épis de hautes herbes):




 
Plus tard dans la soirée, d'autres cellules passeront, avec toujours une activité électrique soutenue à forte, mais plus de grêle ni de rafales. 




Encore une soirée mouvementée qui s'achève, trente-six heures à peine après la salve de la nuit de jeudi à vendredi!

18/06/2021: Une nuit d'orages spectaculaires

Pour faire une saison réussie, les orages nocturnes sont à mes yeux indispensables. La nuit du 17 au 18 juin fut donc l'occasion de retrouver les ambiances si particulières, tantôt fascinantes, tantôt menaçantes, des stroboscopes célestes. 

En quittant mon domicile vers 23h00, j'ignorais alors que je m'embarquais dans une chasse jusqu'aux premières lueurs du jour. De prime abord, un orage très actif qui progressait sur l'est de l'Aisne constituait le premier élément d'attention. Alors que je me place près de Sombreffe, les lueurs orangées sont bien visibles au lointain horizon sud-sud-ouest. L'heure tournant, l'orage franchit la frontière, ravit les chasseurs présents en Entre-Sambre-et-Meuse et exhibe une solide organisation supercellulaire. Autre signe d'un orage peu commun, le tonnerre est parfaitement audible, très sourd, alors que le foyer est encore à la frontière. Ca fait tout de même un paquet de kilomètres...

Toutefois, la bestiole semble de plus en plus viser le nord du Namurois, où j'ai quelques bons spots. Son déplacement étant relativement lent, je peux aisément aller me replacer juste au nord de Gembloux pour assister à l'arrivée du monstre, sa signature électrique laissant entrevoir une grosse vigueur au sein de ce cumulonimbus débridé. 

L'image suivante montre la chute d'un extraordinaire coup de foudre positif parti de l'enclume de l'orage. Evidemment, l'appareil photo n'était pas du tout paramétré pour capter ce genre de chose...

En abordant la Basse Sambre, ce foyer si prometteur semble commencer à perdre de sa superbe. En échange, l'activité électrique très intense et intranuageuse faiblit progressivement en laissant la place à un festival d'internuageux. Les photos suivantes sont prises entre 0h55 et 1h10 (cliquer dessus pour un affichage avec une meilleure résolution):







Passé 1h15, ce foyer arrive à mon niveau, mais est vraiment à l'agonie. Rares sont les éclairs, mais ces derniers valent la peine qu'on leur consacre de l'attention:

Dans les minutes qui suivent, les restes de la cellule laissent tomber une petite pluie sur mon point d'observation, avant de reprendre vigueur en se dirigeant vers Jodoigne, avec une activité électrique somme toute modérée. A l'inverse, de nouveaux clignotements bien plus insistants se faisaient à nouveau entrevoir à l'horizon sud-sud-ouest.

Vers 2h15, cette nouvelle cellule transite sur la région de Philippeville et de Florennes en arborant une structure dantesque, digne des supercellules américaines. En effet, nous avons à nouveau affaire à un orage peu ordinaire.

Depuis Ernage, rien de tout cela n'est visible. Par contre, l'activité électrique devient très intense, avec un éclair toutes les une à deux secondes.

Par moments, des internuageux rampent sous l'enclume ou jaillissent à l'avant du noyau dur. Un tel comportement de l'activité électrique est signe d'un orage très organisé.

Quand ce ne sont pas des coups de foudre, rares mais souvent positifs, qui se manifestent:


Une petite vidéo pour donner un meilleur aperçu de la cadence électrique:

La débauche d'énergie de ce mastodonte est impressionnante, impression renforcée lorsque, peu avant 3h00, l'approche finale de cet orage s'accompagne d'un tonnerre continu et puissant. De quoi se sentir tout petit dans l'attente de la claque:

Finalement, le noyau dur m'évite d'un ou deux kilomètres, alors que je m'attendais au pire vu l'activité. Une pluie forte mais non diluvienne s'abat sur mon point d'observation, tandis que le ciel s'illumine pratiquement en continu. Une fois le coup de tabac passé, je quitte Ernage pour suivre cette furie sur ses talons, à distance toutefois raisonnable... Et en prenant garde aux nombreuses accumulations d'eau sur la route de Thorembais. 

Radar à 3h00 avec ma localisation (rond noir) (source: Kachelmann Wetter).

A Thorembais justement, je tombe sur François par le plus grand des hasards. Entre-temps, j'avais repéré dans mon rétro une troisième salve envoyée par l'Entre-Sambre-et-Meuse qui, à l'instar du second orage qui s'en va cogner l'est du Brabant wallon, se renforce en atteignant la Basse Sambre. Nous nous repositionnons rapidement sur un point de vue au nord-est de Thorembais pour accueillir ce troisième orage. 


A la différence des deux premiers, il me laisse deviner des structures nuageuses imposantes à la lumière de son activité électrique qui monte en puissance. Celle-ci est par ailleurs, à l'inverse du second orage, totalement intranuageuse.

Bien qu'hybride, ce troisième orage laisse suspecter la présence d'un mésocyclone au sein de ces masses menaçantes, et donc une origine à nouveau (possiblement) supercellulaire. Une rotation semble se deviner en passant le paquet de photos que je prends avant l'arrivée du grabuge, mais difficile d'être absolument catégorique...

Après un repli dans la voiture alors que l'arcus nous fonçait dessus (il commencera à dracher juste après), nous laissons passer ce troisième coup de tabac, avec personnellement une impression de puissance qui égale pratiquement celle du second orage. Cette fois, la pluie est diluvienne et le vent s'y met aussi. Côté activité électrique, ce n'est pas en reste, loin de là, très similaire à l'orage précédent.

Le noyau dur passe assez rapidement et s'éloigne vers Jodoigne, tandis que les toutes premières lueurs de l'aube commencent à se faire voir. Il est en effet passé 4h00 du matin, et il y a une journée de boulot à assurer dans quelques heures! Après un rapide débrief avec François qui a l'air aussi fatigué que moi, je reprends la route vers Namur. L'aube s'affirme, les premiers oiseaux gazouillent, et dans mon rétro, le show céleste s'éloigne en Flandre avec sa kyrielle d'éclairs. Encore une nuit que je n'oublierai pas de si tôt...