jeudi 16 janvier 2020

Janvier - février 2020: un hiver très doux et tempétueux

Hiver très doux et très pauvre en neige.

Le mois de janvier est très doux. Certaines journées ensoleillées donnent une impression de printemps, alors que nous sommes en plein coeur de l'hiver météorologique. On note aussi quelques coups de vent assez classiques pour la saison, notamment le 14 janvier où on note 87 km/h à Humain (province de Luxembourg) et 97 km/h à Boulogne (Pas-de-Calais).

Le beau temps hivernal à Wartet (Namur) le 16 janvier (auteur: H. Maldague - Le Chroniqueur météo).

Le 20 janvier, à la faveur d'un énorme anticyclone à plus de 1050 hPa sur les Iles britanniques, le record de haute pression à Uccle (Bruxelles) est battu avec 1048,3 hPa. Le précédent datait de 1932 avec 1048,0 hPa. 

Le 28 janvier en fin de nuit et à l'aube, des orages sont observés sur nos régions. Localement, ils s'accompagnent de fortes rafales qui causent quelques dégâts.

Le mois de février est l'un des plus doux des dernières décennies, et est marqué par plusieurs tempêtes. Avec 13 jours d'orages, c'est aussi le mois de février le plus orageux depuis 1928. C'est aussi un mois anormalement pluvieux.

La nuit du 3 au 4 février, une perturbation très active concerne la Lorraine belge (35 mm à Buzenol). Suite à cela et aux pluies précédentes, plusieurs bassins du sud de la Wallonie sont en alerte crue. A la faveur d'un bref flux de nord-ouest, de la neige fondante est observée jusqu'à 200 mètres. En plusieurs régions, ce sont les premiers flocons de l'hiver...

Les 9 et 10 février, la tempête Ciara concerne nos régions, ainsi qu'une grande part de l'Europe occidentale. La dépression responsable se déplace sur l'Ecosse et la Norvège avec une pression atteignant 944 hPa la nuit du 9 au 10. L'épisode venteux est anormalement long, durant dix-huit heures. Les rafales atteignent 116 km/h à Herhet, 115 km/h à Oostende, 108 km/h à Uccle, Humain et Bierset, 105 km/h à Gosselies et 101 km/h à Chièvres et Beauvechain. Dans les Hauts-de-France, on mesure 139 km/h au Cap Gris-Nez, 130 km/h à Boulogne, 126 km/h à Arras et 115 km/h à Lesquin. Le vent atteint aussi 105 km/h à Charleville-Mézières, 117 km/h à Douzy et 165 km/h à Gatteville-le-Phare.

 La tempête Ciara le 9 février à 13h00 (source: Wokingham Weather).

Dans le sillage de Ciara, une ligne de grains très active balaye la Belgique au soir du 10 février. Les rafales atteignent 119 km/h à Chièvres où, à deux kilomètres de là, une rafale descendante est responsable d'importants dégâts observés sur la commune de Lens (Montignies-lez-Lens étant particulièrement concerné). Une tornade pourrait avoir accompagné ce phénomène, sans certitude toutefois. On mesure aussi 108 km/h à Uccle. Des dégâts sont également signalés dans d'autres régions, notamment en province de Liège.

Lien vers un article de Belgorage sur Ciara et les orages associés: Voir ici

Une semaine après Ciara, c'est la tempête Dennis qui concerne l'Europe occidentale. Elle est liée au creusement explosif d'une dépression extrêmement creuse sur l'Atlantique nord, atteignant un minimum de 920 voire 919 hPa la nuit du 15 au 16 février. Un peu plus tôt, un satellite a mesuré via diffusomètre des vents moyens de 170 km/h juste au sud du coeur dépressionnaire, heureusement en pleine mer. Ceci laisse supposer des rafales largement supérieures à 200 km/h. Il s'agit d'une des tempêtes les plus violentes depuis le record de la tempête Braer en janvier 1993 (914 hPa).

Son gigantesque champ d'action a concerné de nombreux pays, les vents les plus violents étant cependant restés en mer:
  • En Belgique, les vents les plus forts ont été observé dans le secteur chaud, où des températures très élevées pour la saison ont été notées (plus de 15°C par endroits). Les rafales ont atteint 108 km/h à Uccle, 105 km/h à Kleine-Brogel et 101 km/h à Beauvechain, Bierset, Humain et Zaventem.
  • En France, on a noté 103 km/h à Lille, 121 km/h au Cap Gris-Nez et un maximum de 138 km/h à Gatteville-le-Phare en Normandie.
  • Au Royaume-Uni, des pointes de plus de 130 km/h ont été notées au Pays-de-Galles.

Analyse de surface du 15 février 19h00 heure belge (source: NOAA).

A noter qu'au passage du front froid, une vraisemblable rafale descendante a provoqué de gros dégâts dans la région de Dour (Hainaut).

Les 26 et 27 février, la neige fait enfin son apparition remarquée, alors que l'hiver climatologique touche à son terme. Au matin du 26, des chutes de neige concernent l'est de la Wallonie, avec des accumulations dépassant parfois les 5 cm en région liégeoise et plus de 10 cm dans l'est de la province. Cette neige entraîne de nombreux embarras de circulation. Le lendemain, c'est surtout le massif ardennais qui est concerné, avec des chutes de neige soutenues provoquant le blocage de la E411.

La neige sur le Sart Tilman (Liège) au matin du 26 février (auteur: H. Maldague - Le Chroniqueur météo).

Le 29 février, le front froid de la tempête Jorge balaie la Belgique et le nord de la France. Les pointes atteignent 108 km/h à Chièvres et 110 km/h à Lille à son passage. Dans le Hainaut et le Brabant wallon, plusieurs dégâts portés à la végétation et au bâti peuvent être imputés à des rafales descendantes.

Lien vers un article de Belgorage sur Jorge est les orages associés: Voir ici

En synthèse de cet hiver, la figure ci-dessous montre la surreprésentation du régime NAO+ sur nos régions. Ce régime, celui de la dépression d'Islande très intense et d'un anticyclone des Açores qui campe... aux Açores, est marqué par un flux d'ouest vigoureux transportant douceur, humidité et réguliers coups de vent vers l'Europe occidentale.

Source: Cerfacs.

lundi 6 janvier 2020

De France vint un brasier... Aux souvenirs du 22 août 2011

Nous sommes quatre jours après le drame du Pukkelpop, et à nouveau l'IRM met en garde contre de violents orages attendus la nuit prochaine. Et pourtant, pour l'auteur de ces lignes, l'optimisme ne règne guère... Des années d’observations attentives lui avaient appris que, dans la région de Charleroi, Juin était classiquement le mois des orages, et que la saison déclinait franchement une fois passé la mi-août (il n'y a pas vraiment d'explication à cela). En étant le 22 août, il ne fallait donc pas trop s'attendre à de gros orages.

Et puis, le temps... L'après-midi avait été fort nuageuse, avec à peine quelques éclaircies et quelques ondées, le tout avec un thermomètre quelconque (22°C). Vers 21h00 à Montigny-le-Tilleul, le thermomètre affiche 19°C, avec une humidité assez présente. On le saura par après, l'atmosphère était pourtant très instable, mais à partir de quelques centaines de mètres d'altitude. Au sol, rien à part un fond de lourdeur n'interpelle...

Les quelques cellules orageuses qui se promènent alors sur le département de l'Aisne ne suscitent guère un enthousiasme débordant. Le radar des précipitations montre leur progression vers nos régions, mais la nuit tombant, la question est de savoir si ces orages vont se maintenir. Le souvenir d'un flop magistral, avec une déglingue à la frontière, en même décade quelques années plus tôt, incite à la prudence...

Peu avant 22h00, après avoir mis temporairement le radar de côté pour vaquer à d'autres occupations, retour à celui-ci, et cette fois, l'alerte sonne... Plus de cellules isolées, mais un énorme train d’orages qui prend la direction de l’Entre-Sambre-et-Meuse. La nuit est tombée et, au sud, il ne faut que le temps d'adaptation à l’obscurité pour apercevoir une activité électrique exubérante dans le lointain. Il y a facilement un flash toutes les quelques secondes.

Décidément, cette année n’est pas comme les autres. Le souvenir du spectaculaire orage du 28 juin est encore bien présent, mais cet axe orageux massif qui se dirige vers nos régions a l’air encore plus sournois et encore plus intense. Vers 22h30, sa “tête” ne se trouve plus qu’à quelques kilomètres, et progressivement se confirme que Charleroi et ses environs vont connaître un orage peu commun. Outre les intensités de précipitations dantesques que renseignent les radars, l’activité électrique ne faiblit pas: aux flashes répétés d’éclairs intranuageux répondent, à intervalles plus ou moins réguliers, d’énormes coups de foudre frappant les campagnes de l’Entre-Sambre-et-Meuse. Quelques gouttes commencent à tomber tandis que les roulements de tonnerre se font sourds et puissants.


La suite fut une représentation céleste qui me rappela, en de nombreux points, le fracas d'une autre nuit qui faisait alors office de référence absolue en matière d'orages agressifs, celle du 19 au 20 juin 2002. Alors au zénith, l’orage est intense, avec des flashes qui se succèdent dans le ciel toutes les deux ou trois secondes dans les phases les plus fournies. La pluie est intense, mais un poil moins que du côté de Ham-sur-Heure-Nalinnes ou encore le sud et l'est de Charleroi où des inondations sont signalées.

L'orage prend alors pendant un quart d'heure une tournure extrêmement menaçante. Une première rafale de flashes illumine le ciel comme en plein jour, suivie presque immédiatement d’un fracas assourdissant qui résonne à travers le quartier. Sur la vidéo réalisée à ce moment, de cette énorme chute de foudre ne sont obtenues que quelques ramifications perdues dans la lumière de l’éclair qui semble tomber à droite de la photo, à quelques centaines de mètres à peine.


A peine quelques instants plus tard, une explosion de lumière encore plus impressionnante emplit l’air, et à peine éteinte, est suivie par un claquement d’une violence inouïe qui après quelques secondes se change en un puissant grondement se répercutant à travers la ville. Au beau milieu du paysage violemment illuminé de blanc, un énorme canal violacé est venu frapper l’un des arbres ou toits qui me font face.  Mais se faire “morfler” les yeux n’était pas la sensation la plus bizarre. Une sorte de souffle mêlé d'un picotement a été clairement ressenti lors de la chute de l'éclair. Un baptême "électrique"!

Et pendant ce temps, c'est le déluge sur une bonne partie de la Wallonie (source: Belgocontrol).

A nouveau la foudre se manifeste quelque part derrière la maison, donc de l'autre côté, et à nouveau c’est le même cinéma: un grand flash et un craquement qui intervient une ou deux secondes après. A peine quelques instants plus tard, nouvelle chute de foudre à peine plus éloignée, et toujours ce craquement qui fait trembler les vitres et le plancher. Il y aura encore un ou deux coups de foudre bien proches. En l’espace d’un gros quart d’heure, ça fait donc cinq ou six chutes de foudre dans un rayon de 800-1000 mètres. Vu les déflagrations qui suivaient ces coups, l’intensité de ces éclairs devait être particulièrement puissante.

Vers minuit, le système orageux commence à doucement se retirer de la région, en prenant la route de l'est de la Wallonie. A son arrière, et comme d’habitude dans ces conditions, ce sont de grands éclairs internuageux rampants qui prennent le relais.



Cette nuit-là, d’autres systèmes orageux défileront sur l’ouest de nos régions, certains proches de Montigny. Je ne verrai ainsi rien du tout d’un nouvel orage, cependant plus restreint, qui naîtra à proximité vers 4h15. Par contre, ce sera le cas vers 9h45, au bord sud du dernier système orageux qui donnera un ciel noir de nuit à Bruxelles.

Mais revenons à “notre” MCS de la veille au soir. Depuis le moment où les premiers éclairs ont été aperçus au sud-ouest jusqu’au moment où les derniers se produisaient sur l’horizon est, il s’est écoulé deux heures et demi. La phase intense aura duré plus d’une heure, ce qui est inhabituellement long pour un orage en un point donné. Outre cela, les éléments seront restés intenses pendant ce temps. Mais le plus impressionnant est de loin ces chutes de foudre rapprochées. Depuis cette expérience foudroyante, à l’intérêt toujours intact pour les orages se mêle une certaine forme d’anxiété quand la foudre se fait trop menaçante. C’est toutefois bien loin des niveaux d’angoisse de l'enfance. Néanmoins, au cours du troisième fort orage de la saison au soir du 3 septembre, une nouvelle fois l'auteur rentrera la tête face à l’une ou deux chutes de foudre bien proches.

Pour terminer, une compilation réalisée à l'époque, avec un appareil photo bon marché, d'où la qualité franchement moyenne de la vidéo (comme pour les photos présentées dans cet article d'ailleurs):