dimanche 11 novembre 2018

Les descentes polaires de fin d'automne: gare aux surprises neigeuses!

Novembre est arrivé. L'amateur de météo est dans une période un peu "creuse", et attend les premiers coups de vent et les premiers frimas. Même si ce n'est pas encore l'hiver, il sait que la fin de l'automne peut comporter les plus grosses surprises neigeuses, et pas seulement en Haute Belgique. Un petit tour dans les archives peut en attester. Flashback.

lundi 15 octobre 2018

Tempêtes européennes: de quoi parle-t-on?

Elles rythment nos arrière-saisons aux côtés des offensives neigeuses et sont plus ou moins présentes selon les années. A la manière des disques hypnotiseurs, elles déploient leurs grandes spirales sur les images satellites et attirent les regards des météorologues. Elles, ce sont les grandes dépressions de tempête qui chaque saison traversent l'océan et finissent sur notre continent. En voici une présentation.

Une histoire de pressions

Tout d'abord, le vent existe par le fait des différences de pression atmosphérique à travers l'espace. Plus cette différence est forte, plus le vent sera puissant. Chez nous, c'est le creusement des dépressions qui est la plupart du temps responsable de cette augmentation du gradient de pression. En règle générale, plus une dépression se creuse, plus le vent sera fort. Cependant, la pression au centre de la dépression n'a pas besoin d'être très basse pour engendrer du vent violent. Il suffit qu'un anticyclone soit présent à quelque distance pour y parvenir. La carte ci-dessous en montre un exemple.
 
Analyse de surface du 6 mars 2017 à midi (source: KNMI).

Ce jour-là, une forte tempête balayait l'ouest de la France. Pourtant, la dépression (les deux L) n'était pas très creusée, à peine sous 1000 hPa. Cependant, un puissant anticyclone se trouvait près de la Péninsule ibérique, ce qui a accentué la différence de pression entre la dépression et l'Espagne. Les lignes bleues, les isobares, représentent les lignes d'égale pression. Plus elles sont resserrées, plus le différentiel de pression est important, et plus le vent est fort. Or, on voit bien qu'au sud-ouest de la dépression, ces isobares étaient très resserrés (cercle orange), d'où les vents violents du jour.

Il s'agit d'un schéma général, et d'autres phénomènes de l'atmosphère peuvent accentuer le vent au sein des tempêtes. Nous y reviendrons plus tard.

Comment se forment les dépressions?

Dans la région en-dehors des tropiques (et qui nous concerne donc), ce sont essentiellement des différences horizontales de températures qui sont à la base des dépressions. Au départ, une petite anomalie apparaît dans les basses couches de la troposphère sur un front séparant deux masses d'air à températures différentes. Pour expliquer cela très simplement, l'air chaud au sud tend à vouloir monter vers le nord tandis qu'un peu en arrière du front, l'air froid tend à vouloir descendre vers le sud. Ce processus créée une onde dépressionnaire, avec à son avant un front chaud et à son arrière un front froid.

Schéma de la naissance d'une dépression (marquée par "point d'inflexion") (source: wikipedia).

Pour autant, sans d'autres coups de pouce, cette petite dépression de surface ne se développerait pas davantage. Elle a besoin d'être phasée avec un creux d'altitude (on pourrait parler d'anomalie basse de tropopause, mais ça risque de devenir compliqué) qui doit se tenir à l'ouest de la dépression de surface pour faire effet. Il faut savoir qu'en altitude, les masses dépressionnaires froides sont au nord et les masses anticycloniques chaudes sont au sud, le tout globalement séparé par le Jet-stream qui doit pour bonne partie son existence à cette différence de températures en altitude. 

Pour autant, la limite - et le Jet-stream qui va avec - n'est pas rectiligne et a tendance à onduler. Un U, avec son fond vers le sud, forme un creux dépressionnaire d'altitude (appelé aussi talweg d'altitude). Pour la petite histoire, les deux (talweg d'altitude et dépression de surface) vont interagir et se renforcer mutuellement. C'est ce qu'on appelle l'instabilité barocline qui est le grand moteur de nos tempêtes européennes (et de manière générale, des dépressions en-dehors des tropiques).

A noter qu'on parle aussi souvent du rôle que peut avoir le Jet-stream dans le creusement des dépressions: un jet très rapide comporte des zones où les ascendances de l'air sont forcées, favorisant le creusement des dépressions.

Schéma simplifié de l'interaction entre la dépression de surface et celle d'altitude. Le tube symbolise le Jet-stream (source: Meteo France).

Lorsque les différents éléments sont bien phasés (configuration du Jet-stream, dépression d'altitude...), la dépression de surface se creuse rapidement, augmentant la force du vent. La dépression arrêtera de se creuser lorsque ce phasage ne sera plus parfait (affaiblissement et/ou éloignement du Jet, éloignement de l'air chaud et donc de la zone de différence de températures, passage de la dépression d'altitude devant celle de surface...). 

D'autres processus peuvent intervenir, notamment le dégagement de chaleur latente lié à la condensation de l'air humide des basses couches en nuages et précipitations lors des ascendances synoptiques souvent observées juste en aval du centre dépressionnaire. Pour faire simple, ce surplus de chaleur entraîne un déséquilibre qui doit être corrigé par une accélération des mouvements d'air qui animent la tempête.

Une machine à flux

Les dépressions - et pas seulement les tempêtes - sont animées de différents flux plus ou moins sécants entre eux. A l'inverse des cyclones tropicaux où le vent tourne réellement en rond autour du centre, le champ des vents de nos tempêtes comporte des irrégularités liées aux fronts entre autres. De part et d'autre de tous ces fronts circulent trois grands courants principaux appelés conveyor belts en anglais (ou "bande transporteuse" en français): un chaud, un froid et un sec. Ils se disposent plus ou moins selon le schéma suivant très général (dans les faits, des différences de placement peuvent être observées).


Le courant chaud (warm conveyor belt) se trouve dans le secteur chaud de la dépression. Il longe le front froid (ligne bleue avec les triangles) devant celui-ci puis s'élève en altitude, formant ainsi le front chaud (ligne rouge avec les demi-cercles). Le vent peut y être fort, mais il est peu turbulent (sauf si intervention du relief). Le flux a tendance à s'écouler assez régulièrement, et la vitesse des rafales y est souvent peu supérieure à celle du vent moyen (sauf si, une nouvelle fois, le relief intervient ou que de la convection est présente). Classiquement, ce flux est prédominant lorsque la dépression en est à son premier stade de développement, et disparaît lorsque celle-ci s'affaiblit. 

Le courant froid (cold conveyor belt) se trouve quand à lui devant le front chaud, au nord de la dépression. Au niveau du vent, ce n'est pas le plus intense des trois. Toutefois, dans le cas des dépressions de tempête, le comportement de la cold conveyor belt peut différer du schéma ci-dessus, avec une branche descendante qui tourne dans le sens anti-horlogique du centre dépressionnaire. Dans ce cas, le vent au sud et à l'ouest de la dépression peut devenir très intense, avec de violentes rafales si la convection (averses et orages) s'y développe, plaquant vers le sol les vitesses rapides de ce courant. Une fois l'intensification de la tempête terminée, c'est ce courant qui explique la plupart des plus forts vents observés.

Le courant sec (dry conveyor belt) est le plus turbulent, et régulièrement c'est dans ses parages qu'ont lieu les plus fortes rafales d'une tempête. Ce courant est lié à l'anomalie d'altitude (l'anomalie basse de tropopause ou, plus schématiquement, la dépression d'altitude) qui est un enfoncement d'air stratosphérique très sec. Sa présence peut déstabiliser les masses d'air présentes en-dessous et activer la convection, en rendant par exemple le front froid très intense et orageux. Son rôle dans le déclenchement du Sting Jet, un courant très rapide descendant de la moyenne troposphère vers le sol, est également régulièrement discuté. Le Sting Jet vient opérer au sud-ouest et au sud du centre dépressionnaire, se mêlant parfois à la cold conveyor belt, et donnant des rafales qui dépassent régulièrement les 150 km/h (des cas à 200 km/h voire davantage ont déjà été signalés).

Des dépressions, mais pas que

On l'a vu, certaines tempêtes de nos latitudes peuvent être le siège de phénomènes de convection (fortes averses, orages...) qui peuvent être responsables de rafales bien plus fortes que celles engendrées par le seul gradient de pression. Nous en avions parlé dans cet article. Il arrive par ailleurs que certains épisodes "tempétueux" se limitent au passage de lignes de grains ou d'orages, accompagnées de brutales rafales mais qui ne durent que quelques minutes. 

Entre les deux, on trouve des phénomènes dont la taille fait quelques centaines de kilomètres et qui se développent dans l'air froid, derrière les dépressions classiques, sans présence initiale d'un front chaud et d'un front froid. Ces structures, appelées commas ou cold air development selon leur importance, comportent des averses et des orages qui peuvent développer leurs propres rafales, mais leur présence influence le champ de pression en accélérant le vent à leur sud, parfois jusqu'au seuil de la tempête (rafales de 100 km/h).

Ci-dessous, l'image satellite montre la tempête Zubin la nuit du 13 au 14 décembre 2017. La dépression principale se trouve alors entre Ecosse et Norvège, mais c'est un creux dépressionnaire secondaire qui donne à ce moment des pointes jusqu'à 90 km/h sur la Wallonie. Il est observable par le comma qu'il transporte. Ici, les rafales sont expliquées par une déformation du champ de vent de Zubin, où il est accéléré par le creux.

 La tempête Zubin la nuit du 13 au 14 décembre 2017 (source: Wokingham Weather).


Quelle différence avec les ouragans tropicaux?

Il existe une similitude entre nos tempêtes et les cyclones tropicaux: ce sont des dépressions. D'ailleurs, on signalera que dépression et cyclone sont au départ des synonymes. Ainsi, le nom scientifique de nos dépressions est cyclone extratropical pour les différencier des cyclones tropicaux (les ouragans donc). D'ailleurs, une dépression de nos latitudes qui donnerait des vents moyens de plus de 120 km/h pourrait être nommée comme ouragan, en cohérence avec l'échelle de Beaufort. Pour éviter les confusions, on parle parfois d'ouragan extratropical ou de dépression avec des vents d'ouragan, pour éviter les confusions.

Pour les points communs, on s'arrête là. Alors qu'une dépression de chez nous se forme grâce au Jet-stream et aux fronts pour faire simple, les cyclones tropicaux se servent de la chaleur de la mer pour organiser leurs nuages orageux et se creuser. Le schéma ci-dessous tente de synthétiser les différences.

Les différences les plus notables sont liées à la physionomie des cœurs des dépressions. Dans un cyclone tropical, le coeur dépressionnaire des basses couches est aligné avec un anticyclone en altitude, près de la troposphère. Il est de plus plus chaud que son environnement. Dans "nos" tempêtes, les coeurs dépressionnaires sont la plupart du temps froid, et celui de surface est décalé avec celui d'altitude comme on l'a vu. Certaines tempêtes de nos latitudes qui se renforcent rapidement peuvent cependant présenter un petit coeur de basse couche plus chaud, on les appelle "séclusions chaudes".


Une saison des tempêtes européennes?

L'Europe occidentale peut subir des coups de vent toute l'année, mais c'est en général entre novembre et mars qu'ils sont les plus nombreux. Lorsque l'on parle de saison des tempêtes, ce sont ces mois-là qui sont en général évoqués. 
 

samedi 25 août 2018

Evénements 2002

Retrouvez sur cette page tous les événements météorologiques ayant concerné la Belgique durant l'année 2002. Ces chroniques sont tirées d'archives personnelles et d'informations provenant de l'IRM ou d'autres sites internet consacrés à la météo.

Entre la fin janvier et la fin février, d'importantes précipitations conduisent au débordement de plusieurs cours d'eau. Certaines rivières connaissent en tout trois crues sur cette période. L'Eau d'Heure inonde ainsi le bas d'Ham-sur-Heure et de Montigny-le-Tilleul, au sud de Charleroi.

Le vent est aussi régulièrement de la partie, avec une tempête le 28 janvier: les rafales atteignent 105 km/h à la côte et à Zaventem. Le 23 février dans l'après-midi, des averses orageuses très actives concernent nos régions. Les plus fortes rafales atteignent 108 km/h à Zaventem, 105 km/h à Chièvres et 115 km/h à Schaffen. De nombreux dégâts liés au vent sont signalés à travers le pays, tandis que de l'activité orageuse est notée en plusieurs stations officielles (Oostende, Uccle, Bierset, Elsenborn...). Le 26 février, une nouvelle tempête frappe le pays: on note 115 km/h au Pier d'Oostende et 112 km/h à Spa-La Sauvenière.

Sur tout le mois de février, il est tombé 168 mm de précipitations à Uccle, établissant un record, celui du mois de février le plus pluvieux depuis le début des mesures en 1833.

Le 18 mars, une dépression passe en mer du Nord. Son front froid est actif, avec de fortes précipitations. A l'arrière, un orage devient supercellulaire sur l'est de la province de Liège et donne une tornade (d'assez faible intensité) du côté de Kettenis et de La Calamine.

Le 29 avril, dans un contexte de traîne active, des orages très venteux sont observés, et provoquent quelques dégâts dans le Hainaut, au nord de Namur et en Flandre. La grêle provoque également des dommages dans le sud du Limbourg.
A l'instar de l'année précédente, la haute saison voit survenir plusieurs épisodes orageux d'envergure.

Le 4 juin, après une belle journée, de forts orages éclatent sur le sud et l'ouest du pays. Le système de détection SAFIR de l'IRM compte environ 30 000 éclairs. De la grêle est observée dans la région de Ath, de même qu'une tornade dans les environs de Herseaux.

Le 14 juin en soirée, de puissants orages organisés en un LEWP (une ligne d'orages ondulée, très active) balaient l'ouest du Hainaut et la Flandre. D'autres orages éclatent en Wallonie mais sont plus modérés. De nombreux dégâts liés au vent sont signalés dans le nord du pays et la grêle provoque des dommages en Wallonie picarde.

Un coup de chaleur se produit le 17 juin: il fait 32,2°C à Gosselies. Le lendemain, on y mesure 32,1°C, et 34,4°C à Genk. La nuit du 17 au 18, la température ne descend pas en-dessous de 22,6°C, ce qui est exceptionnel.

La nuit du 19 au 20 juin, alors que le temps n'était pas spécialement estival en journée, une onde dépressionnaire (ou pointe d'air chaud) atteint nos régions depuis la France. Un premier fort orage multicellulaire se déplace à travers l'Ardenne puis gagne l'Allemagne en soirée. Ensuite, à partir de 2h00, de multiples cellules orageuses se développent de manière explosive sur l'Entre-Sambre-et-Meuse et le département de l'Aisne, formant rapidement un vaste amas orageux qui gagne le centre puis le nord-est de la Belgique en seconde partie de nuit. Les orages sont forts, très électriques - le système SAFIR de l'IRM compte jusqu'à 280 décharges par minute vers 2h30 - et générateurs de nombreux dégâts liés à la foudre et aux fortes pluies. Il tombe par endroits 50 mm de pluie. Le système orageux évacue le pays vers les Pays-Bas en début de matinée. Voir notre article à ce sujet.

L'amas orageux vu par le radar de Wideumont à 3h45 le 20 juin (source: IRM).

Le 30 juillet 2002 est une journée caniculaire. Dès le milieu de l'après-midi, de puissants orages se créent sur le sud de la Belgique et remontent vers le nord-ouest en concernant de nombreuses régions. De multiples inondations sont observées. Localement les orages sont diluviens: il tombe 116 mm de pluie à Gomery, en Gaume. Ailleurs, on relève aussi 51 mm à Thuin, 57 mm à Presgaux (Couvin), 71 mm à Izier (Durbuy) et 86 mm à Meix-devant-Virton.

La nuit du 23 au 24 août, des orages peu électriques mais très pluvieux se créent à même le centre du pays et gagnent les Pays-Bas en début de matinée. On relève 60 mm de pluie à Braine-l'Alleud et parfois plus de 100 en Flandre.

En cours de nuit du 26 au 27 août, des orages peu mobiles se créent sur la Hesbaye namuroise, avant de s'étendre progressivement vers le nord et l'ouest tandis que d'autres orages arrivent de l'est sur l'Ardenne puis le Condroz. Le tout persiste localement jusqu'en milieu d'après-midi. La reformation continue de cellules orageuses sur le même secteur au nord de Namur mène à des crues violentes des cours d'eau de la région. Au bout de 48 heures, on relève 121 mm de pluie à Upigny, 101 mm à Beauvechain, 113 mm à Le Roeulx et 123 mm à Forville.

Le 25 octobre en fin d'après-midi et en soirée, un premier coup de vent frappe le pays. Les plus fortes rafales proviennent d'averses et d'orages (signalés à Uccle, Gosselies, Florennes, Bierset et Kleine-Brogel notamment). On relève 112 km/h au Pier d'Oostende, 94 km/h à Uccle et Beauvechain, 119 km/h à Schaffen et 123 km/h à Elsenborn.

Le 27 octobre, une profonde dépression (975 hPa) nommée Jeanett traverse les Iles britanniques et transite en mer du Nord. Elle donne un épisode de tempête sur une grande partie de l'Europe, avec des pointes jusqu'à 150 km/h. En Belgique, les rafales atteignent 123 km/h à Koksijde, 133 km/h au Pier d'Oostende, 105 km/h à Uccle, 108 km/h à Gosselies et Saint-Hubert, 119 km/h à Zaventem, 112 km/h à Bierset et 137 km/h à Spa. Les dégâts sont nombreux dans tout le pays.

 La tempête du 27 octobre est largement évoquée par la presse, comme ici par Le Soir dans son édition du lundi 28 octobre (source: Le Soir).

En fin de nuit et au matin du 12 décembre, un épisode de pluies verglaçantes précédé d'un peu de neige cause de nombreux embarras de circulation. Il met fin à une période froide entamée quelques jours auparavant, avec des minimales jusqu'à -10°C localement en Ardenne.

La fin décembre est à nouveau marquée par des précipitations importantes débouchant sur la crue de nombreux cours d'eau.

vendredi 25 mai 2018

La chaleur sans orage : les dégradations "silencieuses"

Dans l'imaginaire des gens, un temps chaud, surtout s'il est lourd, se finit par des orages plus ou moins violents. Pourtant, il arrive très régulièrement que de telles journées insoutenables soient suivies le lendemain par un temps bien plus agréable, voire mauvais, le tout sans grabuge. Au mieux l'observateur attentif aura vu l'un ou l'autre éclair dans le lointain, accompagné de quelques gouttes, au pire le temps sera resté absolument sec et seuls quelques nuages décoratifs et quelques rafales auront signalé le passage du front froid, accompagné irrémédiablement d'une chute des températures.

dimanche 6 mai 2018

2018: un été très chaud et très sec

Cet article relate le déroulé de l'été climatologique 2018 en Belgique et dans le nord de la France. Celui-ci a été marqué, notamment dans ses deux premiers tiers, par un temps chaud et très sec, avec une double canicule fin juillet et début août, suivie d'orages localement virulents. Alors que 2003 a longtemps tenu la palme, c'est maintenant à 2018 qu'il faut se référer lorsque l'on évoque le potentiel thermique maximal d'un été dans nos régions... jusqu'au prochain record.

Orages diluviens et inondations du 1er juin

Pourtant, au premier jour de l'été climatologique, rien n'indique qu'il va être sec et chaud. Une grande partie de l'est de la Belgique est concernée par un système pluvio-orageux étendu (MCS en anglais) arrivé d'Allemagne en fin de nuit. Il se caractérise par une masse de pluies durables (dites stratiformes) au sein de laquelle se sont individualisés quelques noyaux orageux très actifs. Ce système s'est décomposé sur la Belgique dans l'après-midi.

 Activité électrique relevée entre minuit et midi le 1er juin (source: Lightningmaps).

L'étendue et le très lent déplacement de ce système ont mené à des relevés pluviométriques impressionnants, voire exceptionnels pour certains d'entre eux:

Saint-Vith: 95 mm (dont 64 en une heure)
Butgenbach: 93 mm
Battice: 89 mm
Chaineux: 88 mm
Vielsalm: 71 mm
Robertville: 64 mm
Herve: 62 mm
Jalhay: 61 mm
Waremme: 59 mm
Vaux-sous-Chèvremont: 59 mm
Elsenborn: 58 mm
Slins: 55 mm
Ternell: 54 mm
Lanaye: 46 mm
Ouffet: 44 mm
Mont-Rigi: 44 mm
Louveigné: 43 mm
Oupeye: 42 mm

Le MCS sur l'Allemagne en fin de nuit (source: Kachelmann).

 Le MCS en décomposition vers un amas pluvio-orageux, avec quelques noyaux très actifs, notamment sur Liège (source: Belgocontrol).

Stagnation sur la Belgique de l'amas pluvio-orageux en milieu de matinée (source: IRM).

L'importance et la durée de ces pluies ont mené à de nombreux débordements et inondations rapides dans les régions de Liège, Verviers, Spa, Vielsalm et du Pays de Herve, où les pompiers ont du intervenir de nombreuses fois. Par endroits, le niveau de l'eau a dépassé 1,5 mètre dans les rues. Par la suite, les bassins hydrographiques de l'Our et de la Vesdre sont entrés en alerte crue, tandis que ceux de l'Amblève et de la Basse Meuse étaient placé en préalerte suite à la montée des eaux.

La région de Vielsalm a été fortement touchée par les inondations (auteur: R. Bodeux via 7fm).

La situation atmosphérique était propice à la formation d'orages pluvieux. Une petite dépression sur l'Allemagne entretenait sur l'ouest de ce pays et la Belgique un flux d'ouest moite dans les basses couches, tandis qu'en altitude on notait un flux rapide de sud-est, avec une divergence génératrice d'une ascension de l'air humide plus bas. Les orages se sont formés dans l'instabilité et les convergences initiées par la dépression sur l'Allemagne, et ont ensuite lentement voyagé vers la Belgique avec le flux d'altitude. Même à l'écart des convergences de basse couche et de l'instabilité, le système pluvio-orageux a sans doute pu s'entretenir grâce à la divergence en altitude et le flux d'ouest bien humide à basse altitude.

Après quelques orages en première décade, la suite du mois est calme: les journées grises alternent avec les plus lumineuses, le tout sans pluie ou presque, accentuant le déficit pluviométrique sur le centre du pays. La fin du mois est très ensoleillée et chaude.

Le début de l'été "civil" est par contre assez frais: les températures peinent à dépasser les 20°C le 21 juin. Au petit matin du 22, il ne fait que 3,5°C à Saint-Hubert, 6,4°C à Gosselies et 7,1°C à Bierset. On note à peine 1°C à 1500 mètres d'altitude, montrant la froideur de la masse d'air sur une bonne partie de la basse troposphère. Les températures remontent par la suite.

Au 30 juin, en plus des premiers 30°C en certaines stations du pays ce jour, l'absence de précipitations pose question, notamment sur le centre du pays où les deux derniers mois ont été très pauvres en pluie. Le mois de juin présente à Uccle, et comme en mai, un déficit pluviométrique exceptionnel. Globalement, la situation est moins remarquable sur une bonne partie est du pays en raison des orages de mai et de tout début juin. L'absence de pluie semble alors amenée à se poursuivre encore un moment étant donné les prévisions pour début juillet qui voient se maintenir de puissants anticyclones sur ou au nord de nos régions, rejetant les dépressions loin sur l'Atlantique ou vers la Méditerranée.

Bilan du mois de juin (source: RTBF sur base des données de l'IRM pour Uccle).

Juillet commence sur le schéma entrevu: (très) chaud, sec et ensoleillé. Les seuls nuages admis ne font que décorer ou flamboyer les crépuscules. Le 3, il fait de 28 à 31°C dans la plupart des stations du pays.

Superbe crépuscule sur le Namurois le 3 juillet, après une nième journée estivale (auteur: Le Chroniqueur météo).

La sécheresse tend à s'auto-entretenir, dans la mesure où l'air très sec désactive les perturbations d'ouest qui ne donnent souvent que des nuages et quelques gouttes, tandis qu'elle contrecarre également le développement des nuages orageux. Il faut en effet beaucoup d'énergie et une forte instabilité pour arriver à former des orages dignes de ce nom dans cet air très sec, et compte tenu de cette énergie, ils sont directement conséquents, comme le lendemain.

4 juillet - orages intenses des Hauts de France à la Wallonie

Ce jour est marqué par des orages parfois très actifs. Quelques foyers locaux éclatent entre le début de la matinée et la fin de l'après-midi, avec une intensité généralement faible à modérée (Ardenne, Famenne, Namurois...). En toute fin d'après-midi, des orages plus intenses frappent la Lorraine belge, et notamment Arlon, avant de remonter vers la région de Bastogne. En parallèle, on note des foyers également actifs entre Lille et Valenciennes, ainsi que de l'Avesnois et la Thiérache à la Lorraine.

Par la suite, c'est un fort orage multicellulaire qui se développe sur le Condroz namurois, avec de fortes précipitations génératrices de quelques débordements, localement de la grêle, des rafales soutenues et une puissante activité électrique (un éclair toutes les quelques secondes).

L'orage multicellulaire du début de soirée sur l'est de la province de Namur (source: Kachelmann).

En milieu de soirée, un nouvel orage multicellulaire se développe sur l'est du Hainaut et gagne le nord-ouest de la province de Namur et le Brabant wallon, avec une activité similaire. Des inondations sont observées localement dans la moitié ouest du Brabant wallon. Quelques derniers orages, généralement faibles, sont observés dans le nord de la province de Liège en début de nuit.

 Avancée de l'orage multicellulaire du début de soirée sur la région de Gesves, au sud-est de Namur (auteur: Le Chroniqueur météo).

Eclair internuageux sous le second orage multicellulaire en soirée sur la région de La Bruyère, au nord-ouest de Namur (auteur: Le Chroniqueur météo).

Au final, les foyers ont concerné pas mal de régions, apportant une pluie bénéfique pour les sols après des semaines de sécheresse. Par endroits, ces précipitations ont été assez abondantes, avec par exemple 38 mm de pluie à Lasne dans le Brabant wallon, (Meteo Belgique), 32 mm à Rochefort (SPW) et 42 mm à Ciney (SPW) en province de Namur. Voir aussi l'article de Belgorage.

Activité électrique observée le 4 juillet, avec les impacts les plus récents en jaune (source: Lightningmaps).
 
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Les deux semaines qui suivent sont chaudes et ensoleillées. L'après-midi du 15 juillet, des orages locaux mais parfois soutenus éclatent en Ardenne et en Lorraine belge. De la grêle est signalée par endroits. Pendant ce temps ailleurs, la sécheresse s'accentue, et notamment dans le Hainaut.

Au sens de la définition de l'IRM (minimum 5 jours à plus de 25°C, dont minimum 3 à plus de 30°C), la période allant du 13 juillet au 7 août est une vague de chaleur d'une longueur exceptionnelle, parmi les plus durables que le pays ait connu. Elle englobe deux pics de canicule particulièrement intenses.
 
24 - 27 juillet: canicule et orages épars

La dernière décade de juillet, en plus de la sécheresse, est marquée par une canicule remarquable, voire exceptionnelle par endroits. Ce coup de chaud est lié à la persistance d'un puissant anticyclone d'altitude sur la Scandinavie (il s'y trouve depuis un moment) et à la plongée d'une dépression sur l'Atlantique, orientant un flux d'air très chaud d'origine tropicale sur nos régions (20°C à 850 hPa - 1550 mètres d'altitude).

Géopotentiel à 500 hPa et pression au niveau de la mer le 27 juillet à 2h00 (source: Meteociel).

Le 24 juillet est la première journée réellement chaude, et aussi la première de l'année au cours de laquelle Uccle atteint les 30°C, preuve s'il en est que le temps chaud que nous connaissons depuis deux mois est plus interminable qu'intense. On note 33,0°C à Angleur, 32,2°C à Hastière, 31,4°C à Gosselies, 31,3°C à Ernage et 30,9°C à Uccle. Dans le nord de la France, les températures sont tout aussi élevées avec 31,6°C à Saint-Quentin, 32,0°C à Lille et 32,4°C à Charleville-Mézières. La nuit suivante est chaude, en plusieurs stations le mercure ne descend pas en-dessous de 20°C.

Le 25 juillet, les températures sont plus élevées: 35,0°C à Angleur, 32,8°C à Uccle, 32,6°C à Gosselies, 32,3°C à Ernage, 32,2°C à Dourbes, 32,6°C à Saint-Quentin, 32,8°C à Lille et 34,0°C à Charleville-Mézières. Malgré l'air sec des basses couches, quelques orages éclosent ça et là dans l'après-midi, avec des bases nuageuses très élevées (Hesbaye, Entre-Sambre-et-Meuse, Condroz et Ardenne dans une moindre mesure). Une petite zone de convergence assez mal définie semble en être à l'origine.

Le 26 juillet est encore plus chaud et voit quelques stations égaler ou établir un nouveau record absolu de température (c'est le cas notamment de Zaventem et de Beauvechain). On relève 36,2°C à Angleur, 34,3°C à Bierset, 31,7°C à Saint-Hubert, 35,4°C à Uccle, 35,7°C à Beauvechain, 35,9°C à Gosselies, 36,4°C à Hastière, 35,1°C à Florennes, 35,9°C à Dourbes, 35,4°C à Ernage et 33,9°C à Buzenol. En France, on note 32,1°C à Boulogne, 35,7°C à Lille, 36,2°C à Saint-Quentin et 36,6°C à Charleville-Mézières. 

Une nouvelle fois, malgré de l'air sec (l'humidité relative est inférieure à 20 % en de nombreuses régions), des orages faibles à modérés éclatent ça et là, notamment du côté de Liège où de la grêle est signalée. En fin d'après-midi, Bruxelles et Charleroi connaissent chacune un orage assez fort, avec de la grêle. La foudre frappe deux maisons dans le nord de Charleroi, et une rafale de 91 km/h est relevée à l'aéroport de Zaventem. On note également quelques impacts à l'ouest de Lille et un orage assez actif concerne l'Avesnois et la Haute Sambre en soirée.

A nouveau, une convergence assez mal définie pourrait avoir contribué à l'organisation de ces orages. Il tombe 30 mm de pluie à Uccle, menant ça et là à quelques débordements.

Comme régulièrement ces dernières semaines, ces orages se forment en raison de la surchauffe des basses couches (30 à 35°C au sol, 18-20°C vers 1500 mètres) qui engendre un différentiel très élevé avec l'altitude. Cette instabilité prononcée permet aux nuages orageux de se constituer malgré l'air sec au départ des ascensions formant ces nuages. Ceux-ci ont alors une base très élevée (parfois 3, voire 4 km au-dessus du sol, nos régions étant habituées à moins). Par ailleurs, cet air sec permet au ressenti de ne pas être trop désagréable malgré les fortes températures.

L'orage de Charleroi, vu depuis le nord-est de Namur. L'air sec en basse couche permet à la base du cumulonimbus d'être très élevée et d'être ainsi visible de très loin (auteur: Le Chroniqueur météo).

La nuit du 26 au 27 est exceptionnellement douce, avec des minimales qui ne descendent pas en-dessous de 24,0°C à Bierset et 22,6°C à Beauvechain.

Le 27 juillet est thermiquement similaire à la veille, mais aussi la dernière journée de la canicule. Un front froid approche par l'ouest, précédant des courants maritimes moins chauds. L'après-midi, on relève 35,4°C à Uccle, 35,9°C à Gosselies, 35,1°C à Dourbes et à Ernage, 35,8°C à Bierset, 33,5°C à Buzenol, 31,7°C à Saint-Hubert, 37,0°C à Kleine-Brogel et 38,2°C à Gand. Une bulle d'air très chaud concerne la région lilloise avec 37,6°C. Saint-Quentin monte à 35,9°C et Charleville à 35,5°C.

Dans l'après-midi, à l'instar des jours précédents, l'instabilité est suffisante pour générer des orages épars sur le sud et l'ouest du pays. Un orage assez fort se produit entre Charleroi et Waterloo, avec localement de la grêle. En soirée, l'approche du front froid précédé de lignes de convergence génère une série d'orages localement forts qui remontent du nord de la France sur l'extrême ouest du pays. Un autre orage local éclate sur la Hesbaye.

La nuit suivante et tôt le lendemain matin, le front avance sur le pays, donnant encore l'un ou l'autre faible orage ça et là. Pour autant, de nombreuses régions sont restées au sec, et la sécheresse se fait sentir sur l'état de la végétation en plusieurs endroits du pays. Des feux de champs sont signalés depuis plusieurs jours en plusieurs localités.

Le Brabant wallon prend des airs de maquis, comme ici à Bierges le 28 juillet (auteur: F. Riguelle).

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Sans surprise, le mois de juillet qui se termine a été très anormalement chaud et ensoleillé. Si côté précipitations, l'anomalie à Uccle n'est pas exceptionnelle grâce aux quelques orages, elle est spectaculaire dans certains coins du pays où pratiquement aucune précipitation n'aura été observée pendant le mois! 

2 - 7 août: seconde canicule

La première décade d'août est à nouveau marquée par une période de très fortes chaleurs. Un puissant anticyclone se constitue sur nos régions et rejette les dépressions et le flux maritime plus au nord. Une seule faiblesse de celui-ci permet à un petit front froid de basse couche de s'infiltrer en soirée du 4, apportant de l'air maritime un peu moins chaud qui maintient les températures sous 30°C le 5 (sauf en Lorraine). Ce petit front n'apporte que quelques nuages, pas mal de vent mais aucune précipitation. 


Le 6 août, les températures repartent à la hausse et dépassent les 30°C en de nombreux endroits. On mesure 32,8°C à Chièvres, 33,0°C à Uccle, 33,9°C à Gosselies, 33,7°C à Ernage, 33,6°C à Bierset et 32,0°C à Buzenol. En France, on mesure 33,3°C à Lille et à Saint-Quentin, 34,7°C à Charleville.

Le 7 août est la journée la plus chaude. Les maximales atteignent 35,6°C à Chièvres, 34,8°C à Uccle, 35,1°C à Gosselies, 35,0°C à Ernage, 35,5°C à Bierset et 34,6°C à Buzenol. Il fait aussi 35,4°C à Saint-Quentin, 36,0°C à Charleville-Mézières et 36,1°C à Lille. L'air est à nouveau très sec ces jours, et si les températures sont élevées, le ressenti n'est pas trop invivable en raison de l'air sec. Vers 15h00, on mesure à peine 17 % d'humidité relative à Beauvechain, ce qui n'est pas loin des records connus en Belgique.

Nuit du 7 au 8 août: orages parfois violents

La nuit du 7 au 8 est marquée par une forte dégradation orageuse, la plus étendue de cette année jusqu'à présent pour la Belgique. Elle se produit de manière assez classique d'un point de vue atmosphérique avec l'approche d'un front froid précédé d'une ligne de convergence des vents, le tout venant buter sur une masse d'air très chaud sur nos régions et dont l'instabilité est croissante. En altitude, on note une petite divergence des flux, forçant l'ascension des masses d'air.

Une caractéristique particulière toutefois sera à nouveau les bases très élevées de ces orages en raison de l'air sec en basse couche (il s'est à peine humidifié quelques heures avant la dégradation), donnant des orages "planant" en l'air et semblant enfermer au sein des nuages orageux la plupart des éclairs (activité intranuageuse). 

Analyse de surface du 8 août à 2h00 avec la convergence en rouge gras (source: KNMI).

Après quelques orages sur l'Aisne et près de la Botte du Hainaut en début de soirée, plusieurs salves orageuses concernent la Belgique et le nord de la France pendant toute la nuit suivante, certaines sont localement violentes. Avant leur arrivée, l'air est encore très chaud, avec des températures qui sont encore proches des 30°C dans plusieurs stations.

Un premier MCS (système orageux de grande étendue) se constitue entre Pas-de-Calais et Nord côté français vers 22h30 puis entre sur la Belgique par la région de Tournai vers 23h00 et se déplace jusqu'à la province d'Anvers. Il s'accompagne d'une forte activité électrique et de puissantes rafales (localement 90 - 100 km/h). 

En parallèle, plusieurs cellules orageuses se développent vers 23h30 sur les départements de l'Aisne et des Ardennes et gagnent les provinces de Namur et de Luxembourg en se constituant en un amas orageux. L'activité électrique y est également soutenue (un éclair toutes les quelques secondes par cellules) et un des orages provoque des dégâts liés au vent dans la région de Florennes. Cet ensemble s'affaiblit en atteignant la province de Liège vers 1h30.

Eclair internuageux sous la deuxième salve orageuse, vu depuis les hauteurs de Dinant en direction du sud (auteur: Le Chroniqueur météo).

Vers 0h45, un troisième amas orageux entre sur le Hainaut au niveau du Borinage. Il subit une phase d'intensification en évoluant vers un bow echo (ligne orageuse en arc) générateur d'une forte activité électrique et de rafales (autour de 80-100 km/h). Il traverse ainsi le nord-est du Hainaut puis le centre du pays avant de gagner l'est de la province d'Anvers et le Limbourg en s'affaiblissant.

Peu après 2h00, de nouvelles cellules se développent de la Botte du Hainaut au département des Ardennes. En progressant sur la province de Namur et le Brabant wallon, elles forment un amas orageux assez peu organisé mais constitué de foyers parfois très actifs avec de fortes précipitations et un éclair toutes les quelques secondes, notamment sur l'est de la province de Namur et l'ouest de la province de Liège. Ce dernier ensemble évacue la Belgique vers l'Allemagne en fin de nuit.

L'orage générateur des dégâts dus au vent dans la région de Florennes en début de nuit, vu depuis Dinant. A noter les bases nuageuses très hautes (auteur: Le Chroniqueur météo).

Localement, des rafales significatives ont été mesurées, concrétisant le potentiel venteux des orages qui avait été prévu. Sur le réseau officiel, on a relevé 94 km/h à Chièvres, 90 km/h à Uccle, 97 km/h à Zaventem et 130 km/h à Retie. Sur le réseau de Météo Belgique, on peut noter 81 km/h à Neufvilles et 92 km/h à Neder-Over-Heembeek. Côté français, le vent atteint 101 km/h à Méaulte, en Picardie. En raison de la rapidité de progression des orages, les précipitations ont été passagères; la plupart des cotes relevées par les pluviomètres sont inférieures à 20 mm. Voir aussi l'article de Belgorage à ce sujet.

Animation radar montrant les quatre salves orageuses. L'heure est en temps universel, ajouter deux heures pour avoir l'heure d'été réelle (source des images: Belgocontrol).

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Le 9 août en matinée et en début d'après-midi, plusieurs orages sont à nouveau observés en Belgique et sur le nord de la France. Le premier en début de matinée, remontant sur le nord-est de la France puis l'est de la Wallonie et les deux suivants, en milieu de journée, sur la province de Namur et l'est de la Flandre pour l'un, sur les provinces de Luxembourg et de Liège pour l'autre. L'activité électrique est par moments soutenue et des rafales significatives sont observées dans l'extrême sud du pays. Cette dégradation est cependant moins importante que ce qui avait été anticipé par les modèles, ceux-ci entrevoyant des orages plus généralisés et plus puissants.

Activité électrique observée entre minuit et 17h00 le 9 août (source: Lightningmaps).

Ces orages mettent fin à la très longue période de temps ensoleillé, sec et chaud que connaissait le pays depuis plusieurs semaines. La deuxième décade d'août est ainsi plus hésitante, avec quelques journées où les averses se montrent. Les températures oscillent entre 20 et 25°C l'après-midi.

Le 13 août voit un creux d'altitude apporter de nombreuses averses parfois orageuses. Ciel instable à Zeebrugge (source: IRM).

Les orages ont été particulièrement nombreux le 13 août, d'abord en début de matinée dans le sud au devant du front froid, puis dans l'après-midi dans la traîne très agitée. Certains foyers ont été particulièrement actifs et parfois accompagnés de fortes rafales, comme entre Gosselies et Les Bons Villers. Localement, les précipitations ont été assez abondantes, avec par exemple 37 mm de pluie à Ernage (entre 8h00 le 13 et 8h00 le 14).

Activité électrique observée le 13 août, les plus vieux impacts sont en rouge et les plus récents en jaune (source: Lightningmaps).

Nuit du 16 au 17 août: orages localement virulents

Août confirme le regain d'activité orageuse après un mois et demi relativement calme. Après une journée assez chaude (maximales de 25 à 28°C), un front froid s'est présenté sur le nord de la France par l'ouest. Malgré l'instabilité relativement faible, la présence d'une entrée droite du courant Jet et d'une anomalie basse de tropopause arrivant par l'ouest a rendu le contexte particulièrement dynamique et propice aux ascendances.

Analyse de surface du 17 août à 2h00 (source: KNMI).
 
Après quelques orages de faible intensité sur l'ouest de la Belgique et les Hauts de France en soirée, plusieurs cellules remontant sur la Thiérache s'intensifient rapidement en début de nuit sur l'Avesnois et entrent en Belgique par la Botte du Hainaut. L'écho en arc (ligne orageuse courbée) à tendance LEWP qui en résulte traverse rapidement les provinces de Namur et de Liège en milieu de nuit, s'accompagnant localement de violentes rafales descendantes responsables de nombreux dégâts dans l'Entre-Sambre-et-Meuse ainsi que dans les régions de Ciney, Havelange, Hamoir et Aywaille. Des grêlons de plusieurs centimètres de diamètre sont signalés tout au long de la trajectoire du système. L'activité électrique est quasiment ininterrompue.

La progression rapide des orages a limité l'importance des cotes pluviométriques. On relève 33 mm à Courrière et à Uccle. Aucune station n'a relevé de rafale significative, confirmant leur caractère local. 

Animation radar de 2h10 à 5h20 (source: Belgocontrol).

Voir aussi l'article de Belgorage à ce sujet.
 
Récit de l'orage:

1h30 du matin, le 17 août 2018. Après un somme en l'attente des premiers foyers, l'ouverture des cartes radar d'Infoclimat sonne l'alerte. Aux confins de l'Avesnois, un orage s'active. Et quel orage! Lightningmaps crépite à une cadence folle sous l'activité électrique ahurissante que délivre cet écho en arc à l'aspect menaçant.

Radar de précipitations à 1h40. Le point vert montre ma localisation à ce moment, en train de quitter Namur (source: Infoclimat).

Le matériel photo embarqué, direction Mettet, au sud-ouest de Namur. L'horizon ouest clignote lugubrement sous un plafond nuageux qui s'abaisse à la faveur d'un arcus, le temps que je me place sur un point de vue à l'est du village. Ciel stroboscopique et grondement diffus mais continu annoncent une grande claque. Il doit y avoir un sacré grabuge là-dessous...



Cela commence par quelques rafales, puis vient un vent violent et constant chargé des premières gouttes. Les lumières de Mettet disparaissent, et quelques secondes plus tard, la voiture se retrouve au sein d'un car-wash naturel, avec options discothèque et grêlons en prime. Une petite idée en vidéo de ce que ça donne (à regarder en plein écran):


Le radar de précipitations ci-dessous montre ma localisation près de Mettet lors du passage de l'orage (celui-ci se déplace d'ouest en est).

Source: Kachelmann Wetter

Cinq minutes plus tard, le coup de tabac se change en pluie régulière, et enfin quelques éclairs internuageux apparaissent sur l'arrière.



L'orage entraîne dans son sillage des nuages bas que met en perspective le bolide bardé d'éclairs. Après Mettet, dont le centre est inondé, c'est au tour d'Yvoir de déguster.



Un petit tour dans le coin montre que le vent a sans doute été encore plus fort ailleurs: des branches, voire des arbres entiers jonchent les routes, il est d'ailleurs préférable de ne pas rouler trop vite car leur brutale apparition dans le faisceau des phares est surprenante à plusieurs reprises. Les environs d'Ermeton-sur-Biert, quelques kilomètres au sud-est de mon point de vue, ont l'air d'avoir pris cher.




...Moins que ce que montreront les journaux télévisés du lendemain dans les régions de Beaumont et Walcourt, ainsi que de Hamoir. Des toits emportés et des arbres couchés par dizaines sous les effets d'un seul et même orage qui par ailleurs continue de s'éloigner vers l'est, cognant la région de Ciney et d'Havelange au passage, tandis qu'à l'horizon ouest-sud-ouest, quelques clignotements au sein d'un nouveau chou-fleur annoncent une seconde salve.

A l'instar de son prédécesseur, l'Avesnois et la Thiérache le dopent à la convection, et c'est un nouvel écho en arc qui vrombit au-dessus des campagnes de l'Entre-Sambre-et-Meuse peu avant 4h00 du matin. Activité électrique à peine moins forte, déluge qui oblige les pompiers occupés à tronçonner un arbre en travers de la chaussée un peu plus loin à se replier, mais cette fois un vent beaucoup plus modéré.

Le retour se fait progressivement vers Namur, sous une pluie modérée. Quelques éclairs annoncent un troisième orage plus au sud, vers Givet, mais j'ai eu ma dose d'émotions pour cette nuit. A 5h30, alors que le noir de la nuit fait place à l'heure bleue, il est temps d'aller dormir. Il y a une journée de travail à assumer dans quelques heures!

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La dernière décade du mois est beaucoup plus contrastée (malgré quelques journées encore chaudes).

A l'inverse du mois de juillet, le mois d'août a été normal (un peu plus chaud que la moyenne, normalement pluvieux et normalement ensoleillé). Par contre, il n'empêche pas l'été climatologique 2018 (juin-juillet-août) d'avoir été le plus chaud depuis le début des mesures à Uccle.

lundi 12 mars 2018

La notion de front et ses limites: l'exemple de ce week-end du 10 et 11 mars

La notion de front est un élément indispensable à la météorologie et à la compréhension du temps auprès du grand public. Les bulletins météorologiques l'évoquent encore régulièrement, et à juste titre, car dans les grandes lignes, la frontologie (= l'étude des fronts) est l'une des bases de la compréhension de la météo dans un cadre général. Pour autant, comme toute théorie, elle a ses limites. On l'oublie souvent, mais beaucoup de choses en météo sont encore des théories ou de grands concepts qui ne sont parfois pas observables dans le monde réel.

L'idée de cet article n'est pas de vouloir jeter la notion de front à la poubelle. Comme nous venons de le dire, en général elle reste largement utilisée et à juste titre. Pour un bulletin météo généraliste, les fronts restent une manière très adéquate de représentation des frontières entre les masses d'air. A plus fine échelle - et notamment pour les prévisions orageuses - il faut cependant être bien conscients des limites que cette notion implique.

samedi 24 février 2018

Evénements 2001

Retrouvez sur cette page les principaux événements météorologiques ayant concerné la Belgique en 2001.

Le 10 mars, une tornade est observée sur le Pays de Herve, au niveau des villages de Bolland et de Herve.

La fin de l'hiver est exceptionnellement sombre. Entre le 1er février et le 31 mars, on n'enregistre que 106 heures de soleil.

La nuit du 2 au 3 mai, des orages modérés à forts concernent essentiellement les provinces de Luxembourg, de Liège et du Limbourg.

Le 16 mai dans l'après-midi, des orages sont observés un peu partout.

La haute saison voit se produire de réguliers épisodes orageux étendus.

Le 17 juin, des orages sont observé sur l'est de la Belgique. Il tombe 40 mm de précipitations dans la région de Malmedy.

Le temps est chaud en fin de mois, avec le 26 juin des maximales de 32,0°C à Gosselies et 31,4°C à Bierset. Le 27 en fin de nuit, une dégradation orageuse sous forme d'un système orageux (MCS) arrive de France et concerne une bonne partie de l'ouest de la Belgique ainsi que l'ouest de l'Ardenne. Autour de 3h00 du matin, le système de détection de l'IRM enregistre jusqu'à 180 éclairs par minute, activité essentiellement concentrée sur un tiers ouest de la Belgique. Un peu d'activité électrique est également signalée sur le centre, ainsi qu'en Gaume.

 Progression du système orageux la nuit du 27 au 28 juin 2001 sur l'ouest.

En soirée du 5 juillet, un système orageux (MCS) atteint l'ouest de la Belgique par le Hainaut, avec une activité électrique prononcée (image ci-dessous), puis poursuit sa route à travers l'ouest de la Flandre la nuit suivante. Un autre orage a éclaté plus tôt de Liège à Anvers.

 Animation radar le 5 juillet (source: De Weerkamer).

L'après-midi du 6 juillet, de nouveaux orages concernent une grande partie centrale du pays, avec un foyer particulièrement virulent se déplaçant de Mons vers la Campine. Dans la région de La Louvière, il provoque des dégâts dus à la grêle. En soirée, un nouvel amas orageux concerne une région allant de l'Ardenne à la Campine en frappant Namur et Huy au passage. L'intensité y est modérée à forte. Il tombe 38 mm de pluie à Ivoz-Ramet sur la journée du 6.

Dans le nord-est de la France, le MCS du 6 juillet au soir est beaucoup plus violent, provoquant la mort de plusieurs personnes.

Le 23 juillet, de nombreux orages éclatent un peu partout dans le pays. C'est un nouveau système orageux (MCS) qui concerne en effet nos régions en matinée. Des dégâts sont observés en lien avec la foudre et les fortes précipitations.

Le 26 juillet, ce sont des orages peu mobiles qui éclatent ça et là. Ils sont parfois diluviens: on relève 97 mm de pluie à Stavelot.

Le 2 août en fin d'après-midi et en soirée, sur le point triple d'une perturbation arrivant du sud-ouest, plusieurs salves orageuses traversent le pays. D'abord peu organisés, ces orages se rassemblent en un grand et virulent amas en milieu de soirée, allant d'Anvers à Couvin, avant de progresser vers le nord-est. Des inondations sont observées en plusieurs endroits. Des dégâts dus au vent et à la foudre sont également signalés, essentiellement de la province de Namur au Limbourg. Une rafale de 123 km/h est mesurée à Schaffen, dans l'est de la Flandre. Le système SAFIR de l'IRM, qui enregistre l'activité orageuse, compte jusqu'à 700 décharges par minute au paroxysme de l'orage. Au total ce sont presque 45 000 éclairs qui illuminent la soirée. C'est assurément l'offensive orageuse la plus intense de cette année 2001.



 
































Progression des zones orageuses en fin d'après-midi et en soirée du 2 août (source: K. Hamid, IRM).

Le 15 août, coup de chaleur: on relève 32,7°C à Beauvechain et 34,1°C à Kleine-Brogel. La nuit suivante, des orages faibles à modérés sont signalés en plusieurs stations du pays (Koksijde, Oostende, Gosselies, Saint-Hubert, Bierset, Spa...). Globalement, le centre du pays est épargné: à Zaventem, on signale des éclairs visibles dans le lointain, provenant des orages éclatant sur les régions voisines.

La nuit du 18 au 19 août, à nouveau des orages sont signalés entre Anvers et Charleroi, mais ils restent également contenus. Toutefois, l'opérateur de Gosselies rapporte de fortes précipitations pendant un bref laps de temps.

Du 24 au 26 août, un nouveau coup de chaleur s'empare de la Belgique. Le troisième jour, on relève les maximales les plus élevées: 32,6°C à Gosselies, 33,6°C à Zaventem, 35,5°C à Kleine-Brogel... et conformément à la règle de ce mois d'août, la seconde partie de nuit du 26 au 27 est orageuse, même si cela se fait plutôt en douceur. Ce sont essentiellement le centre et l'est de la Wallonie ainsi que le Limbourg qui sont concernés.

Le mois de septembre est extraordinairement pluvieux. Sur tout le moins, on relève 199 mm de précipitations à Uccle.

Au soir du 6 octobre, un front froid traverse le pays et s'accompagne d'orages parfois forts, particulièrement intenses pour cette période de l'année. Une tornade est signalée dans la région de Saint-Trond où elle provoque pas mal de dégâts. Des inondations consécutives à de fortes précipitations sont observées du Hainaut à la Campine.

 Image radar en soirée montrant le front orageux progressant à travers le pays (source: IRM).

Le mois qui s'achève est exceptionnellement doux, avec un écart de 3,9°C par rapport à la moyenne.

Le 8 novembre, un flux rapide de nord-ouest puis de nord se met en place sur nos régions. A la côte, les rafales atteignent 115 km/h. La nuit suivante, des orages prennent naissance sur le sud de la mer du Nord et atteignent la région de Dunkerque où ils sont violents: une tornade traverse la ville en provoquant de nombreux dégâts, et d'abondantes chutes de grêle sont observées sur le Nord-Pas-de-Calais. Ces orages débordent sur l'ouest de la Belgique, tandis que de la neige est observée plus à l'est. Par endroits, cette neige tient, comme à Florennes où on observe 1 cm d'accumulation.

Le 27 décembre, on relève 58 cm de neige à Elsenborn.

Le 29 décembre, de la neige est observée sur le centre du pays. Il en tombe entre 5 et 10 cm sur la région de Charleroi et l'Entre-Sambre-et-Meuse.