dimanche 29 octobre 2017

Ophelia, sa transition extratropicale aux portes de l'Europe et le précédent Grace : l'invasion des Tropiques

 

Introduction


Il y a deux semaines, l'ouragan Ophelia a beaucoup fait parler de lui. Avoir un ouragan aux portes de l'Europe est en effet peu commun, et a pu surprendre. Cependant, Info Météo peut se vanter d'avoir un temps d'avance, car nous parlons depuis quelque temps déjà du changement climatique et de l'intrusion répétée de la zone tropicale en Europe. Nous avions particulièrement développé le sujet en 2016, quand Stéphanie avait frappé le pays basque.

Rappelons brièvement que les cyclones tropicaux portent des noms multiples en fonction de leur lieu de formation et de leurs vents. Dans l'Atlantique, une dépression tropicale avec des vents jusqu'à 33 nœuds (63 km/h) est une dépression tropicale. Si les vents sont supérieurs, on parle d'une tempête tropicale. Pour des vents d'au moins 64 nœuds (119 km/h), on parle d'ouragan selon l'échelle de Saffir-Simpson. Dans le Pacifique Nord-Ouest on parle de typhons avec des seuils de vent identiques. Ailleurs (dans l'Océan Indien et l'Océan Pacifique Sud) on parle de cyclone peu importe les vents. Malgré la multiplicité des noms, il s'agit toujours du même phénomène.

Pour l’Atlantique Nord et le Pacifique Nord-Est (les régions où on parle d'ouragans), les USA sont mandatés pour assurer le suivi des cyclones tropicaux. Plus spécifiquement, chaque pays concerné a bien sûr les moyens de suivre les cyclones tropicaux (et en particulier la France). Cependant c'est le NHC de Miami qui est responsable, officiellement, du suivi des cyclones dans l'Atlantique, et en particulier de donner toutes les six heures la position et l'intensité des phénomènes existants.

Nous développerons notre propos en plusieurs parties. Nous définirons de manière simple ce qu'est un ouragan. Puis nous ferons un peu de climatologie, en revenant sur un autre précédent qui avait marqué à l'époque, à savoir l'approche européenne de la tempête tropicale Grace en octobre 2009. Nous narrerons ensuite la vie et les œuvres d'Ophelia. Puis nous discuterons des implications d'un tel phénomène avant de conclure.

lundi 21 août 2017

Il y a trente ans, la catastrophe de Gerpinnes (24/08/1987)

Dans nos régions, si les orages causent régulièrement des dégâts, ils sont rarement meurtriers. Pourtant, il y a trente ans se produisait l'un des pires désastres attribués à un orage que notre pays ait connu. Au soir du 24 août 1987, des orages diluviens ravagent l'Entre-Sambre-et-Meuse et emportent malheureusement avec eux trois victimes dans les brutales inondations qui en découlent au sud-est de Charleroi. Dans cet article, nous relaterons les événements puis nous tenterons de cerner les conditions atmosphériques ayant permis à ces orages d'inonder le Pays d'Acoz.

Une grande partie des informations reprises ici est tirée d'un mémoire de fin d'étude (DESMEDTS I. : L'inondation de la Biesme à Gerpinnes et Acoz le 24 août 1987), consultable à la bibliothèque des Sciences de l'UCL à Louvain-la-Neuve. Ces informations ont été croisées avec celles tirées de nos propres recherches.

dimanche 9 juillet 2017

Evénements 2012

Les informations ci-dessous ont été transférées depuis le site Hydrometeo auquel participait un membre d'Info Meteo.

1er janvier: La nuit du réveillon de la Saint Sylvestre a été la plus douce jamais enregistrée depuis le début des mesures à l'IRM. La température minimale relevée à Uccle est 10,4°C. Cette douceur remarquable s'observe en de nombreux endroits d'Europe Occidentale. En soirée, le temps s'agite: de fortes pluies acompagnées de bourrasques de vent liée à un front froid traverse la Belgique d'ouest en est.

3 janvier: la tempête Ulli traverse l'Ecosse, creusée en-dessous de 970 hPa. Elle est accompagnée d'un sting-jet qui fait grimper les rafales jusqu'à 169 km/h à Malin Head (nord de la république d'Irlande), 150 km/h à Islay dans le sud-ouest de l'Ecosse et 146 km/h à Glasgow. Les vents violents concernent également le nord-ouest du continent européen: les rafales atteignent 124 km/h à Boulogne et 127 km/h à la Hève en France, 104 km/h à Middelkerke et 115 km/h à Zeebrugge en Belgique. Les Pays-Bas, l'Allemagne et le Danemark sont également touchés.

3 janvier 2012 9h00 T.U. (source: Wokingham Weather).

5 janvier - tempête Andrea et ligne de grains
 
Les dépressions n'en finissent plus de se succéder sur l'Europe. Cette fois, c'est la tempête Andrea qui frappe la Grande-Bretagne, le Benelux, le nord de la France, l'Allemagne et la Suisse. Se trouvant au nord-est de l'Ecosse le 5 janvier à 0h00 TU, elle vire en direction de l'est-sud-est pour se retrouver sur le Danemark à 6h00 TU, creusée à 964 hPa. Elle ralentit alors sa course en progressant vers la Pologne. Elle provoque un épisode de vents violents à longue durée (parfois plus de 10 heures) dans les régions touchées, et s'acompagne d'orages parfois violents et grêligènes qui augmentent considérablement la vitesse du vent. Une telle ligne d'orages traverse la Belgique et le nord de la France en matinée.

En Grance-Bretagne, on relève 120 km/h à Leeds, 130 km/h à Shap et 148 km/h à High Bradfield, en plein milieu des terres.

En France, les vents les plus violents atteignent 101 km/h à Douzy (Lorraine), 102 km/h à Lille et à Saint-Quentin, 107 km/h à Rouen, 112 km/h à Calais, 113 km/h à Lillers (Nord-Pas-de-Calais), 123 km/h à Belmont (Alsace), 130 km/h au Cap Gris Nez et 136 km/h à Nordheim (Alsace).

En Belgique, les rafales sont à peine moins fortes: 87 km/h à Florennes, 97 km/h à Schaffen, 102 km/h à Koksijde, 108 km/h à Wavre et 122 km/h à Ernage. Certains cours d'eau sont en alerte crue dans le sud du pays (Semois, Lesse, Ourthe...). Un décès est à déplorer en Brabant Flamand.

Aux Pays-Bas, la mer déchaînée fragilise plusieurs digues, nécessitant l'évacuation des polders. Le vent y approche les 100 km/h.

5 janvier 2012 - 6h00 T.U. (source: Wokingham Weather).

Fin janvier à mi-février - Vague de froid et chutes de neige

29 janvier: C'est le premier jour d'une période beaucoup plus froide et enfin hivernale. Ce jour, les températures relevées dans l'après-midi sont négatives en de nombreux endroits, le tout sous un ciel couvert. De l'air continental commence à envahir l'Europe Occidentale par le nord-est. A Montigny-le-Tilleul, sur le temps de midi, il fait -0,9°C.

30 janvier: La neige s'invite au programme, après une absence de près d'un mois et demi. Par endroits, on relève quelques centimètres d'accumulation. Dans l'est du pays, la couche de neige approche les 10 cm.

31 janvier: L'anticyclone de Sibérie devient énorme, et s'étend en couvrant pratiquement toute l'Europe. La pression mesurée en son centre est de 1065 hPa. Il est responsable de la vague de froid qui a commencé depuis deux jours (en mode mineur toutefois). De l'air continental polaire encore plus froid atteint la Belgique à l'arrière de la perturbation ayant donné de la neige la veille et se dissipant ce jour au-dessus du pays, apportant encore quelques flocons. Météo Belgique lance une alerte rouge vague de froid pour la Haute Belgique.


1er février: La nuit est très froide. Au petit matin, on relève -8,2°C à Virton, -8,5°C à Namur, -8,6°C à Cerfontaine, -9,2°C à Montigny-le-Tilleul, -10,2°C à Courrière, -10,7°C à Vaux-sous-Chevremont, -11,1°C à Bovigny et -12,1°C au Signal de Botrange. En journée, les températures ne remontent pas au-dessus de 0°C sur l'ensemble du pays, et restent inférieure à -5°C en Haute-Belgique.

Carte des températures relevées à 8h00 heure belge (source: Infoclimat)

2 février: La Chandeleur 2012 est glaciale. Sur les stations officielles, on note -11,0°C à Florennes, -11,4°C à Bierset et -13,8°C à Elsenborn.

3 février: Les températures minimales sont encore plus froides que la veille, avec notamment:-13,4°C à Florennes, -15,5°C à Bierset et -17,5°C à Elsenborn.

Même à la côte, les températures atteignent -9°C. En journée, à l'instar de la veille, les maxima ne dépassent pas les -5°C en de nombreux endroits.

Dans l'après-midi, la situation va se compliquer. Une petite dépression (1033 hPa à 13h00 - ca ne s'invente pas) prise dans l'énorme anticyclone anglo-scandinave (1041 hPa) se décroche du Danemark et descend vers la Belgique, qu'elle atteint en fin d'après-midi. Elle traîne avec elle une perturbation plus intense que prévue, qui provoque des chutes de neige assez importantes par endroits: l'accumulation flirte parfois avec les 10 cm, notamment sur le Namurois et en Campine. Pour la région de Charleroi, on relève 6 cm de neige à Montigny-le-Tilleul.

Cet épisode a de graves conséquences sur le trafic routier puisque en pleine heure de pointe, on compte plus de 4000 km de bouchons sur l'ensemble du réseau belge, dont 1270 km sur les autoroutes, il s'agit là d'un nouveau record, écrasant de loin celui de février 2010 (950 km de bouchons sur les autoroutes)!

3 février 2012 - 13h00 heure belge

Les photos ci-dessous sont prises à Montigny-le-Tilleul vers 19h00. La neige tombe sous une température de -7,5°C, par 1037hPa... Il y a à ce moment-là 6 cm d'accumulation:




En soirée, la perturbation quitte la Belgique par la frontière française. L'air continental polaire (sibérien) envahit à nouveau et petit à petit le pays à partir des Pays-Bas et de l'Allemagne. Cette advection d'air froid, combiné au dégagement du ciel, entraîne une chute brutale des températures. A 21h00, on observe déjà -11,9°C à Melin et -13,3°C au Signal de Botrange.

4 février: Les provinces de Hainaut, de Namur, de Liège et du Limbourg collectent les valeurs de températures les plus froides, inférieures à -15°C. Au lever du jour, on relève -16,7°C à Gosselies, -17,5°C à Ernage, -14,9°C à Bierset... Ces trois stations ont une altitude comprise entre 100 et 200 mètres. Les stations de la Haute Ardenne sont parfois moins froides: -16,0°C à Elsenborn à 564 mètres, pourtant habituée à collecter des valeurs bien plus froides avec sa cuvette, mais conservant cette nuit-là des stratus et de faibles chutes de neige.

Aux Pays-Bas, il fait encore plus froid, avec -20°C à Eindhoven et -21,8°C à Lelystad!

La nuit suivante, celle du 4 au 5, le frigo Elsenborn se met pourtant en route, sous l'effet d'un ciel plus dégagé. La température atteint -19,5°C, avant de remonter un peu en fin de nuit. Ailleurs, les minimales tombent entre -10 et -15°C. Il fait -13,0°C à Uccle (Bruxelles), ce qui constitue la valeur la plus basse de cette vague de froid pour la station référence de Belgique.

La nuit du 5 au 6, l'ouest et le centre de la Belgique connaissent un temps nuageux, empêchant les températures de franchement descendre. Quelques flocons sont même à nouveau observés sur l'ouest. Une perturbation atlantique a fait sauter la muraille anticyclonique, et précède de l'air plus doux. Toutefois, ce front s'arrête sur le nord de la France et finit par être repoussé par l'air continental. Le redoux n'est pas pour tout de suite. 

Ce nouvel assaut sibérien est même encore un peu plus intense: cette fois, Elsenborn passe sous -20°C en fin de nuit du 7 février: -20,8°C. Ailleurs, il fait -15,0°C à Bierset et -13,6°C à Gosselies. La journée du 7 est en elle-même très froide puisque les maximas ne dépassent pas -7,9°C à Bierset et -7,6°C à Gosselies au plus "doux" de l'après-midi. A Uccle, il fait seulement -5,3°C, avec un minimum à -11,9°C au petit matin.

Cette vague de froid se poursuit jusqu'au 12 février. Entre temps, le mercure a encore l'occasion de descendre bien bas, avec encore -10,5°C et -10,8°C à Uccle respectivement les 11 et 12 février. Par la suite, le rétablissement des courants d'ouest entraîne un redoux.

Toutefois, en de nombreux endroits entre le 30 janvier et le 12 février, le gel aura été permanent. C'est ainsi le cas à Uccle, par exemple. Ce fait est déjà en soi remarquable pour une vague de froid, il l'est encore plus dans le contexte de cette décennie marquée par le réchauffement climatique.

En date du 11 janvier 2021, 2012 constitue toujours la dernière grande vague de froid en Belgique. A sa suite, il y en aura encore deux autres, mais de bien plus faible ampleur: en janvier 2013 (avec aussi des températures exceptionnellement basses à la mi-mars) puis en février 2018.

Source: Meteo Belgique
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5 mars: L'hiver signe son retour sur le sud et l'ouest du pays. Une dépression se positionne sur la frontière belgo-holandaise et provoque d'importantes précipitations sur la Flandre Occidentale et le Tournaisis, ainsi que sur le Nord-Pas-de-Calais, où il tombe par endroit plus de 60 mm de pluie en 24 heures. Une partie de ces précipitations tombe sous forme de neige, et parfois en abondance, comme près de Lille où on relève jusqu'à 15 cm d'accumulation. De graves inondations se déclenchent et durent jusqu'au lendemain. En Belgique, la région de Comines et particulièrement touchée.

10 mai: Vers 17h45, une tornade se forme sous un orage dans les environs de Gand, provoquant quelques dégâts.

20 mai: Dans l'après-midi, de violents orages organisés en ligne se déclenchent sur le Hainaut oriental, les provinces de Namur et de Liège, avant de remonter en début de soirée vers Bruxelles et la Flandre. Ces orages se sont développés dans de l'air continental chaud et instable, amené par une dépression thermique présente sur l'Allemagne. Ces orages provoquent des inondations dans le Namurois et à Charleroi notamment. Des dégâts dus à la foudre et à la grêle sont également à répertorier. La veille au soir et en début de nuit du 20, un orage avait frappé la région de Dinant et puis l'est de Namur.

29 mai: Des orages éclatent un peu partout sur la Wallonie.

Juin est plutôt sombre et humide, et relativement frais. Des orages se produisent régulièrement.

7 juin: une tornade (F1 sur l'échelle de Fujita) frappe la région de Tongres, dans le Limbourg, provoquant quelques dégâts. La supercellule ayant engendré cette tornade est également responsable d'un violent downburst (ou rafale descendante) dans la région de Zutendaal. Elle initiera une deuxième tornade dans la région de Montfort, aux Pays-Bas. Ailleurs dans le pays, des inondations sont signalées suite à d'autres orages. Ces orages se forment sur un front froid dans un contexte dépressionnaire. A Kampenhout, dans le Brabant Flamand, la température maximale s'élève à 22,1°C. Compte tenu de la présence d'air froid en altitude, il est compréhensible que de l'instabilité se soit développée. Il semble cependant que ce soit en premier lieu la dynamique (courants, forçages, cisaillement de vent) qui ait généré la supercellule.

12 juin: Un déluge de grêle (grêlons de 1 ou 2 cm) frappe Trivières près de La Louvière en fin d'après-midi, sous une cellule orageuse pourtant peu active d'un point de vue électrique. D'autres orages concernent le pays. Ils se forment dans le cœur d'une dépression, par une atmosphère fraîche et humide (les températures ne dépassent pas les 20°C en de nombreux endroits). Une légère instabilité était présente dans les basses couches. Cette fois-ci, la faible dynamique a permis aux quelques cellules s'étant développées de stagner sur les régions concernées par ces dernières. L'importante quantité de grêle générée par cet orage est cependant énigmatique, dans la mesure où la dynamique générale pouvait difficilement engendrer les courants nécessaires à la formation de la grêle en quantité. Plusieurs hypothèses peuvent être émises: une humidité importante, un air très froid en altitude, une dynamique faible mais suffisante, les courants animant l'intérieur de l'orage...

18 juin - MCS et écho en arc

Au devant d'une dépression et engendré par de puissants forçages, un système convectif de mésoéchelle (MCS) se rue à travers le centre de la Belgique en fin de nuit et en matinée, depuis la botte du Hainaut vers 6h30 jusque le Limbourg vers 8h30. Une structure en arc (bow echo) s'est greffée sur le système lors de sa traversée du pays: elle est particulièrement visible sur l'image radar ci-dessous. Les orages sont violents, très électriques, accompagnés de fortes pluies qui provoquent des inondations à Bruxelles notamment, mais aussi un peu partout sur la trajectoire du système. A son passage sur Namur vers 7h00, l'orage délivre un éclair toutes les trois à cinq secondes.

Par endroits, de très fortes rafales sont également enregistrées, notamment sur le Condroz occidental et en Hesbaye.

Ce système orageux s'est formé en fin de soirée sur l'ouest de la France, avant de remonter à toute allure vers l'Ile de France, puis vers la Belgique. Il a par la suite continué sa course à travers les Pays-Bas et le nord-ouest de l'Allemagne.

Le MCS sur la Belgique vers 7h15 (source: Infoclimat).

Ce système orageux, bien que prévu, est toutefois apparu comme un événement surprise pour la personne non-avertie, dans la mesure où aucun signe visible n'annonçait son arrivée. Le temps la veille a été normal, mais non estival: une vingtaine de degrés et de belles éclaircies, les cumulus de beau temps parachevant le tableau. Le temps du lendemain, juste après les orages, est identique. Cependant, l'analyse de la situation atmosphérique révèle la présence de nombreux éléments déclencheurs et aggravants. Outre les forçages énoncés ci-dessus, de forts courants d'altitude étaient présents, mais surtout, une langue d'air chaud se trouvait advectée vers la Belgique, dans un secteur chaud (partie d'une perturbation entre le front chaud et le front froid) qui se refermait sur le centre de la Belgique. L'arrivée brutale de cet air chaud s'est notée dans les stations de la Haute Belgique (notamment à Elsenborn), mais plus bas, en Moyenne Belgique, une couche d'air plus frais de quelques dizaines de mètres d'épaisseur se trouvait intercalée en-dessous de l'air chaud. Dès lors, depuis le sol de la Moyenne Belgique, rien ne pouvait annoncer la possibilité d'orages, le traditionnel air chaud et lourd se trouvant juste un peu plus haut dans l'atmosphère. Ceci ne va pas sans rappeler les orages du 22 août 2011 où l'air chaud s'était retrouvé décollé du sol par une couche d'air plus frais.

Le diagramme ci-dessous, présentant l'état de la troposphère dans l'ouest de l'Allemagne le 18 juin à 8h00, illustre la présence d'une inversion. Il faut suivre la ligne de droite pour le comprendre, elle illustre la température de l'air selon l’altitude: celle-ci part d'environ 12°C au sol, monte jusqu'à 21°C aux alentours de 900 mètres d'altitude, puis décroit régulièrement plus on s'élève. Cet air chaud, non ressenti au niveau du sol, se trouvait cependant juste au-dessus, et a en partie alimenté l'orage.


Près de la dépression traversant la Belgique, la rotation des vents accompagnant son passage a provoqué temporairement des cisaillements des vents selon l'altitude, ce qui a contribué au maintien de l'orage, et ce alors que l'atmosphère n'était absolument pas instable et propice.
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21 juin: A nouveau des orages localement forts frappent la Belgique dans l'après-midi. Les deux Flandres et la région de Dinant sont particulièrement touchées. Ces orages sont cependant nettement moins violents qu'en France où deux tornades sont signalées.

28 juin - Chaleur et supercellule sur le sud

Un vaste orage à caractère supercellulaire traverse le sud du pays en soirée, au niveau de la province du Luxembourg. L'activité électrique et les précipitations y sont très intenses. De fortes rafales de vent brisent de nombreuses branches et arbres. Selon Belgorage présent sur place, cet orage a généré plus d'un coup de foudre par seconde sur les régions de Bertrix, de Bouillon et de Neufchâteau.


Eclairs internuageux à l'arrière de la supercellule (source: Belgorage).

A une centaine de kilomètres de là, le Namurois, baignant sous l'enclume de cet énorme orage, voit son ciel devenir d'un jaune-bronze apocalyptique, alors que d'immenses éclairs internuageux sont visibles dans un arrière-fond mauve - noir à l'horizon sud-est.


A la différence des orages des vingt premiers jours du mois, cette supercellule se forme dans l'air chaud, au niveau d'un creux précédant l'arrivée d'un front froid depuis l'ouest. Il a en effet fait suffocant, avec une température maximale de 31,2°C à Kampenhout. En Ardenne, lieu où l'orage a éclaté, les températures ont été légèrement inférieures à 30°C. Outre la chaleur, la présence de cisaillements de vent selon l'altitude a sans doute aidé l'orage à se développer.
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4 juillet: Le temps est plus chaud (26,5°C à Montigny-le-Tilleul), mais aussi plus lourd: un creux thermique se met en place à l'avant d'un front froid sur la France. Des orages parfois assez forts éclatent dans l'après-midi sur l'ouest de la Belgique.

5-8 juillet: A plusieurs reprises, des orages parfois violents éclatent sur le pays. Des dégâts dus aux inondations sont à déplorer.

Mi-juillet: Le temps reste maussade et frais, avec la survenue de fréquentes averses parfois orageuses, et des périodes de pluie plus continues.

La nuit du 27 au 28 juillet, un orage assez actif remontant de France concerne le sud-est de la Belgique. Le vent fut notable dans la région de Bande où il provoqua des dégâts, tandis que des inondations consécutives à de forte pluies furent répertoriées en périphérie liégeoise. Le 28, d'autres orages se font remarquer dans les provinces de Luxembourg et de Liège.

La nuit du 23 au 24 septembre, plusieurs systèmes orageux dont un organisé en ligne de grains concernent l'ouest et le centre de la Belgique. L'activité électrique est particulièrement forte pour la saison, tandis que le vent se fait remarquer. D'autres orages éclatent sur l'est du Hainaut et en province de Namur un peu plus tard. Quelques heures plus tard, le passage d'une dépression au nord-ouest donne des rafales de 80 à 100 km/h, voire un peu plus sur certains points du littoral.

Les systèmes orageux sur l'ouest et le centre du pays (source: Buienradar).

Résumé du début de l'automne: Peu d'évènements particuliers, si ce n'est les premières gelées fin octobre, accompagnées de grésil à la côte et des premières (faibles) neiges en Haute Belgique.

4 novembre: Une petite dépression de tempête (nom: Zelda) se creuse en passant sur le sud-est du Royaume-Uni et le sud de la mer du Nord, amenant temporairement de très fortes rafales sur les côtes du Nord-Pas-de-Calais. On mesure 130 km/h au Cap Gris-Nez, 110 km/h à Boulogne. Le vent atteint 90 km/h sur le littoral belge. Dans le Pas-de-Calais, cette tempête et les pluies associées n'améliorent guère la situation critique sur le réseau hydrographique.


25 novembre: La tempête Franziska concerne l'Europe du nord-ouest au cours de sa trajectoire depuis la Bretagne vers la Mer du Nord. Les vents atteignent jusqu'à 135 km/h à la Pointe de Toulinguet (Bretagne), 126 km/h à la Pointe du Raz, 100 à 120 km/h sur les côtes françaises de manière générale, 130 km/h au Cap Gris-Nez (Pas-de-Calais), 107 km/h à Zeebruges, 83 km/h à Bierset. Des dégâts et des coupures de courant sont signalées ça et là.

25 novembre 6h00 TU (7h00 heure belge).

1er décembre: Une perturbation descend de Mer du Nord et apporte de la neige pendant quelques heures sur une bonne partie du pays. Si elle fond en Basse et et Moyenne Belgique, elle persiste en Ardenne le lendemain. De nouvelles averses apportent jusqu'à 5 cm d'accumulation à Libramont, parfois plus de 10 cm en Hautes Fagnes.

3 décembre
: Une nouvelle perturbation accompagnée d'air plus doux se heurte à l'air froid présent sur le pays. A l'avant de celle-ci, il neige pendant plusieurs heures, avant l'arrivée de la pluie. Cette situation rend difficile la circulation routière en matinée.

5 décembre: Dans un flux de nord-ouest, de nouvelles averses de neige se produisent. Elles parviennent à donner lieu à une accumulation temporaire de quelques centimètres. En Hautes Fagnes, la neige persiste sous des températures négatives.

6 décembre: Des averses de neige parfois soutenues se produisent ça et là sur le pays.

Le Sart-Tilman (Liège) sous une intense averse de neige vers 10h30 le 6 décembre. L'accumulation totale sera de 2 cm.

7 décembre
: Une dépression creusée à 995 hPa descend de mer du Nord et traverse la Belgique. Elle s'accompagne d'une perturbation qui donne des chutes de neige faibles à modérées sous un vent rafaleux (60 à 80 km/h). Elle concerne d'abord l'ouest du pays en fin de nuit, le centre en début et milieu de matinée et l'est en fin de matinée et début d'après-midi. Les accumulations sont comprises entre 0 et 10 cm selon les régions. Il tombe par exemple 3 à 5 cm le long du Sillon Sambre-et-Meuse, 4 à 5 cm en région bruxelloise, environ 10 cm en Haute Belgique. Dans les Hautes Fagnes, cette neige tombe sur une couche issue de précédents épisodes, portant l'accumulation à 30 cm (Mont Rigi par exemple).

8-13 décembre
: La Belgique reste sous l'influence de masses d'air polaire. Les températures descendent parfois sous -10°C la nuit dans l'est du pays. Quelques averses de neige se produisent par moments, déposant parfois quelques centimètres d'accumulation. Le 13 au soir, de l'air doux arrive en altitude, entraînant des chutes de neige ou des pluies varglaçantes, notamment sur le centre du pays. L'intensité des précipitations reste cependant faible.

25 décembre: Il fait très doux en ce jour de Noël. Durant cette période, notre pays est soumis à des courants maritimes subtropicaux, amenant des températures élevées pour la saison (11°C à Montigny-le-Tilleul sur le coup de minuit le 25) ainsi que des pluies très abondantes qui engendrent des situations parfois critiques sur le réseau hydrographique. Londerzeel est partiellement inondé.

26 décembre: Une petite dépression se creuse en passant au large de la Belgique en soirée. Elle engendre un épisode de fortes rafales pendant plusieurs heures, allant de 60 à 80 km/h.

L'hiver 2012-2013 est froid et très neigeux. Voir ICI.

dimanche 18 juin 2017

Aléas météorologiques et agriculture : l'éternelle adaptation


L'actuelle sécheresse que vit notre pays est suffisamment importante pour tenter d'analyser les conséquences de ce type d'aléas météorologiques, principalement sur le terrain et dans la vie des personnes qui les affrontent en première ligne. Dans cette optique, nous avons décidé de partir à la rencontre de professionnels bien souvent touchés par les variations de notre météo : les agriculteurs. En cette mi-juin, à un moment où le début de l'été semble confirmer la situation de tout ce début d'année, nous entrons dans une période charnière pour l'agriculture. Cette rencontre avec 5 professionnels du secteur dans la région de Genappe (Brabant Wallon) nous a permis d'avoir une vision globale, hors des idées reçues que les médias traditionnels véhiculent parfois à leur sujet.

En cette mi-juin, l'aléa météorologique « sécheresse » est au cœur des discussions sur le temps de nos régions. Avec plus de 40% de déficit enregistré à Uccle durant le printemps météorologique, le manque d'eau commence à se faire sentir dans la végétation. Les pelouses virent au jaune, la terre est sèche, les arrosages sont fréquents. Toutefois, le premier enseignement que nous tirons de notre circuit agricole est que la sécheresse n'affecte pas encore réellement à l'heure actuelle le monde du travail de la terre. A ce constat général, il faut bien entendu apporter quelques nuances. D'abord, certaines cultures ont besoin de moins d'eau que d'autres, comme les céréales qui se portent actuellement très bien. D'autres cultures, plus demandeuses en eau comme les betteraves, le maïs, ou la pomme de terre, risquent d'être pénalisées mais leurs récoltes se réalisant principalement en août ou septembre, le pronostic n'est pas encore engagé. Ensuite, selon les régions, le déficit et les difficultés sont plus profondes, comme du côté de Tournai où la terre est moins limoneuse, plus argileuse ou sablonneuse, et où le déficit local est plus important. Ajoutons à cela que la partie la plus chaude de l'année arrivant, si ce déficit hydrique venait à se prolonger et à se coupler à des températures trop élevées, la situation pourrait alors radicalement et rapidement changer. En effet, jusqu'à présent, cultures et agriculteurs vivent sur leurs réserves, mais celles-ci s'épuisent progressivement et les plantes sont « obligées » de chercher plus profondément l'eau pour s'alimenter. Les 15 prochains jours devraient s'avérer cruciaux, d'après un agriculteur rencontré.

A l'opposé de cet aléa « sécheresse », les pluies et plus particulièrement les orages, ainsi que les inondations qui en découlent apparaissent comme le cauchemar des agriculteurs. L'année passée, la région de Genappe avait été fortement touchée par les orages diluviens. Encore à l'heure actuelle, les fermes et d'une manière générale les habitations portent les stigmates de cet aléa « inondations ». Beaucoup de cultures ont été endommagées, soit par l'accumulation de pluies, la boue, la grêle, ou les rafales de vent. Les agriculteurs que nous avons rencontrés avaient alors comptabilisé 50% de pertes ! De plus, les machines sont moins consommatrices de carburant en période sèche qu'en période humide, ce qui est un paramètre non-négligeable. Le bétail fut aussi touché et obligé de rester dans les étables alors qu'à l'heure actuelle, ceux-ci peuvent nettement plus rester dehors et paître généralement en toute tranquillité. Au travers des diverses conversations, il apparaît donc clairement que la sécheresse actuelle est une situation plus acceptable que celle de l'année passée où la production agricole avait été durement touchée. Selon les professionnels de cette région du Brabant Wallon, les orages tendent à être plus forts et plus destructeurs, impression ou statistique difficile à confirmer. Il s'agit donc de leur plus grande préoccupation. Lorsque le temps est stable, les agriculteurs ne sont pas spécialement rivés sur les prévisions météorologiques. En cas de risque orageux, la situation est très différente et en juin 2016, beaucoup se sont demandés "quand allait cesser cette vague orageuse" qui se réalimentait sans cesse.

Un autre aléa craint par le secteur agricole est la chaleur. Autant une sécheresse fraîche ou douce peut encore être gérée, autant une chaleur, même ponctuelle est un réel problème. Le bétail peut souffrir des hautes températures, et celui-ci doit être protégé. Des investissements comme par exemple dans des hangars isolants sont alors parfois nécessaires, ce qui élève parfois drastiquement les coûts. De plus, l'augmentation des températures entraîne aussi une prolifération d'insectes, notamment volants, qui étaient alors inconnus jusqu'à il y a peu dans nos régions. Leur piqûre peut entraîner des problèmes sanitaires chez le bétail avec des risques d'avortements. La situation de sécheresse actuelle combinée à un épisode de forte chaleur pourrait alors être une réelle source d'inquiétude pour le secteur, surtout s'il venait à se prolonger durant le mois de juillet, alors que les premières périodes de récoltes s'annonceront. A ce sujet, et toujours concernant la chaleur et la sécheresse, le mois de septembre 2016 particulièrement chaud et sec perturba les moissons, et empêcha les agriculteurs d'effectuer normalement leur travail de récolte. Pris entre les dernières chaleurs, les pluies automnales et les premières gelées, ceux-ci purent néanmoins récupérer les fruits de leur dur labeur sans perte, presque par miracle.

Le dernier aléa est celui des gelées, ou plus généralement tout phénomène hivernal. Qu'elle soit précoce comme cela aurait pu être le cas après le magnifique mois de septembre 2016 ou tardive comme c'est souvent le cas en milieu de printemps, la gelée peut sérieusement perturber la récolte ou la semence. Cette année, durant le mois d'avril, des minimales jusqu'à -5° ont perturbé la mise en place des cultures et ce d'autant plus que ce niveau de gelées n'aurait pas été correctement anticipé par les bulletins météorologiques. Ce "détail" montre aussi que l'agrométéorologie reste une science toute particulière et que les champs ont pratiquement leur propre climat, comme chacun peut le constater à leurs bords. Une des personnes rencontrées nous a clairement signifié qu'une petite différence de températures à ce niveau peut entraîner de grosses conséquences. En ce qui concerne les précipitations hivernales et l'accumulation de neige au sol, celle-ci semble être un "ami" des agriculteurs car, en fondant, elle apporte une humidification notable des couches proches de la surface. Or, ces dernières années, les quantités de neige ont été largement insuffisantes.

Ce tour d'horizon de différents aléas nous permet de comprendre que l'agriculteur doit constamment jongler avec la météo, et cela s'avère être un exercice hautement compliqué à une époque où les changements climatiques bouleversent les cultures. Toutefois, en fonction des personnes rencontrées et de leurs cultures, nous avons pu remarquer que le facteur économique, à savoir la concurrence mondiale, reste un autre aléa qui oblige les agriculteurs à se battre chaque jour. Quoiqu'il en soit, les conversations que nous avons eues à ce sujet attestent d'une évolution du climat : "décalage des saisons", "changements brusques", "longues périodes de temps humide ou sec", les mêmes expressions revenaient assez souvent, pointant une nouvelle tendance. Le changement climatique oblige les agriculteurs à s'adapter, comme nous avons pu le constater chez l'un d'entre eux qui s'est diversifié vers des cultures de petite taille, plus gérables. Malgré tout, la sécheresse perturbe à l'heure actuelle la croissance de ses produits.

Loin du cliché de "l'agriculteur qui n'est jamais content", notre tour agricole dans le Brabant Wallon nous a montré que le travail de la terre est a fortiori un métier difficile, qui demande expérience, dur labeur, observations méticuleuses, forte réactivité, et donc adaptation, notamment face aux aléas météorologiques. En Europe Occidentale, où le changement climatique s'opère dans une zone tempérée, nous pouvons encore nous estimer modérément touchés par les évolutions actuelles. D'autres régions, plus proches de climats plus extrêmes, peuvent basculer plus rapidement vers un climat nettement plus défavorable. Beaucoup nous ont signalé que le Sud de la France et l'Espagne rencontrent nettement plus de difficultés à cause des chaleurs plus intenses, des périodes de sécheresse plus longues alternant avec de brusques orages dévastateurs. De notre côté, de nouvelles cultures pourraient voir le jour. Ainsi, non sans un certain sourire, une personne nous a rappelé les possibilités de viticulture qui sont en augmentation dans nos régions. Cette dernière remarque résume à elle seule cette obligation d'adaptation que les agriculteurs doivent prendre en compte chaque année afin de pérenniser leurs exploitations.

lundi 13 février 2017

Tropicalisation de la France : les alizées à Bordeaux et Stéphanie dans le Golfe de Gascogne

Introduction

Le Sud de la France et la péninsule ibérique ont vécu deux événements météorologiques d'une importance majeure en Septembre 2016, même si ces deux phénomènes ont été en partie ignorés dans les grands médias. Le plus spectaculaire fut le cyclone à caractère subtropical Stéphanie, qui s'est développé les 14 et 15 Septembre 2016 dans le golfe de Gascogne. Pour la côte Atlantique, c'est sans doute une première. L'autre événement notable, complètement passé sous les radars, fut la remontée des alizées jusqu'à ce même golfe de Gascogne entre fin Août et début Septembre. Ce n'est pas tout à fait une première, car cela s'était déjà vu en 2012 (avec l'inénarrable ouragan Nadine...) et 2013 par exemple. Cependant, la répétition récente d'une telle influence des tropiques dans le Sud de la France ne fait que renforcer l'impression que le climat change, et change vite. Cet article sera essentiellement centré sur le cyclone subtropical Stéphanie, et son interception par votre humble serviteur dans le pays basque, mais explorera également les questions liées à l'extension de la zone tropicale vers le Nord, pour l'Europe en particulier.

Pour le cyclone Stéphanie à proprement parler, il faut savoir que les cyclones tropicaux et subtropicaux sont rarement très photogéniques. Paradoxalement, malgré le fait que ce soit les plus grandes et les plus persistantes des organisations orageuses, les cyclones produisent très peu de phénomènes kérauniques. La foudre y est rare, la grêle encore plus rare, les tornades se produisent parfois à terre dans certaines configurations particulières mais sont là aussi bien rares, les vents sont certes parfois extrêmement violents (plus de 300 km/h de vent moyen soutenu dans les ouragans les plus intenses) mais cela reste du vent "régulier", sans front de rafales ni arcus par exemple. Bref, un cyclone, ce n'est guère photogénique, et pour Stéphanie c'était particulièrement le cas. Aucune trombe, aucun impact de foudre; juste des nuages, des virgae, de la pluie, et des vagues. Si ce n'était pour les intensités pluviométriques complètement dingues, l'ambiance au sein de Stéphanie aurait pu être confondu avec un front chaud quelconque bien de chez nous. Et votre humble serviteur ne prétendant pas être photographe, le résultat de chasse n'a donc rien de bien notable. Cependant, à notre connaissance, ce sont les seules photographies relatant en détail le développement de ce cyclone. En effet, photographier de la pluie n'intéresse généralement personne, même si cette pluie vient d'un phénomène sans précédent. Et le cyclone Stéphanie n'a pas suscité un grand enthousiasme malgré son caractère exceptionnel et sans précédent.

À ce sujet, l'auteur tient à remercier Stéphane des environs de Dax -appelé le matin pour un hébergement le soir même...-. L’organisation de la chasse a été faite dans la plus grande précipitation et cela a été fort utile d'avoir un point de chute à l'arrivée dans le Sud-Ouest.

Toujours dans les préliminaires, notons aussi que le centre de Stéphanie sera nommé œil. Il faut cependant garder à l'esprit que l'œil d'un cyclone subtropical n'est pas tout à fait de même nature que l'œil d'un ouragan. Le terme est utilisé par analogie, mais les processus qui président à la formation d'un œil dans un cyclone subtropical voire au sein de certains cyclones extratropicaux, ne sont pas exactement les mêmes que les processus qui président à la formation d'un œil dans un ouragan. Il y a quelques similitudes, avec des considérations sur le moment angulaire en particulier, mais ce n'est pas parce que Stéphanie a développé un œil que c'était un ouragan. Certains observateurs se sont empressés de parler d'ouragan, alors qu'il s'agit là d'un phénomène distinct. 
 
De plus, le centre dépressionnaire n'est pas toujours au centre de l'œil dans les cyclones subtropicaux (cela arrive parfois que les deux ne soient pas alignés dans les ouragans mais c'est souvent le signe patent que la bestiole est franchement en détresse alors). Car, à nouveau, les mécanismes présidant à la formation de l'œil présentent des différences notables avec ceux d'un ouragan. Pour Stéphanie, c'était particulièrement le cas, et le centre de surface aura rarement coïncidé avec le centre de l'œil, même si en gros ce n'était pas toujours très loin.

Un cyclone subtropical, késako ?

Première question, c'est quoi un cyclone subtropical ? Il faut déjà se garder de toute rigidité dans les classifications. Dans le monde réel, il n'existe pas de limite clairement définie entre les dépressions des latitudes moyennes (normalement les cyclones extratropicaux qu'on se prend dans la tronche à longueur d'année), les cyclones subtropicaux, et les cyclones tropicaux. Il y a deux notions différentes à définir ici, qui est la barotropie et ses conséquences sur l'alignement vertical, et le cœur chaud.

En premier lieu le cœur chaud. Cela implique, comme son nom l'indique, que le cœur du système représente une anomalie positive de température par rapport à son environnement. Notons que le point important ici est la relativité de la notion. Si il fait en moyenne -15°C dans la circulation périphérique et seulement -10°C au centre du cyclone, ce sera bien un cœur chaud, même si dans l'absolu à -10°C cela meule sévère. C'est le cas par exemple dans les dépressions polaires (polars lows) qui sont paradoxalement des systèmes à cœur chaud des régions arctiques en Hiver. Il y neige par charretées entières mais ce sont bien des cœurs chauds. L'important est que la température aille en augmentant vers le centre du système. Comme il y a une règle de base en météorologie qui dit que l'air chaud se dilate, donc est plus épais, cela a des conséquences sur la structure du cyclone, comme l'illustre le schéma :

 
Au centre, l'air plus chaud est aussi plus épais. L'écartement entre deux surfaces isobares est donc plus important. Dans les cœurs chauds très profonds (à savoir uniquement les cyclones tropicaux en fait), cela conduit à la formation d'un anticyclone en altitude, à la verticale de la dépression de surface. Ainsi, les vents les plus violents sont proches de la surface, alors qu'en altitude les vents sont plutôt faible et anticyloniques. À cause de la friction, le maximum n'est pas atteint exactement à la surface, mais généralement entre 950 hPa et 850 hPa (vers 700 à 1500 mètres d'altitude).

Au contraire, dans les cœurs froids, l'air est moins épais au sein du cyclone, et donc la dépression de surface s'amplifie avec l'altitude. C'est le cas dans nos dépressions, où les vents les plus forts sont en altitude (c'est le fameux courant-jet...)


Deuxième point, l'alignement vertical. L’alignement vertical est facile à comprendre, c'est simplement de savoir si le système est plus proche de la tour de Pise que du beffroi de Tournai, ou bien l'inverse. En général, même si ce n'est pas une règle absolue, les systèmes à cœurs chauds tendent à être alignés verticalement ; alors que les systèmes à cœurs froids penchent sérieusement avec l'altitude, la plupart du temps vers le pôle et l'Ouest. L'alignement vertical est lié au caractère barocline ou barotrope du système, et se rapproche de la notion de gradient de températures. Les dépressions des latitudes moyennes tirent leur énergie des gradients horizontaux de températures ; ou dit autrement du conflit entre l'air chaud et l'air froid. Cela amène en particulier à la formation de fronts chaud, où l'air chaud bouffe l'air froid, et à la formation de fronts froids, où l'air froid bouffe l'air chaud. Les systèmes baroclines tendent à ne pas être symétriques, et ainsi à pencher avec l'altitude.

La plus ou moins grande symétrie et la plus ou moins grande importance des processus de cœur chaud amènent une classification qui vaut ce qu'elle vaut entre cyclones extratropicaux (cœur froid profond), cyclones subtropicaux (cœur chaud peu profond) et cyclones tropicaux (cœur chaud profond). Ainsi, il arrive que des dépressions des latitudes moyennes évoluent vers une séclusion chaude, qui est un type de cyclone extratropical pas toujours très différent des cyclones subtropicaux. Or la séclusion chaude est assez fréquente par chez nous. La différence entre une séclusion chaude et un cyclone subtropical réside dans la persistance d'une zone barocline (d'un front de retour). Dans le cyclone subtropical, toute trace de front a disparu.

Le cyclone subtropical à proprement parler est donc un cyclone à cœur chaud peu profond mais aligné verticalement. Il fonctionne grâce à l'énergie de la vapeur d'eau (l'énergie récupérée lors de la condensation de la vapeur d'eau atmosphérique en pluie). Cette chaleur latente est une source très importante d'énergie dans l'atmosphère et permet de réchauffer et d'humidifier le cœur du cyclone jusqu'à la formation d'un cœur chaud. Cependant, à la différence des cyclones tropicaux, l'énergie latente n'est pas suffisante pour former un cœur chaud profond. Ainsi, en altitude, persiste une goutte froide cyclonique, qui force la convection. Sans cette goutte froide d'altitude l'énergie issue de la condensation serait insuffisante pour maintenir la convection.

Ainsi, un cyclone tropical nécessite des températures de surface de l'Océan d'au moins 25°C à 26°C (quelques rares cas de cyclones tropicaux existent avec des températures un peu plus fraîches, notamment si le cyclone se forme en saison froide et à des latitudes plus polaires qu'à l'habitude et que la tropopause en conséquence est plus basse). En effet, il faut une énorme quantité de chaleur latente pour maintenir la machinerie et le cœur chaud -qui rappelons-le s'étend jusqu'à parfois 18 kilomètres d'altitude...- Au contraire, un cyclone subtropical peut s’accommoder de températures un peu plus fraîches, la chaleur latente nécessaire étant un peu plus faible puisque le cœur chaud est moins profond. Cependant, les cyclones subtropicaux nécessitent quand même une certaine chaleur de l'Océan. La température moyenne de cyclogenèse reste élevée, aux alentours de 24°C, et les cyclogenèses sur un Océan à moins de 20°C sont rarissimes -et restent des cyclogenèses de saison froide dans des contextes de tropopause plus basse-.

Image illustrant les conditions de températures et de cisaillement pour un ensemble de cyclones subtropicaux. Image tirée de l'étude : Atlantic Subtropical storms. Part II: Climatology http://moe.met.fsu.edu/~rhart/papers-hart/2009GuishardEvansHart.pdf

Les alizées à Bordeaux

La première surprise de Août et Septembre 2016 vient des radiosondages qui commencent à montrer un profil typique des alizées. Il y a la présence d'un flux de Nord-Est faible et barotrope (sans cisaillement de vent sur la verticale) avec une inversion de subsidence et une très forte chaleur en basses couches (plus de 15°C ou de 18°C suivant le seuil retenu, température qui permet en gros de couper la poire des températures terrestres en deux. En Hiver, un flux d'Est barotrope est possible, mais on note alors des températures froides -souvent sous zéro degré- qui indique plutôt une intrusion de la zone barotrope polaire. Les deux types de profils barotropes étant très nettement séparé par ce seuil de température, une confusion entre les deux n'est pas possible).

Au moment du radiosondage, l'Europe connaît une canicule complètement hors saison, et même dans l'absolu hors norme. Les températures battent tous les records entre la deuxième quinzaine d'Août et la première quinzaine de Septembre. Le radiosondage du 30 Août 2016 à Bordeaux est interpellant :

Radiosondage de Bordeaux le 30 Août 2016 à 12Z. Source, université du Wyoming 
 
Cette intrusion fut brève et n'aurait été guère significative si d'autres éléments ne venaient à l'appui. En premier lieu, les alizées sont aussi une structure persistante (sur une période de l'ordre d'au moins une semaine), et un sondage ne fait pas des alizées. Cependant, ce n'est pas la première fois qu'un tel événement a lieu. En 2013 en particulier, plusieurs sondages d'affilée avaient montré une structure typique des alizées. Et au niveau local, la mousson sahélienne a été forte et très au Nord. Pour l'illustration, Tamanrasset, dans le désert saharien, aura ainsi connu des jours de précipitations significatifs avec même ce qui pourrait être qualifié de déluge à la fin Août vu le climat local :
http://ogimet.com/cgi-bin/gsynres?ind=60680&decoded=yes&ndays=20&ano=2016&mes=09&day=01&hora=06

Le jet subtropical aura été anormalement fort et au Nord en Août et Septembre 2016 à la suite de cette extension globale de la circulation tropicale.

Première modélisations, et incrédulité

Passons donc à la mi-Septembre. Le contexte synoptique sera explicité en détail plus loin. Ici, nous allons présenter une évolution chronologique des modélisations. Il convient cependant malgré tout de préciser l'évolution future des événements pour saisir le fil de la situation. Le contexte est donc celui de l'enfoncement d'un thalweg (un creux dépressionnaire) sur le proche Atlantique. Une vigoureuse dépression circule sur l'Atlantique Nord vers le 10 - 12 Septembre. Elle provoque sur l'Atlantique des déferlements cycloniques, avec l'enfoncement d'un thalweg très au Sud (couleurs vertes).

Cette carte illustre la situation le 12 Septembre à 00 UTC (02 heures locales). En blanc, la pression à la surface, en noir le géopotentiels, c'est à-dire l'altitude, de la surface 500 hPa (vers 5500 mètres, cotés en décamètres sur la carte), et en aplats de couleurs les épaisseurs, qui sont liés à la température.



On note une puissante crête anticyclonique sur l'Europe, avec un centre de hautes pressions à 1020 hPa environ, de hauts géopotentiels, et de l'air très chaud sur tout le continent (les records de chaleurs continuaient à tomber les un après les autres à ce moment là). Sur l'Atlantique, une vigoureuse dépression au Sud de l'Islande remonte en flux de Sud-Ouest. À l'avant elle renforce l'advection d'air chaud sur l'Europe -comme si cela était possible...- et provoque à l'arrière l'enfoncement d'air froid et cyclonique. 
 
Le 13 Septembre à 12 UTC :


La dépression en question commence à se combler (la pression en son sein remonte) et elle a basculé dans l'air froid. C'est le début de la fin pour elle. Cependant, le thalweg a continué à s'enfoncer vers le Sud, tandis que la crête anticyclonique continue à s'étendre vers le Nord, les hautes pressions et l'air chaud atteignant même le Svalbard ! La vague de chaleur atteint son paroxysme sur l'Europe, avec des valeurs qui même en Juillet ne sont quasiment jamais atteintes. Dans le Sud-Ouest français, la chaleur est plutôt maximale le 12 Septembre, suite à la rentrée du front froid dès le 13. Il fait ainsi 38°C à Dax, pulvérisant le record mensuel établi 5 jours avant, le 07 Septembre 2016...

Le conflit entre l'air froid postérieur et l'air chaud antérieur provoque la création d'une zone barocline, un front donc, entre ces deux masses d'air. Il en résulte le creusement d'une dépression, Stéphanie, sur la pointe bretonne (marquée par le T majuscule -ce sont des cartes allemandes...-). On notera qu'à ce moment c'est une dépression classique des latitude moyennes. La dépression de surface est au Sud et à l'Est du minimum d'altitude (marqué par l'enfoncement de la ligne noire des 560 dams vers le Sud - la pression 500 hPa est donc vers 5600 mètres). De plus, elle est sise au milieu d'un important gradient de températures, avec l'air froid sur l'Atlantique et l'air chaud sur le continent. Ce conflit de masse d'air forme un front froid le long des côtes atlantiques (pour l'information, les fronts sont tracés du côté chaud du plus fort gradient), qui donnera des orages très violents sur l'Aquitaine le soir même (du Mardi 13 Septembre donc).

Stéphanie s'est ainsi développée au sein d'un thalweg s'enfonçant fortement vers le Sud. Cet enfoncement de thalweg avait été anticipé par les modèles. Son évolution subtropicale a cependant été plus difficile à appréhender par ces mêmes modèles. Il aura surtout fallu l’intervention d'Arpège, développé par MétéoFrance, et de l'IFS, développé par un consortium européen, pour confirmer l'évolution en cyclone subtropical du minimum en fond de thalweg.

Le premier modèle à avoir émis la possibilité de processus de cœur chaud au sein de ce thalweg est le modèle étatsunien GFS, qui cependant a très vite lâché l'affaire. Ainsi, le run du 08 Septembre de 00Z (02 heures locales, données disponible vers 06 heures locales) de GFS montre un creusement en fond de thalweg qui est plutôt bien aligné sur la verticale et qui a quelques traces de cœur chaud (non visible sur la première carte). La prévision est à 150 heures, et même si les éléments synoptiques sont les mêmes (crête exceptionnelle sur l'Europe, thalweg sur l'Atlantique, etc...), il est normal que les cartes de prévisions commencent à diverger assez nettement de l'observation, présentée par les cartes précédentes.

Prévision de GFS du 08 Septembre 00Z pour l'échéance 150 heures, le mercredi 14 Septembre à 06Z (08 heures locales) 
 
L'étude un peu plus poussée des sorties révèle la présence d'un cœur chaud vraiment ténu - et la dépression ne se qualifie donc pas comme un cyclone subtropical - avec en premier la pression de surface, correspondant au traits blancs sur les cartes précédentes :

Sortie brute de GFS cartographiée grâce à Panoply, GISS NASA.

Et la température à 700 hPa, vers 3000 mètres donc, qui présente les traces d'un cœur chaud avec une faible anomalie positive alignée à la verticale du centre de basses pressions :


L'échelle est en Kelvin, il convient donc de retrancher 273 degrés pour obtenir la valeur en Celsius. Ainsi, la valeur de transition entre le bleu et le jaune est à 275 Kelvins, soit 2°C. Le centre est localisée vers 12.5° Ouest et 41.5° Nord. On notera aussi le dôme hallucinant d'air chaud sur l'Europe, et en particulier sur le Sud-Ouest de la France et sur l'Est de l’Espagne, avec en conséquence des records à la pelle pour l'Espagne, la France et la Belgique.

Cependant, GFS lâche bien vite l'affaire en effet ; et les jours suivants, il ne montre plus aucun creusement avec des caractéristiques de cœur chaud. Nous classons donc l'affaire sans suite, dans la longue liste des sorties de GFS sponsorisées par le Père Noël. Cependant, le modèle français Arpège, qui ne propose une évaluation de la situation que jusqu'à 114 heures d'échéance, se met quelques jours plus tard à montrer lui aussi un creusement subtropical. Il y a notamment le run du Dimanche 11 Septembre à 00Z, qui est complément démentiel. Il montre une cyclogenèse pleinement subtropicale avec un œil, et une bande convective Sud incroyablement active, alors que le modèle est proche de sa butée d'échéance (le cyclone est modélisé au delà de 90 heures d'échéances, pour le 15 Septembre, alors que -comme dit- le modèle ne va que jusqu'à 114 heures) :




À notre connaissance, c'est la première fois qu'un modèle montre le développement d'un cyclone subtropical dans le golfe de Gascogne. On se pince alors pour être sûr de ne pas rêver. De plus, même si le modèle européen IFS s'excite moins, lui aussi montre les éléments d'un cyclone à cœur chaud durant ses sorties du Samedi et Dimanche. Si nous étions conscients qu'il devenait probable que les côtes atlantiques de la France finissent à leur tour par être un jour touchées par les cyclones suite au réchauffement climatique, une telle modélisation reste proprement incroyable. 
 
Lundi, tant l'IFS qu'Arpège persistent et signent, montrant un creusement qui flirte avec la définition d'un cyclone subtropical. Les modèles se sont alors un peu calmés sur le cœur chaud et le creusement, mais il y a toujours un signal très fort pour quelque chose d'inconnu jusqu'alors dans le golfe de Gascogne. À tort, nous continuons de penser que la probabilité d'une cyclogenèse pleinement subtropicale reste faible, d'autant que GFS, qui avait reniflé le premier l'affaire, s'entête dans son idée qu'il n'y aura finalement qu'une dépression barocline des plus classiques. Cependant, au vu du consensus d'Arpège et de l'IFS, nous décidons dans la précipitation d'envoyer quelqu'un sur place, à savoir votre humble serviteur. Direction Bordeaux dès le lendemain Mardi, rendez-vous avec l'inconnu. Des cyclones subtropicaux se sont déjà produits de loin en loin en Méditerranée, mais un cyclone subtropical dans le golfe de Gascogne est un événement sans précédent et cela vaut bien la peine d'aller voir.

Au final, Mardi, GFS finit par se rallier à l'option d'une cyclogenèse subtropicale, sans aucune conviction ceci dit. De plus, le modèle à maille fine Arôme qui ne prévoit que jusqu'à 42 heures d'échéance, peut dès le 12 assurer des prévisions jusqu'au 14. Et il montre lui aussi en butée d'échéance un cyclone subtropical. Il devient évident qu'il se passe quelque chose dans le golfe de Gascogne. La situation est cependant tellement incroyable et improbable qu'il faudra attendre le Jeudi, en pleine tourmente, pour que votre humble serviteur réalise qu'il est bien en train de se faire passer dessus par un cyclone subtropical au Pays Basque.

En tout cas, on pourra mettre au crédit d'Arpège sa remarquable clairvoyance, et au crédit de Météo France sa science de la modélisation. Même si Arpège a parfois un poil exagéré -notamment sur sa sortie du Dimanche matin- il n'en reste pas moins qu'il a été le premier à vraiment cerner ce cyclone subtropical, et malgré plusieurs revirements sur son creusement et sa trajectoire, sera resté ferme sur les processus de cœur chaud. Aucun modèle n'est parfait, et Arpège a le tort de s'emballer un peu trop par moment, mais il n'en reste pas moins qu'il aura été d'une précieuse utilité. Le modèle IFS aura lui aussi été très bon ; même si dans sa conception il tend à être un peu plus pondéré, ce qui a amené ce modèle à, au contraire, légèrement sous-estimer le creusement du cyclone et sa nature subtropicale. Son appui au modèle Arpège a cependant été un élément déterminant dans notre suivi de situation, il est vraisemblable que si Arpège avait été isolé nous aurions écarté son scénario dans un premier temps.

Récit de chasse

Départ donc le Mardi midi pour Bordeaux via Paris. Les choses commencent bien, on part avec une heure de retard de Montparnasse. Si le train avait été à l'heure, il aurait pu être possible de photographier la violente dégradation orageuse sur l'Aquitaine associée au front froid de Stéphanie. Cependant, à cause du retard, nous arrivons sur la région de Bordeaux pile au moment où les orages remontent vers le Nord, et nous sommes bloqués vingt minutes à l'entrée de Libourne suite aux intempéries. Comme si nous n'étions déjà pas assez en retard ainsi... Le front de rafales est particulièrement costaud (le TGV commence même à un moment à balancer un peu sous les coups de boutoir du vent...) mais finalement on arrive à Bordeaux avec 1h20 de retard. Pour le front froid de Stéphanie -et la seule occasion de faire des photos sympas-, c'est râpé. Une petite vidéo faite à la sauvette dans le train : 


Les arbres se font bien tancer...

Le lendemain, direction l'Espagne. Le cyclone se développe très à l'Ouest, et les deux points d'observations seront les caps à l'Est de Santander (cabo de Ajo, cabo Quintrés) et à l'Est de Bilbao (playa Barrika, cabo Machichaco). Il aurait été possible d'aller plus à l'Ouest encore, vers Gijón mais cela augmentait les distances et il fallait éviter de se disperser et de s'éloigner exagérément de la côte basque voire de la côte landaise où l’échouage devait avoir lieu (manque de chance, la seule activité foudre significative associée à Stéphanie ce sera produit vers les Asturies justement...). 
 
La journée du Mercredi ne présente aucun intérêt particulier. Le cyclone s'organise loin des terres, et il y a plus d'activité convective dans les terres qu'en mer. Au cabo de Ajo, les cumulus sont nombreux mais guère développé, et la mer indique un vent de 5 beaufort :


Au dessus, les altocumulus résultent de l'étalement aux étages moyens et supérieurs de la convection se produisant dans les terres. Des orages sont en train de s'organiser sur les Cantabriques :


Déplacement de quelques kilomètres à l'Ouest alors, vers le cabo Quintrés :


Le vent se renforce un peu et la mer prend un aspect de 6 Beaufort, tandis que la convection se renforce un peu à l'horizon :


Avec l'effet de ressaut au bord de la falaise, le vent est particulièrement turbulent avec des rafales aux alentours de 90 km/h :


Au loin, Santander et un bateau arrivant au port :


Cependant, un panache d'altocumulus et d'altostratus résultant de la convection sur les Cantabriques et pris dans le flux de Sud-Ouest finit par déborder el cabo Quintrés, apportant quelques virgas puis des gouttes. Le Soleil prend cet aspect caractéristique, comme si il était vu au travers d'un verre dépoli.


Illustration des virgae (la draperie de couleur plus claire) :


Et au pied de la falaise, les vagues continuent de se fracasser dans un grondement continu, la mer restant dans un état de 6 beaufort (dû à l'altitude de la falaise, la photo ne rend pas tout à fait justice à l'état de la mer et peine à représenter les crêtes blanches d'écumes et qui moutonnait franchement), avec toujours Santander au loin :


Cependant, l'horizon est complétement bouché, cela ne sert plus à rien de rester là. Repli sur Bilbao dans la soirée, pour arriver dans la nuit au cabo Machichaco (la route pour y arriver est déjà tout un sujet en soi...). Vers le Nord-Est, aperçu des cellules de la traîne sur la côte Aquitaine :


Tandis qu'à l'Ouest, en regardant vers Bilbao, les altocumulus et altostratus issus de la convection sont toujours présents :


L'événement de la soirée sera finalement une couronne autour de la Lune, grâce à ces nuages de l'étage moyen :



Vu que la nuit est calme et que Stéphanie se forme loin en mer, un petit passage à Bilbao pour trouver un hôtel s'improvise, histoire de dormir quelques heures. Le lendemain matin, réveil tôt et retour à Santander. La bande convective Sud de Stéphanie a l'air de finalement vouloir approcher les terres. À la playa de Ajo, la mer roule furieusement et les vagues sont spectaculaires :


Puis direction el cabo Quintrés pour avoir une vue sur la bande convective. Manque de chance, comme dit, Stéphanie n'est vraiment pas photogénique et à part un mur d'eau liquide et gazeux qui fonce plein Est il n'y a pas grand'chose à photographier. Curieusement, les virgae sont à nouveau très nombreuses, dans une ambiance qui reste sèche avec une humidité relative au sol vers 50% :


Elles ne sont pas très visibles, mais elles sont bien là, draperie grise sous les nuages.

En regardant vers l'Ouest et Santander, il n'y a rien d'autre qu'une plaque continue d'altocumulus et stratocumulus :


Au pied de la falaise, la mer est moins agitée et approche d'un état 4 Beaufort. Le changement de direction du vent y est sans doute pour beaucoup. Il soufflait la veille d'Ouest, et donc parallèlement à la côte. Ce matin, il est de Sud à Sud-Ouest à l'avant du centre de basse pression. Le vent souffle donc des terres et est ralenti par frottement. L'ambiance est donc nettement moins venteuse. La bande convective progressant, Santander finit par se faire engloutir littéralement dans un mur d'eau, le ciel et la mer se confondant dans un gris uniforme.


Puis c'est le photographe qui finit par prendre l'eau (premières gouttes vers les 11h15 locales) :


Sanatander a disparu dans la brume et la pluie. Illustration du vent, la route étant grossièrement orienté selon un axe Sud-Nord :


Cyclone subtropical ? Quel cyclone subtropical ? Vu que le cap est maintenant pris dans la pluie et le vent, il faut bouger vers l'Ouest, et revenir à Bilbao. La première étape sera la playa Barrika, qui avait autant si ce n'est plus d'intérêt géologique que météorologique. Un arbre qui a du souffrir du passage de Stéphanie (la cassure était encore fraîche) :


Un escalier digne des rets de la Moria au milieu de particularités géologiques:


Au pied de la falaise, le ciel est toujours aussi tourmenté et chargé de stratocumulus et altocumulus, la mer se fracassant  sur les rochers :


Pour les amoureux de cailloux et de jolis plis :


Et toujours les virgae :



Les plafonds bas étant déjà là il faut se dégager vers l'Ouest à nouveau, direction le Machichaco. Nouvelles virgae sur la route, ce fut un vrai festival pendant trois jours :


La route pour arriver au Machichaco est en fait plus exactement un chemin complétement défoncé sinuant entre les conifères dans un décor de montagne. Illustration de la meilleure partie de la route, à son début (après, se concentrer sur la conduite devient indispensable...) :


À l'arrivé, un bateau croisant au large. El barco sobre la mar y el caballo en la montaña :


Toujours des virgae :


Quelques altocumulus lenticularis vers l'Ouest :



Cependant là aussi rien de bien croustillant à photographier avant que l'ombre n'arrive. Les altocumulus et stratocumulus auront donné à un moment des effets de lumière plutôt sympathiques :


En regardant vers l'Ouest, on voit la plaque de nuages progresser :


Même si la photo n'est pas d'une qualité fantastique, on voit le rideau de pluie s'abaissait progressivement, formant à droite (vers l'Ouest) des virgae, et finissant par rejoindre la mer pour former un mur gris d'eau où ciel et océan se confondent :



Cependant, le Machichaco finit par se faire engloutir à son tour :


Repli stratégique vers l'Ouest alors, histoire de se dégager un peu pour évaluer la situation et de trouver où le cyclone pourrait bien s'échouer. Les modèles, après avoir hésité entre des extrêmes aussi opposés que Bilbao et La Rochelle, ont fini par s'aligner sur un échouage à l'Ouest de San Sebastián. Il faut alors revenir vers l'Est et rejoindre les plages entre San Sebastián et Bilbao. La traque de l'échouage n'aura été qu'un demi succès. Le cyclone était en train de se déstructurer très rapidement à l'échouage ; et votre serviteur manquait de moyens d'observation. Cela a rendu son suivi très compliqué, l'absence de structure rendant difficile la lecture du cyclone au sol. Votre serviteur s'est donc retrouvé à courir après le centre. La situation devenant de plus particulièrement tendue sur la route côtière, et le train du retour partant de Bordeaux en début de matinée, la traque a été abandonné vers 00h00 locales pour pouvoir se dégager et rentrer sereinement.

La route jonchée de débris dès l'arrivé sur zone :


Illustration de l'ambiance sur la GI-638 à l'Ouest immédiat de Deba (la lumière bleue c'est la police qui arrivait à l'instant même) :


En temps normal d'après l'ami Google Maps :


Et sur la BI-633 à hauteur de Markina-Xermein :


Et la vue de Google Maps :


Sur ce, retour à Bordeaux, où la Lune joue avec les altocumulus en marge de Stéphanie :



Histoire météorologique

Nous allons par la suite analyser l'évolution de Stéphanie. Précisons avant toutes choses que le vent moyen retenu est le vent sur 10 minutes, selon la convention en Europe. Ensuite, l'objectif est d'évaluer le maximum possible des vents et le minimum possible de la pression, et non des valeurs moyennes. Les vents seront donc arrondis au supérieur, les pressions à l'inférieur. La probabilité pour qu'un instrument de mesure perdu dans l'immensité de l'Océan tombe pile sur la valeur minimale de pression ou maximale de vent est encore plus faible que les chances de trouver des confettis dans le tombeau de Néfertiti.

La bouée 62001, qui se fera fait passer dessus directement plusieurs fois, est en particulier bien utile. On gardera à l'esprit que les données des bateaux sont prises dans des conditions d’observation qui divergent généralement des standards habituels (ftp://ftp.wmo.int/Documents/PublicWeb/amp/mmop/documents/JCOMM-TR/J-TR-10-CLIMAR-99/Presentations/session_02/02.1_Taylor.pdf). De même les bouées 62001 et 62123 ont un anémomètre situé à 3 mètres au dessus de la mer a priori. On corrigera donc de 12.5% les valeurs de vents pour tenir compte de la faible altitude de la mesure de vent, qui augmente le frottement (voir http://www.hko.gov.hk/publica/reprint/r1172.pdf ). Enfin, on n'accordera qu'un crédit limité à l'analyse des images satellites. Si pour les cyclones tropicaux c’est une approche efficace, pour les cyclones subtropicaux l'évaluation de l'intensité en fonction de la présentation est déjà plus délicate. Et pour les cyclones extratropicaux, il est tout simplement impossible de relier une présentation satellite à un creusement et une vitesse de vents. Stéphanie ayant connu une période extratropicale suivie d'une brève période subtropicale l'approche par analyse des images satellites serait peu fructueuse.
 
Bref, le cyclone Stéphanie est à l'origine une dépression des latitudes moyennes très classique. Elle démarre à partir d'une vaste zone barocline en fond de thalweg le 12 Septembre. Durant toute sa vie, Stéphanie sera noyée dans des champs de pression élevés. Ainsi, le vent pourra souvent paraître fort en regard de la pression minimale. Ceci est une conséquence de l'exagération du gradient de pression par les hautes valeurs de l'environnement. Le front froid de la dépression islandaise s'étire la journée du 12 de Madère à l'Islande. Cette vaste zone barocline sera réactivée par l'enfoncement vers le Sud du thalweg d’altitude, qui force la cyclogenèse sur le golfe de Gascogne. Des minimums de pressions circulent ainsi en mer et sur la côte Aquitaine le 12 et 13 Septembre.

Image satellite composé IR + Vis du 12 Septembre 2016 à 12 UTC. La bande nuageuse s'étirant du Sud au Nord est le front froid de Stéphanie. La partie qui va se réactiver se devine au large immédiat de la France. Source : http://www.woksat.info/wos.html

C'est cependant le 13 Septembre à 12Z que la circulation commence à se concentrer et à être mieux définie sur la Bretagne (dans les environs de Lorient). Jusqu'à présent, il y avait une multitude de minimums au sein du front froid. C'est à partir de ce moment que commence l'épopée de Stéphanie.

L'histoire météorologique s'écrit donc vers Lorient qui enregistre une pression minimale de 1005 hPa à 13 UTC. La perturbation est encore très lâche, mais le front froid est déjà vigoureux (comme le montre les images micro-ondes avec une activité convective très forte en Espagne). De plus, la ligne de convergence à l'avant commence à produire des orages en Aquitaine (Bordeaux a ainsi le droit a un premier orage vers 11 - 12 UTC). En Espagne, Santander mesure à 12 UTC un vent moyen à 22 nœuds, alors que le bateau BATFR34 mesure 18 nœuds au large de la Bretagne. La bouée 62163 mesure elle aussi 22 nœuds à 13 UTC, soit 25 nœuds corrigés. L'intensité initiale est donc prise à 1004 hPa et 30 nœuds. Le passage descendant de METOP A a eu lieu vers 1115 UTC dans la matinée. Le capteur ASCAT proposait alors quelques valeurs supérieures à 30 nœuds. Cependant, plusieurs de ces vecteurs sont marqués, et cela ne correspond pas aux observations locales (navires BATFR34, PBOF, bouée 62163, etc..). Les valeurs à plus de 30 nœuds sont donc écartées. On note déjà la canalisation du vent par les Cantabriques, qui explique l’accélération du flux sur le Sud du golfe. Ce sera un élément d'importance dans l'évolution de Stéphanie. On note aussi les premiers symptômes d'une séclusion chaude, avec un air chaud qui se rabat par le Nord-Ouest et un jet de basses couches qui se forme en association avec le front chaud. De plus, on note une vaste plage de basses pressions sur la France avec une ligne de convergence le long de la côte à la faveur du réchauffement diurne et de champs synoptiques franchement mous. Le champ de pression est ainsi particulièrement lâche, la façade Ouest de la France relevant des valeurs de 1006 - 1007 hPa.

Passage ascendant d'AMSR-2 vers 1330 UTC en 89 GHz PCT. Notez le front froid très actif et la ligne de convergence à l'avant, ainsi que le front chaud à l'avant particulièrement visible pour un front chaud...

Passage descendant de METOP A vers 1115 UTC
Image satellite composé IR + visible le 13 Septembre 2016 à 12 UTC. Source : http://www.woksat.info/wos.html

À 18 UTC le cyclone Stéphanie s'est à peine creusé. La pression est mesurée à 1003.7 hPa par le bateau BATEU10. De plus, on note sur la France la persistance d'une plage de basses pressions, avec des valeurs à 1003 - 1005 hPa généralisées à l'aval du front froid sur la moitié Ouest de la France associée à une ligne de convergence dans l'air chaud antérieur. À ce moment, le front froid vient de rentrer dans les terres. Malgré le faible renforcement du cyclone, la côte Ouest de la France subit un poutrage en règle au passage du front froid. De plus, le vent synoptique forcit. Un passage de METOP A un peu plus tard dans la soirée révèle une plage de vents au delà de 25 nœuds ; tandis que la bouée Gascogne (bouée 62001) mesure un vent moyen à 26 nœuds à 18 UTC et à 31 nœuds à 19 UTC soit 29 et 35 nœuds corrigés. Un autre passage de METEOP B vers 22 UTC montre un dipôle de vent vers 47.1°N avec des vents entre 30 et 35 nœuds, confirmant la présence d'un centre cyclonique au Sud-Ouest de la Bretagne malgré la faiblesse du creusement. Ainsi le vent synoptique se renforce en dépit de la pression. L'instrument ASCAT révèle également la présence d'un vaste minimum étiré le long du front, avec un second centre cyclonique moins bien défini, plus au Sud, dans la convection du front froid. À mesure que le front rentrera dans les terres, le centre de Stéphanie sera forcé à migrer vers le Sud-Ouest dans cette vaste zone de rotation cyclonique.

On mentionne également les valeurs du navire BATEU10 qui mesure à 14 UTC un vent de 48 nœuds avec une pression de 1004.9 hPa. On ne retient pas sa vitesse de vent, probablement liée à l'activité convective (le vaisseau est pile sous le plus gros cumulonimbus du golfe à ce moment...) et qui est en désaccord avec la bouée Gascogne (qui ne monte pas à plus de 17 nœuds durant l'après-midi). On remarque cependant la capacité de la convection à déformer le champ de pression et de vent.

Le vaisseau PBOF mesure également 35 nœuds de vent moyen à 18 UTC. Cependant, cette valeur est à prendre avec du recul. Les métadonnées de l'anémomètre de ce navire n'ont pas été retrouvé, et nous ignorons donc les biais de cette mesure. En tous les cas, cela suggère un renforcement de la circulation. Enfin, il y a toujours une canalisation du flux par les Cantabriques.

On écarte évidemment les valeurs en Aquitaine, uniquement liée à l'activité convective et non représentative du contexte synoptique (avec par exemple 39 nœuds de vent moyen et une rafale à 50 nœuds à Saint-Jean de Luz).

Il est ainsi considéré que Stéphanie, à 18 UTC, a une pression centrale de 1003 hPa et des vents soutenus à 35 nœuds. Comme nous le verrons, le renforcement des vents de Stéphanie indépendamment de tout creusement est déjà symptomatique d'une subtropicalisation en cours. En effet, dans un cyclone extratropical, les vents sont étalés sur une grande superficie et peu concentrés. Ainsi, le maximum possible des vents pour une pression minimale donnée est vite limité. Au contraire, un cyclone subtropical a une circulation plus compacte et mieux définie, qui lui permet d'atteindre des vitesses de vents plus élevées pour une même pression minimale. Cependant, ce n'est rien encore en comparaison d'un cyclone tropical qui a une circulation extrêmement compacte et définie au cordeau, qui fait que les ouragans sont capables de produire les vents les plus violents connus sur Terre, tornades exceptées.

Le 14 à 00 UTC, Stéphanie est toujours un cyclone extratropical. Cependant, la convection est toujours aussi explosive et les processus de cœur chaud deviennent évidents. On est au stade de séclusion chaude, avec un front chaud évoluant en front occlus et venant s'enrouler par l'Ouest. Cependant, ce front commence à sérieusement ressembler à une bande convective... Il est important de noter, en particulier sur les images micro ondes, que ce n'est pas le front froid qui prend l’ascendant, mais bien le front chaud et son prolongement occlus, ce dernier devenant franchement convectif. À l'appui, le sondage de Brest à 00 UTC révèle un profil saturé avec un cisaillement de vent limité sur l'altitude, évocateur d'une transition progressive vers un cyclone subtropical.



Radio-sondage de Brest le 14 Septembre à 00 UTC (02 heures locales), le seul RS un tant soit peu représentatif de Stéphanie à notre connaissance. Image tirée du site de l'université du Wyoming : http://weather.uwyo.edu/upperair/sounding.html
 
Pour dire les choses, un tel sondage est complétement démentiel pour Brest. On note le profil saturé sur la profondeur selon une pseudo-adiabatique humide. De plus, élément très important, le vent atteint un maximum vertical à 24 nœuds à 944 hPa, puis qui faiblit jusqu'à 12 nœuds à 850 hPa. Le coeur chaud n'est pas spectaculaire, mais il est là. Il faut attendre de rejoindre le niveau 700 hPa pour retrouver aussi fort.

De plus, le creusement devient plus franc. Malgré l'éloignement du centre dépressionnaire vers le Sud, la pression ne remonte pas à Lorient, et atteint même un un point bas local à 1005.3 hPa à 00 UTC. En l'absence de mesures près du centre, on s’appuiera également sur le modèle Arôme qui initialise le cyclone à 1002 hPa. On estime ainsi que Stéphanie atteint une pression minimale de 1001 hPa à 00 UTC. Pour les vents, la bouée Gascogne a atteint une vitesse de 33 nœuds à 21 UTC soit 37 nœuds corrigés. De plus les passages ASCAT du soir montrent quelques vecteurs à 30 - 35 nœuds, et les passages du 14 au matin supportent une intensité des vents de 40 nœuds avec un vortex qui devient concentré à 06 UTC. Étant donné l'amélioration de la présentation satellite et de son évolution vers un cyclone subtropical, et en cohérence avec les données de la bouée Gascogne, une hausse lissée des vents est proposée, impliquant une première augmentation à 40 nœuds à 00 UTC. Les vents à 35 nœuds (force 8 Beaufort) sont alors confinés à l'Ouest du système en lien avec le jet de basses couches. Ils peuvent cependant s'étendre potentiellement loin du centre, avec par exemple 22 nœuds à Aberdaron au Pays de Galles ou bien 28 nœuds pour le bâtiment SLKQ ou 30 nœuds pour TBWUK 63 à 03 UTC.

Passage descendant de AMSR2 vers 03 UTC en 36 GHz

Passage descendant de AMSR2 vers 03 UTC en 89 GHz PCT

Image IR vers 03 UTC. Pour les amoureux de cumulonimbus, notez le champignon parfaitement circulaire sur les Cornouailles, associé à un fort signal en micro-ondes. Du point de vue de l'esthétique, c'est un spécimen remarquable.

Le 14 à 06 UTC, Stéphanie reste attaché au front occlus mais l'évolution subtropicale continue. Une bande convective s'est formé durant la nuit sur le flanc Sud-Ouest du cyclone et vient s'enrouler complètement autour du cyclone. De plus, le centre de surface dérive au Nord. Les données du bateau BATFR27 sont précieuses et montrent sans ambiguïté un creusement à caractère de cœur chaud. Il ne reste plus qu'à rompre les amarres avec le front pour que Stéphanie devienne un cyclone subtropical. Ainsi, la pression minimale mesurée par ce bateau est de 998.8 hPa avec une température qui remonte au centre du cyclone... Warm-core spotted ! Tempérons cependant un peu. La circulation est fermée mais très allongée et le cyclone est encore largement de nature barocline. On assiste clairement dans un premier temps à une évolution en séclusion chaude, avec le front occlus qui se forme à partir du front chaud et est rabattu autour de la circulation. Les vents sont donc très forts selon un axe Nord-Ouest à Sud-Est, venant s'enrouler autour du front. La fermeture de la circulation et l'importance de la convection commencent à faire évoluer Stéphanie vers le statut subtropical mais il y a encore du chemin à parcourir. En attendant, il est peu probable que les les vents reprennent leurs hausses malgré l'amélioration de la circulation. Stéphanie reste un cyclone extratropical et n'a pas encore les moyens de renforcer ces vents. Deux passages ASCAT dans plus tard dans la matinée proposeront des vents à 35 - 40 nœuds. En accord avec ces données, les vents sont conservés inchangés. La pression minimale est ainsi estimée à 998 hPa tandis que les vents atteignent 40 nœuds. Sur les images visibles haute résolution, on note la formation d'un tourbillon de basses couches qui confirme la mise en place d'une circulation cyclonique fermée (LLC pour Low level Center, oh yeah !). On notera également que le front froid continue de s'enrouler sur la France et reste connecté au centre de surface. Sous la pointe Nord du front, le bateau BATFR63 enregistre des vents à 30 nœuds, canalisé le long de la côte. Ce front froid dans les terres est cependant en train de se déstructurer et va se reformer à la côte.

Passage du satellite METOP B vers 1015 UTC

Passage descendant du satellite METOP A vers 1115 UTC

Le 14 à 12 UTC le centre de surface est largement exposé loin de la convection et Stéphanie est probablement dans le dur. Cependant, l'isolement d'un tourbillon de basses couches n'est absolument pas normal pour une séclusion chaude. Ce LLC signe une évolution nettement différente de celle d'une dépression des latitudes moyennes. Stéphanie reste pour l'instant un cyclone extratropical, mais l'évolution en cœur chaud est celle d'un cyclone subtropical, non d'une séclusion chaude. Le bateau BATFR34 est proche de ce tourbillon de surface et indique une pression minimale de 1001.8 hPa, ce qui implique une pression minimale pour Stéphanie de 1000 hPa. Malgré la légère hausse de la pression, les données montrent la persistance d'une forte circulation, et il n'est pas nécessaire de modifier la force des vents de Stéphanie. Le passage ASCAT de la matinée a trouvé un ensemble de valeurs entre 35 et 40 nœuds, confirmés par la bouée Gascogne qui subit avec constance des vents à 35 nœuds soit 39 nœuds corrigés. On note la persistance d'une large zone de vents forts dans l'axe Nord-Ouest à Sud-Est le long du front, le cyclone n'ayant pas achevé sa transition. Ainsi, la bouée 62163 Bretagne subit elle aussi avec constance un vent de Nord de 30 nœuds, soit de l'ordre de 35 nœuds corrigés. Il est cependant notable que ces vents ne se produisent qu'en coordination avec l'activité convective et la bande frontale, et sont en particulier concentrés dans la pointe de la bande convective. Si ces valeurs de vents sont retenues, il ne faut pas en exagérer la portée quand à l'état de la circulation qui est très étirée et mal définie. La circulation à proprement parler a quelque peu régressé depuis la matinée en organisation et est plus fortement de nature barocline. Notons cependant que le navire BATFR34 indique toujours un maximum de température dans le cœur du cyclone. Malgré la faiblesse de la circulation et de l'activité convective, Stéphanie est toujours proche du statut de cyclone subtropical.

Passage ascendant de AMSR2 vers 1230 UTC et 1400 UTC en 89 GHz PCT

Passage ascendant de AMSR2 vers 1230 UTC et 1400 UTC en 36 GHz


Image satellite composé IR + visible le 14 Septembre 2016 à 12 UTC. Source : http://www.woksat.info/wos.html

Le 14 à 18 UTC, l'activité convective du cyclone est devenue moins étendue et plus désorganisée. Il est possible que Stéphanie souffre du minimum diurne (la convection dans les systèmes tropicaux et subtropicaux atteint classiquement un étiage dans l'après-midi en heures locales). Dans tout les cas, l"affaiblissement de Stéphanie devient patent. Deux données sont importantes pour aider à estimer l'intensité de Stéphanie. La bouée Gascogne indique qu'elle est dans l'œil du cyclone avec un vent qui a faibli à 20 nœuds de Sud-Ouest après avoir atteint 37 nœuds deux heures auparavant (soit 22 et 43 nœuds corrigés). Malgré cela, la pression remonte avec le temps, passant de 1002.7 hPa à 17 UTC à 1003.1 hPa à 18 UTC... Dans le même temps, le bateau BATFR09 qui est bien plus au Nord-Ouest montre aussi un vent de Sud-Ouest pour la même vitesse un peu près, à savoir 15 nœuds, à 17 UTC. Et là aussi, la pression remonte, puisqu'elle passe de 1001.3 hPa à 16 UTC à 1002.0 hPa à 17 UTC. La circulation est donc très allongée, selon un axe Nord-Ouest à Sud-Est grossièrement, et le cyclone est donc sur la pente descendante. Ainsi, il est estimée que la pression minimale est à 1000 hPa. La vitesse des vents reste cependant à 40 nœuds, la circulation d'un cyclone ayant une grosse inertie et mettant du temps à ralentir. Le franchissement du seuil des 40 nœuds par la bouée Gascogne n'est pas jugé significatif compte tenu de la faible organisation de la convection, et de l'incertitude associée à la correction. De plus, c'est en cohérence avec les passages ASCAT de la soirée qui continuent de montrer des vents soutenus entre 35 et 40 nœuds. Le placement du centre est très incertain étant donné que la circulation est mal définie. Parti est pris de le placer en marge sud de l'enveloppe de circulation, au plus proche de la convection. C'est là que semble se produire le maximum de rotation au sein de la patatoïde informe de circulation cyclonique, et placer le centre exagérément loin de la bouée Gascogne n'aurait pas eu de sens. L'évolution ultérieure du cyclone semble également indiquer que c'est bien la marge Sud de la patatoïde de circulation qui finira par l'emporter. Il est cependant certain, au vu des images satellites visible haute résolution, que le centre de bas niveau (LLC pour Low Level Center) s'est reformé au moins une fois dans la journée du 14, et de multiples tourbillons se sont joyeusement empoignés au cours de cette journée. On notera de plus la persistance d'un cœur chaud, puisque tant la bouée que le bateau enregistre une hausse de la température au centre du système. Stéphanie reste cependant toujours attaché au front occlus. La circulation de surface est particulièrement boiteuse, et la convection a perdu de son intensité et de son organisation. C'est donc toujours un système extratropical à ce moment. La nuit va cependant lui apporter un regain de vigueur.

Passage ascendant de METOP A 2045 UTC


Le 15 à 00 UTC, Stéphanie achève sa transition, et nous considérons que c'est à ce moment que Stéphanie devient une tempête subtropicale. Le point reste cependant quelque peu discutable car Stéphanie n'aura au final tenu que 24 heures avec ce statut et aura évolué à partir d'une séclusion chaude. Sans remettre en cause le caractère cœur chaud du système et son aspect historique, il n'est pas certain que le NHC -puisque ce sont eux qui décident du sort des tempêtes tropicales et subtropicales dans l'Atlantique Nord- il n'est pas certain donc que le NHC puisse considérer Stéphanie comme une tempête subtropicale vu le manque de persistance de la convection, le lien avec la zone barocline, et la faiblesse du creusement. Perdre 4 hPa en 12 heures à la force de la convection n'est pas tout à fait un exploit hors du commun pour l'Atlantique... Arôme est bien plus cruel et ne montre aucun creusement durant la journée du 15 Septembre au travers de ces initialisations successives. La question d'un cyclone subtropical dans la définition reste donc en suspens. Il est difficile de savoir si le cyclone a simplement joué sur l'inertie de sa rotation, aidé par les Cantabriques pour la "figuration", ou bien si la convection a réellement pu établir un vortex cyclonique coupé de la zone barocline et autonome. Les passages ASCAT tendent à montrer que Stéphanie se sera coupé de ces front dans la soirée du 14 Septembre, le champ de vents ne présentant plus à ce moment de discontinuité avec un champ de vent cyclonique et circulaire. Cependant, un maximum de vent persiste à l'Ouest dans la journée du 15 Septembre, qui peut montrer que cette coupure n'est pas totale.

Pour en revenir à son intensité, la pression dégringole à la bouée Gascogne, malgré le renforcement du vent. Le cyclone, en se séparant de la zone barocline et en profitant du maximum diurne, à stopper l’hémorragie et relancer la machinerie. Ainsi, avec un vent de Sud de 32 nœuds (corrigé à 36 nœuds), la bouée enregistre une pression de 1000.9 hPa, en baisse continue. Cela justifie une pression minimale de 997 hPa. On notera aussi le gradient de vent particulièrement spectaculaire sur le flanc Sud de la tempête, puisque dans le même temps le bateau BATFR27 à 100 kilomètres au Sud-Est enregistre une pression de 1006.8 hPa. Dans le même temps, la circulation au Nord reste possiblement quelque peu compromise, en accord avec l'initialisation du modèle Arôme qui montre une circulation moins bien définie sur le flanc Nord. En effet, le bateau BATEU10, à 200 kilomètres au Nord-Nord-Est de la bouée Gascogne, enregistre une pression de 1002.5 hPa avec un vent de 39 nœuds. Il n'y a donc pratiquement pas de gradient dans cette direction. Le gradient se resserre cependant brutalement au Nord du bateau, Belle Île enregistrant une pression de 1009.3 hPa par exemple, et Lorient Lann-Bihoué une pression de 1009.7 hPa ; ce qui justifie le vent fort que subit le bateau. L'intensité de Stéphanie est cependant conservée à 40 nœuds. Les fortes valeurs mesurées au Nord sont liées à un resserrement local du gradient éloignée du centre. Sur le flanc Sud a priori plus actif, le resserrement semble être sensiblement le même, il est simplement plus près du centre. Les passages ASCAT dans la soirée ne fournissent pas non plus d'argument pour augmenter le vent. Enfin, l'inertie en rotation des cyclones est valable tant à la montée qu'à la descente. Sur cette base, malgré le creusement en cours, aucune modification de la force du vent n'est apportée.

Passage descendant d'AMSR2 vers 0200 UTC en 89 GHz PCT

Passage descendant d'AMSR2 vers 0200 UTC en 36 GHz

Le 15 à 06 UTC, la bouée Gascogne -toujours elle- se fait directement passer dessus, ce qui simplifie grandement le problème. La température remonte dans le cœur du cyclone, confirmant une nouvelle fois que c’est bien un système subtropical. La pression mesurée à 05 UTC est de 997.9 hPa et de 998.5 hPa à 06 UTC. En accord avec les premières images visible, et en accord avec les évolutions ultérieures, le centre est placé un poil au Sud de la bouée. La direction du vent à la bouée est négligée, sa force -4 nœuds- étant trop faible pour donner une direction significative. Il suffit d'un battement d'ailes de mouette à côté, la girouette a déjà tournée quinze fois. Plus tard dans la matinée, ASCAT détectera des vents à 40 nœuds. Cependant, signe probablement que le cyclone est en train de monter en puissance, de nombreux vecteurs sont considérés comme douteux. Il y a malgré tout quelques valeurs approchant voire dépassant les 40 nœuds qui semblent valides. Dans le même temps, un bateau, BATEU10, sur le flanc Est du cyclone, indique un vent de 42 nœuds à 05 UTC. Il confirme également (étant à la même la latitude que la bouée et subissant un vent de Sud-Sud-Est) que le centre est légèrement au Sud de la bouée. Enfin, le cyclone est nettement mieux défini avec un aspect annulaire et une circulation symétrique. Sur cette base, malgré l’organisation de la circulation et la baisse de la pression, probablement suite à l’inertie du cyclone et au creusement somme toute faite franchement modeste, l'intensité de Stéphanie est établie à 40 nœuds.

Passage descendant de METOP B vers 0900 UTC


Le 15 à 12 UTC, Stéphanie atteint probablement son paroxysme. La bande convective, profitant probablement de la canalisation du flux par les Cantabriques, devient particulièrement bien organisée. Il se forme ainsi une scène typique d'une classification ST 3.0 alors que la bande convective vient se positionner au plus proche du centre (enroulement évident autour du centre, bande spiralée de 0.4-0.5 à 1° du centre). Cette bande convective -qui au passage étrille sévèrement les Asturies et les Cantabriques- n'est cependant pas tout à fait continue, et l'organisation convective présente toujours quelques faiblesses. Si la bande se poursuit le long de la côte et s'éloigne au large des Asturies, elle ne peut pas être considérée comme continue. Il est à noter qu'au sein de l'œil, le centre se trouve en réalité décalé au Sud-Ouest, comme le montre les images visibles. Il faut se fier à la spirale intérieure de nuages bas, et non à la bande convective extérieur qui ne dessine pas le "véritable" mur de l'oeil. Le centre est ainsi décalé au Sud-Ouest de la zone vide centrale, au centre de la spirale de nuages bas. On note aussi qu'une cellule se déclenche directement dans la bordure intérieure Nord du mur :

Image satellite composé IR + visible le 15 Septembre 2016 à 12 UTC. Source : http://www.woksat.info/wos.html
Image visible haute résolution le 15 Septembre à 1200 UTC. Source inconnue.

Pour les vents, ils sont augmentés légèrement à 45 nœuds, en accord avec la bonne présentation satellite et les passages ASCAT du matin qui semblent poindre vers quelques valeurs supérieurs à 40 nœuds. Enfin, la pression est légèrement abaissé à 996 hPa, en reconnaissance de la meilleure organisation et en lien avec la pression restant plutôt basse à la bouée Gascogne. On note en particulier 37 nœuds à 09 UTC avec 1002.3 hPa, soit 41 nœuds corrigés. Par ailleurs sur la côte espagnole, la bande convective amène une joyeuse ambiance -et votre serviteur est là pour en témoigner- avec des valeurs de vents aux alentours de 20 à 25 nœuds.

Passage ascendant de AMSR2 vers 1315 UTC en 36 GHz


Passage ascendant de AMSR2 vers 1315 UTC en 89 GHz PCT

Le 15 à 18 UTC, le cyclone est clairement en perte de vitesse. La pression mesurée par le bateau BATEU10 est de 1001.6 hPa, avec un vent d'Est à 26 nœuds à 17 UTC. Étant donnée la dégradation de la présentation satellite, cela justifie de remonter la pression à 999 hPa. Cependant, les vents sont conservés à 45 nœuds, sur la base de l'inertie et des mesures ultérieurs de vent à la côte. Le passage ASCAT de la soirée a plutôt bien raté le centre.


Le 16 à 00 UTC, Stéphanie s'échoue à l'Ouest de San Sebastián. Les observations montrent que la pression est fortement remontée avec par exemple 1008 hPa à San Sebastián par 12 nœuds de vents. Sur cette base, la pression minimale est estimée à 1005 hPa. De même, au vu du passage ASCAT de la soirée qui montre un affaiblissement du vent y compris dans la bande convective, et de la forte remontée de la pression, les vents sont abaissés à 40 nœuds. On note cependant à San Sebastián une valeur à 31 nœuds à 21 UTC, et à 30 nœuds à Santander. Lekeito enregistre 44 nœuds à 23 UTC mais il est vraisemblable que la position de l'anémomètre au sommet d'une falaise force l'accélération du flux et surestime un peu l'intensité réelle de Stéphanie. De même le cap Machichaco enregistre vers 21 UTC des valeurs très élevées, avec 55 nœuds de vent soutenu (et une rafale à 72 nœuds...). Cependant la position de l'anémomètre perché à 100 mètres de haut sur une falaise exagère là aussi très probablement les valeurs. Cette mesure justifie sans doute que Stéphanie soutienne encore des vents à 45 nœuds à 21 UTC, en accord avec Arpège et Arôme. Cependant, la circulation cyclonique a clairement ralenti à 00 UTC. Il n'y a donc pas de raison de conserver les vents, et un certain affaiblissement a déjà eu lieu à ce moment. La circulation se dissipera durant la nuit au Sud de Pampelona. La dernière fois que le centre est identifiable est à 05 UTC au Sud de la ville.

13/09 12Z : XT 47.7°N 3.4°W 1004 hPa 30 kts
13/09 18Z : XT 47.3°N 3.8°W 1003 hPa 35 kts
14/09 00Z : XT 46.1°N 4.3°W 1001 hPa 40 kts
14/09 06Z : XT 46.8°N 5.2°W 998 hPa 40 kts
14/09 12Z : XT 47.0°N 5.8°W 1000 hPa 40 kts
14/09 18Z : XT 46.1°N 6.2°W 1000 hPa 40 kts
15/09 00Z : ST 45.3°N 6.1°W 997 hPa 40 kts
15/09 06Z : ST 44.9°N  5.1°W 997 hPa 40 kts
15/09 12Z : ST 44.5°N 4.3°W 996 hPa 45 kts
15/09 18Z : ST 43.9°N 3.1°W 999 hPa 45 kts
16/09 00Z : ST 43.3°N 2.1°W 1005 hPa 40 kts
16/09 06Z : circulation dissipée, dernière position estimée vers 42.7°N et 1.6°W à 05 UTC

Enfin, on reparlera de GFS plus loin, mais on peut aussi présenter dès maintenant le diagramme de phase du cyclone Stéphanie dans l'initialisation à 0.25 degrés du modèle étatsunien. Nous avons suivi l'étude de R. Hart A cyclone phase space derived from thermal wind and thermal assymetry pour calculer les paramètres permettant de situer Stéphanie dans l'espace des cyclones. On notera cependant que suite à la petite taille de Stéphanie, les calculs ont été menées sur un rayon de 300 kilomètres, et non 500 kilomètres comme dans le papier original. Avec un rayon aussi grand, les calculs auraient pris en compte l'environnement barocline qui n'était plus du tout représentatif du cyclone en lui-même. Il montre la formation d'un cœur chaud dès le 14 Septembre à 12Z, ce qui peut sembler contredire quelque peu nos conclusions. Cependant, il convient de noter que dès le début le cyclone présente une organisation typique d'une séclusion chaude avec un front chaud qui prend l’ascendant. Cependant on considère que Stéphanie n'a dit au revoir au front que le 15 Septembre à 00Z :

Diagramme de phase du cyclone Stéphanie, initialisation GFS 0.25°

Diagramme de phase du cyclone Stéphanie, initialisation GFS 0.25°

De plus, il y a quelques difficultés sur le calcul du mouvement du cyclone. Stéphanie aura généralement plus erré -voire stagné- que circulé, ce qui a compliqué les calculs du paramètres de l’asymétrie. Pour certains points, le mouvement du cyclone a été artificiellement modifié pour être dans l'axe de l’asymétrie.

La table des valeurs pour le modèle GFS à 0.25° est la suivante :



Éléments de cyclogenèse

Malheureusement, Météo France entretient faussement l'illusion de la mise à disposition gratuite des données du modèle Arpège. Ce modèle est en effet maintenant accessible sur Internet, mais pour des fins d'archivages et de réanalyse il est toujours en pratique nécessaire de payer (même si en théorie ce n'est pas tout à fait impossible... Subtilité quand tu nous tiens). C'est très dommageable, car Arpège est le seul modèle à avoir bien flairé l'affaire. Il aurait sans doute été utile d'analyser en profondeur ce modèle, et en particulier la réponse du schéma de convection d'Arpège. Au vu des données disponibles, l'apparente capacité d'Arpège à établir une rétroaction entre le vent et l'instabilité, comme une réminiscence du mécanisme Wind Induced Surface Heat Exchange ( processus WISHE ), a sans doute été déterminante. Il faudra cependant se contenter des sorties de GFS qui ont été constamment à côté de la plaque, même lors des initialisations. Proverbe pour Météo France, tout ce qui brille n'est pas de l'or, mais pour que cela brille et en évaluer la qualité il faut au moins l'exposer à la lumière du jour. Ici, on se contentera donc de quelques considérations générales sur l'environnement synoptique à partir de l'analyse de GFS, sans rentrer dans le détail de la thermodynamique et de la convection ; vu que d'après GFS Stéphanie aurait du mourir quinze fois plutôt qu'une. Une étude, celle de Davis en 2010 : Simulations of Subtropical Cyclones in a Baroclinic Channel Model propose une méthodologie d'étude des cyclones subtropicaux basée sur le tourbillon potentiel. Cette méthode a été perfectionnée par A. Bentley en 2014. Cette méthode a quelques similitudes avec celle -plus simple à mettre en œuvre pour dire les choses- de Hart en 2003. Cependant, GFS ayant eu les pires difficultés du monde à initialiser le vortex, et à simuler correctement son déplacement (la méthode de Hart, 2003 a déjà dû être arrangée pour passer dans les données de GFS), employer une méthode plus complexe aurait été complétement irréaliste à notre sens. Cela aurait nécessité beaucoup de travail, sans doute pour rien. Si votre serviteur trouve le temps, nous pourrons tenter un jour de compléter cette analyse en simulant le cyclone Stéphanie avec un modèle WRF pour avoir des données plus cohérentes et plus en phase avec les observations.

Bref, trêve de bavardages. Début Septembre, le jet subtropical se trouve déporté à des latitudes excessivement Nord, et le jet polaire est fortement affaibli et oscille exagérément. C'est cette situation qui a permis à la France d'approcher à nouveau les alizées. Le 13 Septembre, le vent à 300 hPa (vers 9000 mètres) dans les alentours de l'Europe montre bien ce phénomène :

Vent total à 300 hPa, analyse de GFS du 13/09 à 06 UTC.
 
Sur les Amériques, le jet subtropical semble parfois atteindre le Canada, alors que le jet polaire semble être au Nunavut au moins... Sur l'Atlantique, les jets se confondent dans une boucle. Ce sera sur le flanc Est de cette onde que ce développera Stéphanie. En Méditerranée, le jet subtropical est très au Nord mais est au moins un peu plus à sa place (maximum d'intensité sur la Turquie et l'Iran) tandis que que plus au Nord, le jet polaire continue de jouer au grand huit. C'est dans ce contexte de circulation très atypique et de jets complétement instables que va se développer Stéphanie.

L'origine de cette perturbation des jets est multiple. Des explications sont ainsi à chercher dans les tropiques. Durant l'année 2016, les cellulles de Hadley ont été très larges de base. Au niveau régional, la mousson sahélienne est très forte et donne du poids au jet subtropical méditerranéen. Dans le même temps, le 08 Septembre, l'ouragan Newton se dissipe et vient exciter un train d'ondes à partir des Amériques. Dans le même temps, l'amplification arctique (hausse plus forte des températures dans le grand Nord) et la perte de la banquise (2016 enregistre la deuxième plus faible extension de la banquise) contribue aussi à déstabiliser le jet.

Habituellement, les cyclogenèses tropicales ou subtropicales sont favorisées dans le cas de déferlements anticycloniques. Ces déferlements permettent d'isoler un minimum d'altitude tout en rejetant vers le Nord le jet polaire, isolant ainsi la région de cyclogenèse d'une influence barocline excessive. On rappellera une étude de 2010 de Davis : Simulations of Subtropical Cyclones in a Baroclinic Channel Model qui montre la rétroaction entre déferlement anticyclonique des ondes de Rossby, et cyclogenèse subtropicale. Les déferlements forcent la cyclogénèse, mais dans le même temps la convection amplifie les déferlements. De même pour des études plus récentes tel que : Upper-Tropospheric Precursors to the Formation of Subtropical Cyclones that Undergo Tropical Transition in the North Atlantic Basin de Bentley en 2016. Dans ce cas, la cyclogenèse a eu lieu en présence d'un déferlement cyclonique et d'une évolution qui aurait pu être (qui a été ?) celle d'une séclusion chaude.

Le diagramme de Hovmöller (ja ja ja herr general) du vent méridional à 300 hPa et à 45°N met en évidence ces oscillations :

Il s'agit du vent zonal, de 180°W (le Pacifique central) à 180°E (toujours le Pacifique central) en passant par 0° (la Belgique en gros). La propagation d'une forte activité ondulatoire est nettement mise en évidence. Il y a un blocage persistant sur le Pacifique avec flux de Sud sur la côte Ouest des Amériques. On note aux alentours du 08 Septembre vers 110°W la reprise de l'ouragan Newton, qui réactive une onde pré-existante (les couleurs deviennent un peu plus rouge et l'onde se propage plus rapidement vers l'Ouest par après). Aux alentours du 05 et 06  Septembre, on note également la présence d'Hermine vers 70°W qui est partiellement en cause également dans la propagation du train d'onde vers l'ouest. Ce train d'ondes va s'amplifier à partir du 11 - 12 Septembre sur les Amériques et l'Atlantique, donnant au final l'espèce de manège grand huit sur l'Atlantique. Stéphanie se développera en fond de thalweg le 14 et 15 Septembre, là où le vent de Nord et de Sud se frotte l'un à l'autre.

On peut regarder plus en détail le déferlement de cette onde avec le tourbillon potentiel et l'altitude de la surface 320 Kelvins. On note bien la très forte oscillation du jet, avec deux déferlements qui interagissent l'un avec l'autre.

Il y a bien sûr l'enfoncement d'un thalweg qui vient s'isoler dans les environs du golfe de Gascogne, précurseur de Stéphanie. Le déferlement cyclonique est nettement visible, amenant un forçage puissant pour le golfe de Gascogne. Mais, dans le même temps, un déferlement cyclonique au large de Terre-Neuve force également l'ondulation du jet en aval et amplifie le déferlement cyclonique aval.

De plus c'est en cohérence avec la présence d'un régime de temps du type "Blocage Scandinave" qui aura été particulièrement persistant en Septembre et Octobre 2016. À ce sujet on peut se référer à l'étude The link between Rossby wave breakings and weather regimes transition de C. Michel et G. Rivière. Les cartes donc :


Vent et tourbillon potentiel à la surface 320K, le 13 Septembre 2016 à 00Z. Source : www.wetter3.de

Vent et tourbillon potentiel à la surface 320K, le 13 Septembre 2016 à 06Z. Source : www.wetter3.de

Vent et tourbillon potentiel à la surface 320K, le 13 Septembre 2016 à 12Z. Source : www.wetter3.de

Vent et tourbillon potentiel à la surface 320K, le 13 Septembre 2016 à 18Z. Source : www.wetter3.de

Vent et tourbillon potentiel à la surface 320K, le 14 Septembre 2016 à 00Z. Source : www.wetter3.de

Vent et tourbillon potentiel à la surface 320K, le 14 Septembre 2016 à 06Z. Source : www.wetter3.de

Vent et tourbillon potentiel à la surface 320K, le 14 Septembre 2016 à 12Z. Source : www.wetter3.de

Vent et tourbillon potentiel à la surface 320K, le 14 Septembre 2016 à 18Z. Source : www.wetter3.de

Vent et tourbillon potentiel à la surface 320K, le 15 Septembre 2016 à 00Z. Source : www.wetter3.de

Vent et tourbillon potentiel à la surface 320K, le 15 Septembre 2016 à 06Z. Source : www.wetter3.de

Vent et tourbillon potentiel à la surface 320K, le 15 Septembre 2016 à 12Z. Source : www.wetter3.de

Vent et tourbillon potentiel à la surface 320K, le 15 Septembre 2016 à 18Z. Source : www.wetter3.de

Vent et tourbillon potentiel à la surface 320K, le 16 Septembre 2016 à 00Z. Source : www.wetter3.de

Vent et tourbillon potentiel à la surface 320K, le 16 Septembre 2016 à 06Z. Source : www.wetter3.de

En surface, une onde barocline se dessine nettement en suivant la thêtaE 850 hPa. Dans le même temps, on note que les ascendances ne sont pas toujours très en phase avec l'onde barocline. Cela peut expliquer la relocalisation du centre de Stéphanie dans la journée du 14 Septembre. Cela tient cependant aussi probablement aux difficultés de GFS d'initialiser correctement le vortex.

Flux et thêtaE ( K ) à 850 hPa, vitesse verticale ( hPa / h ) à 500 hPa, 13 Septembre 2016 à 00Z, initialisation GFS 1°

Flux et thêtaE ( K ) à 850 hPa, vitesse verticale ( hPa / h ) à 500 hPa, 13 Septembre 2016 à 06Z, initialisation GFS 1°

Flux et thêtaE ( K ) à 850 hPa, vitesse verticale ( hPa / h ) à 500 hPa, 13 Septembre 2016 à 12Z, initialisation GFS 1°

Flux et thêtaE ( K ) à 850 hPa, vitesse verticale ( hPa / h ) à 500 hPa, 13 Septembre 2016 à 18Z, initialisation GFS 1°

Flux et thêtaE ( K ) à 850 hPa, vitesse verticale ( hPa / h ) à 500 hPa, 14 Septembre 2016 à 00Z, initialisation GFS 1°

Flux et thêtaE ( K ) à 850 hPa, vitesse verticale ( hPa / h ) à 500 hPa, 14 Septembre 2016 à 06Z, initialisation GFS 1°

Flux et thêtaE ( K ) à 850 hPa, vitesse verticale ( hPa / h ) à 500 hPa, 14 Septembre 2016 à 12Z, initialisation GFS 1°

Flux et thêtaE ( K ) à 850 hPa, vitesse verticale ( hPa / h ) à 500 hPa, 14 Septembre 2016 à 18Z, initialisation GFS 1°

Flux et thêtaE ( K ) à 850 hPa, vitesse verticale ( hPa / h ) à 500 hPa, 15 Septembre 2016 à 00Z, initialisation GFS 1°

Flux et thêtaE ( K ) à 850 hPa, vitesse verticale ( hPa / h ) à 500 hPa, 15 Septembre 2016 à 06Z, initialisation GFS 1°

Flux et thêtaE ( K ) à 850 hPa, vitesse verticale ( hPa / h ) à 500 hPa, 15 Septembre 2016 à 12Z, initialisation GFS 1°

Flux et thêtaE ( K ) à 850 hPa, vitesse verticale ( hPa / h ) à 500 hPa, 15 Septembre 2016 à 18Z, initialisation GFS 1°

Flux et thêtaE ( K ) à 850 hPa, vitesse verticale ( hPa / h ) à 500 hPa, 16 Septembre 2016 à 00Z, initialisation GFS 1°

Flux et thêtaE ( K ) à 850 hPa, vitesse verticale ( hPa / h ) à 500 hPa, 16 Septembre 2016 à 06Z, initialisation GFS 1°

L'isolement de ce minimum d'altitude génère des ascendances par forçage quasi-géostrophique. Il y a une bonne correspondance entre la convergence des vecteurs Q et les ascendances. L'advection différentielle de tourbillon sur l'altitude est une cause majeure de ces ascendances. Ainsi, Stéphanie se développe malgré tout dans un environnement fortement cisaillé. Les cartes suivantes présentent le cisaillement de vent sur la tranche 900 - 300 hPa, en mètres par seconde. Elles mettent en évidence la présence d'une forte circulation cyclonique d'altitude avec des valeurs de cisaillement souvent supérieur à 10 mètres par seconde. On note cependant qu'au centre de Stéphanie, une zone de plus faible cisaillement se dégage. Étant donné la taille limité du système, la présence d'un cyclone d'altitude actif a été certes déterminant pour forcer la convection, mais Stéphanie a malgré tout été possible de se "creuser un trou" et le 15 Septembre, le cœur du cyclone n'était pas soumis à un cisaillement de plus de 10 mètres par secondes. Ce seuil est généralement celui en dessous duquel une cyclogenèse tropicale devient possible.

Cisaillement de vent entre 900 hPa et 300 hPa ( m/s ), 13 Septembre 2016 à 00Z, initialisation GFS 1°

Cisaillement de vent entre 900 hPa et 300 hPa ( m/s ), 13 Septembre 2016 à 06Z, initialisation GFS 1°

Cisaillement de vent entre 900 hPa et 300 hPa ( m/s ), 13 Septembre 2016 à 12Z, initialisation GFS 1°

Cisaillement de vent entre 900 hPa et 300 hPa ( m/s ), 13 Septembre 2016 à 18Z, initialisation GFS 1°

Cisaillement de vent entre 900 hPa et 300 hPa ( m/s), 14 Septembre 2016 à 00Z, initialisation GFS 1°

Cisaillement de vent entre 900 hPa et 300 hPa ( m/s ), 14 Septembre 2016 à 06Z, initialisation GFS 1°

Cisaillement de vent entre 900 hPa et 300 hPa ( m/s ), 14 Septembre 2016 à 12Z, initialisation GFS 1°

Cisaillement de vent entre 900 hPa et 300 hPa ( m/s ), 14 Septembre 2016 à 18Z, initialisation GFS 1°

Cisaillement de vent entre 900 hPa et 300 hPa ( m/s ), 15 Septembre 2016 à 00Z, initialisation GFS 1°

Cisaillement de vent entre 900 hPa et 300 hPa ( m/s ), 15 Septembre 2016 à 06Z, initialisation GFS 1°

Cisaillement de vent entre 900 hPa et 300 hPa ( m/s ), 15 Septembre 2016 à 12Z, initialisation GFS 1°

Cisaillement de vent entre 900 hPa et 300 hPa ( m/s ), 15 Septembre 2016 à 18Z, initialisation GFS 1°

Cisaillement de vent entre 900 hPa et 300 hPa ( m/s ), 16 Septembre 2016 à 00Z, initialisation GFS 1°

Cisaillement de vent entre 900 hPa et 300 hPa ( m/s ), 16 Septembre 2016 à 06Z, initialisation GFS 1°

Comme dit, on aurait été tenté de mener des calculs plus poussés sur la thermodynamique du système, mais l'incapacité de GFS à initialiser correctement le vortex et sa tendance à courir pour rattraper le train ne nous a pas du tout inspiré confiance. On se contentera donc ici d'illustrer l'importance de la chaleur latente par le tourbillon potentiel à 850 hPa. La création de tourbillon potentiel est caractéristique de l'intervention de la chaleur latente.

Géopotentiel ( mgp ) et tourbillon potentiel ( PVU ) de la surface 850 hPa, 13 Septembre 2016 à 00Z, initialisation GFS 1°

Géopotentiel ( mgp ) et tourbillon potentiel ( PVU ) de la surface 850 hPa, 13 Septembre 2016 à 06Z, initialisation GFS 1°

Géopotentiel ( mgp ) et tourbillon potentiel ( PVU ) de la surface 850 hPa, 13 Septembre 2016 à 12Z, initialisation GFS 1°

Géopotentiel ( mgp ) et tourbillon potentiel ( PVU ) de la surface 850 hPa, 13 Septembre 2016 à18Z, initialisation GFS 1°

Géopotentiel ( mgp ) et tourbillon potentiel ( PVU ) de la surface 850 hPa, 14 Septembre 2016 à 00Z, initialisation GFS 1°

Géopotentiel ( mgp ) et tourbillon potentiel ( PVU ) de la surface 850 hPa, 14 Septembre 2016 à 06Z, initialisation GFS 1°

Géopotentiel ( mgp ) et tourbillon potentiel ( PVU ) de la surface 850 hPa, 14 Septembre 2016 à 12Z, initialisation GFS 1°

Géopotentiel ( mgp ) et tourbillon potentiel ( PVU ) de la surface 850 hPa, 14 Septembre 2016 à 18Z, initialisation GFS 1°

Géopotentiel ( mgp ) et tourbillon potentiel ( PVU ) de la surface 850 hPa, 15 Septembre 2016 à 00Z, initialisation GFS 1°

Géopotentiel ( mgp ) et tourbillon potentiel ( PVU ) de la surface 850 hPa, 15 Septembre 2016 à 06Z, initialisation GFS 1°

Géopotentiel ( mgp ) et tourbillon potentiel ( PVU ) de la surface 850 hPa, 15 Septembre 2016 à 12Z, initialisation GFS 1°

Géopotentiel ( mgp ) et tourbillon potentiel ( PVU ) de la surface 850 hPa, 15 Septembre 2016 à 18Z, initialisation GFS 1°

Géopotentiel ( mgp ) et tourbillon potentiel ( PVU ) de la surface 850 hPa, 16 Septembre 2016 à 00Z, initialisation GFS 1°

Géopotentiel ( mgp ) et tourbillon potentiel ( PVU ) de la surface 850 hPa, 16 Septembre 2016 à 06Z, initialisation GFS 1°

Et une coupe Nord-Sud dans le centre du cyclone (d'après la table des données GFS vu que ce sont des données modèles) montre la création d'une colonne de tourbillon potentiel mais montre aussi que GFS met la plupart du temps des subsidences dans le cœur du système...

Coupe Nord-Sud par 3.5°W, tourbillon potentiel ( PVU ), thêta ( K ) et vitesse verticale ( hPa / h ), 13 Septembre 2016 à 06Z, initialisation  GFS 0.25°

Coupe Nord-Sud par 3.25°W, tourbillon potentiel ( PVU ), thêta ( K ) et vitesse verticale ( hPa / h ), 13 Septembre 2016 à 12Z, initialisation  GFS 0.25°

Coupe Nord-Sud par 3.25°W, tourbillon potentiel ( PVU ), thêta ( K ) et vitesse verticale ( hPa / h ), 13 Septembre 2016 à 18Z, initialisation  GFS 0.25°

Coupe Nord-Sud par 4.5°W, tourbillon potentiel ( PVU ), thêta ( K ) et vitesse verticale ( hPa / h ), 14 Septembre 2016 à 00Z, initialisation  GFS 0.25°

Coupe Nord-Sud par 6.25°W, tourbillon potentiel ( PVU ), thêta ( K ) et vitesse verticale ( hPa / h ), 14 Septembre 2016 à 12Z, initialisation  GFS 0.25°

Coupe Nord-Sud par 6.25°W, tourbillon potentiel ( PVU ), thêta ( K ) et vitesse verticale ( hPa / h ), 14 Septembre 2016 à 18Z, initialisation  GFS 0.25°

Coupe Nord-Sud par 5.75°W, tourbillon potentiel ( PVU ), thêta ( K ) et vitesse verticale ( hPa / h ), 15 Septembre 2016 à 00Z, initialisation  GFS 0.25°

Coupe Nord-Sud à 5.25°W, tourbillon potentiel ( PVU ), thêta ( K ) et vitesse verticale ( hPa / h ), 15 Septembre 2016 à 06Z, initialisation  GFS 0.25°

Coupe Nord-Sud par 4.0°W, tourbillon potentiel ( PVU ), thêta ( K ) et vitesse verticale ( hPa / h ), 15 Septembre 2016 à 12Z, initialisation  GFS 0.25°

Coupe Nord-Sud par 2.75°W, tourbillon potentiel ( PVU ), thêta ( K ) et vitesse verticale ( hPa / h ), 15 Septembre 2016 à 18Z, initialisation  GFS 0.25°

Le modèle GFS semble perpétuellement déphasé et il est difficile de conclure. Le 14 Septembre, on note que ce décalage correspond au déplacement du centre de surface vers le Sud. Cependant, si GFS montre une colonne alignée sur la verticale de tourbillon potentiel et avec un maximum de surface (caractéristique des cyclones tropicaux et subtropicaux), il ne montre pas un phasage très convaincant avec les ascendances ou les anomalies de tropopause. Il est difficile de savoir pour quelle part cela est du au modèle en lui-même, et pour quelle part c'est représentatif de la cyclogenèse de Stéphanie.

Autres facteurs et influence du réchauffement climatique

Les Cantabriques ont également pu contribuer à la cyclogenèse. Habituellement, la convection dans un cyclone subtropical est assez éloignée du centre et est orientée vers le pôle (vers le Nord dans l'Hémisphère Nord, le Sud dans l'Hémisphère Sud), marquant une différence nette avec les systèmes tropicaux (voir par exemple http://docs.lib.noaa.gov/noaa_documents/NWS/NWS_SR/TM_NWS_SR_83.pdf ). Cependant, dans ce cas, la convection aura été particulièrement forte au Sud du système et aura été concentré près du centre de surface. L'explication est probablement liée à deux facteurs. Le premier est que le vent a été canalisée le long des Cantabriques, forçant la convergence et donc la convection au Sud du système. Cette canalisation du vent était particulièrement net dans le modèle Arpège.

La deuxième explication est possiblement que le Golfe de Gascogne était nettement plus chaud dans sa partie Sud que Nord (différence assez fortes avec environ 21°C le long des côtes espagnoles mais seulement 17°C environ vers la Bretagne).

La question du réchauffement climatique, de par son caractère ultra sensible, provoque souvent des réactions exagérés. Il y a toujours la nécessité de préciser que le réchauffement climatique n'est nullement une cause directe des phénomènes extrêmes, mais souvent y contribue fortement. Pour Stéphanie, un événement ponctuel et de petite échelle, il peut sembler a priori difficile de faire le lien avec le réchauffement climatique. Il ne faut cependant pas oublier que les cyclones subtropicaux ont besoin d'un Océan particulièrement chaud, comme expliqué précédemment. Quand nous prenons la température de surface du golfe de Gascogne en Septembre, nous voyons de suite que la tendance est à la hausse et que 2016 est dans les plus hautes valeurs :

Température de surface dans le Golfe de Gascogne en Septembre 2016 (de 8°W à 2°W et de 44°N à 52°N) d'après l'Extended Reconstructed Sea Surface Temperature version 4 ou ERSST v4 pour faire court : https://www.ncdc.noaa.gov/data-access/marineocean-data/extended-reconstructed-sea-surface-temperature-ersst-v4


L'année 2016 est en quatrième position, derrière l'année 2003 et sa canicule, et derrière 2014 et 1949. De plus, sans contester la valeur record de 1949, plusieurs points sont à considérer. 

Durant tout le 20ème siècle, la température du golfe de Gascogne a dépassé les 18.5°C une seule fois et une cyclogenèse subtropicale était donc hautement improbable dans ces conditions. Or une cyclogenèse subtropicale au dessus d'un Océan en dessous de 18°C - 19°C est difficilement concevable en saison chaude. Il y a quelques rares cas de cyclogenèse subtropicale en saison froide avec un Océan un peu plus frais, vers 17°C à 19°C, alors que la tropopause est plus basse, comme par exemple le cyclone Ana en Avril 2003 (et avec quelques cas extrêmes comme l'ouragan Epsilon en Décembre 2005 ou l'ouragan Alex en Janvier 2016 qui sont devenus des cyclones tropicaux avec un Océan à 24°C - 25°C seulement). Cependant, en saison chaude, cela devient difficile à concevoir physiquement. Ainsi, ce très gros effet de seuil n'est pas à négliger. Durant le 19è et le 20è siècle, une seule occasion s'est présentée. Une seule occasion en 150 ans, cela fait peu. Alors que le très important réchauffement des dernières décennies a ainsi permis au golfe de Gascogne de multiplier les occasions et de franchir à répétition le seuil au delà duquel une cyclogenèse subtropicale devient possible. Il y a ainsi cinq valeurs très élevées en vingt ans (1999, 2003, 2006, 2014, 2016). Cela augmente d'autant les probabilités.

D'autre part, sans avoir cherché à approfondir le sujet, on note que la circulation atmosphérique tropicale s'élargit ces dernières années comme le prouve le radiosondage tropical de Bordeaux du 30 Août. Dans les années passées il semble exclu que des telles valeurs de températures aient pu rencontrer un environnement au minimum subtropical. La hausse des températures du Golfe de Gascogne et l'intrusion répétée de la ceinture subtropicale en France ces dernières années a fini par se combiner pour donner naissance à un cyclone possiblement de nature subtropicale.

Anomalie de la température de la surface de la mer (SST pour Sea Surface Temperature) le 09 Septembre 2016

Une autre influence est la perturbation plus grande des jets ces dernières. Cela a permis que de l'énergie barocline croise de l'énergie barotrope.

L'influence du réchauffement est ainsi probablement directement mise en cause.

Et par après ? La question des climats égaux

La remontée de la convection tropicale ouvre également sur la question des climats constants. Les modèles climatiques utilisés actuellement ont les pires difficultés à simuler un climat plus chaud. Ils montrent avec unanimité une "méditérrannéisation" de l'Europe de l'Ouest, avec des Hivers doux, humides et zonaux et des Étés chauds, secs et tout aussi zonaux. Or, malgré l'activité frénétique du GIEC pour nous faire croire ces salades, les études paléoclimatologiques montrent quelque chose de très différent. Il y a 15 millions d'années, au beau milieu du Miocène, la Terre avait déjà un peu près la tronche qu'elle a maintenant et il faisait environ 4°C plus chaud au global qu'aujourd'hui. L'Europe baignait alors dans un climat subtropical uniformément chaud, humide, avec très peu de gradient Nord-Sud de température et un cycle saisonnier fortement écrasé. Il n'y a aucun indice d'une profonde sécheresse de la saison chaude. En réalité, les modèles sont incapables de simuler les climats comme ceux du Miocène, dit climats égaux car avec peu de gradients, et un cycle saisonnier affaibli.

Dans ce contexte, le débarquement des alizées à Bordeaux, et le débarquement d'un cyclone subtropical au pays basque, pourrait mettre encore un peu plus à mal la théorie des modèles. Cela correspondrait mieux aux données paléoclimatiques ; même si l'image qui émerge de l'étude des anciennes périodes de réchauffement reste peu claire. Certaines études approchent même une certaine forme de surréalisme météo avec l'hypothèse que l'Europe aurait pu se retrouver de manière permanente dans le flux des alizées : Miocene shift of European atmospheric circulation from trade wind to westerlies. Expliquer comment la circulation atmosphérique a pu se maintenir dans ces conditions nous échappe totalement. Toujours est-il que la dernière fois que la Terre s'est réchauffée, les palmiers, les caméléons, les alligators, les poissons à tête de serpent, et autres faune et flore (sub)tropicales avaient colonisé l'Europe.

Dans ce contexte, l'apparition de phénomène météo inédit en Europe de l'Ouest pourrait apporter des indications sur l'évolution à attendre du climat.

Conclusion 

Il est difficile de trancher sur la nature de Stéphanie. Le cyclone aura évolué à partir d'un cyclone classique des latitudes moyennes dans la journée du 13 Septembre. Malgré la formation d'un cœur chaud dans la journée du 14 et 15 Septembre, l'organisation et la persistance de la convection ne sont pas suffisamment claires pour délimiter sans ambiguïté un cyclone subtropical. On ne s'aventura donc pas à ranger Stéphanie aux côtés des cyclones subtropicaux officiellement reconnus de l'Atlantique. Malgré tout, une étude plus approfondie du système pourrait permettre une conclusion plus claire.

On peut regretter qu'un tel événement ait suscité aussi peu d'intérêt. On espère surtout que cette modeste chronique pourra aider à relancer l'intérêt pour un phénomène inédit dans le Golfe du Gascogne. La remontée vers le Nord de la météo tropicale est interpellante et il serait intéressant d'étudier ces deux mois très particulier que furent Août et Septembre 2016 en Europe. Peut-être qu'il y a là quelques lumières pour éclairer le sujet du réchauffement climatique, loin de la rhétorique abstraite et fausse des modèles promettant des Étés 2003 à répétition. Il est quand même révélateur que ce soit une page de météo belge qui soit seule à s'emparer du sujet...

Dans le même temps, le cyclone n'aura eu que peu de conséquences concrètes, si ce n'est une côte basque un peu chahutée. Cela explique aussi le désintérêt total pour ce cyclone.

On espère en tout cas que ce petit retour sur le cyclone Stéphanie a apporté aux lecteurs quelques lumières sur le phénomène et leur en a plus appris sur les cyclones subtropicaux.

Enfin, l'auteur tient à remercier les développeurs du logiciel Panoply et du logiciel GRASDS, et tout ceux qui facilitent l'utilisation de GRADS, en particulier http://gradsaddict.blogspot.fr/


Annexes

Annexe I

Données d'observations :

Bouée 62001 Gascogne
Date (2016) Heure UTC Lat. Lon. Dt° vent ° V. vent
kt (raf)
Pression hPa T air °C Hu  °C T mer °C
16/09 06 UTC 45.2°N 5.0°W 330 21 1019.3 18.9 14.1 20.0
16/09 05 UTC 45.2°N 5.0°W 330 20 1018.3 18.0 15.0 20.1
16/09 04 UTC 45.2°N 5.0°W 320 15 1017.9 18.9 15.0 20.1
16/09 03 UTC 45.2°N 5.0°W 350 15 1017.5 18.1 14.9 20.1
16/09 02 UTC 45.2°N 5.0°W 330 15 1017.1 18.6 15.1 20.1
16/09 01 UTC 45.2°N 5.0°W 330 08 1017.1 18.2 14.7 20.2
16/09 00 UTC 45.2°N 5.0°W 310 11 1016.9 18.6 14.5 20.2
15/09 23 UTC 45.2°N 5.0°W 320 12 1016.7 18.9 14.9 20.2
15/09 22 UTC 45.2°N 5.0°W 330 12 1016.1 19.4 15.0 20.2
15/09 21 UTC 45.2°N 5.0°W 350 12 1015.7 19.6 14.9 20.2
15/09 20 UTC 45.2°N 5.0°W 350 14 1015.1 19.6 14.6 20.2
15/09 19 UTC 45.2°N 5.0°W 360 14 1014.1 19.6 14.6 20.2
15/09 18 UTC 45.2°N 5.0°W 360 16 1013.1 19.5 14.4 20.2
15/09 17 UTC 45.2°N 5.0°W 010 16 1011.9 19.4 13.9 20.2
15/09 16 UTC 45.2°N 5.0°W 020 15 1011.3 18.8 13.9 20.1
15/09 15 UTC 45.2°N 5.0°W 020 17 1010.3 19.0 13.7 20.1
15/09 14 UTC 45.2°N 5.0°W 030 18 1009.7 18.8 13.3 20.0
15/09 13 UTC 45.2°N 5.0°W 040 19 1008.9 18.6 13.6 20.0
15/09 12 UTC 45.2°N 5.0°W 050 22 (27) 1007.7 18.3 13.6 20.0
15/09 11 UTC 45.2°N 5.0°W 060 25 (31) 1006.7 18.2 14.0 20.0
15/09 10 UTC 45.2°N 5.0°W 070 29 (35) 1004.9 17.9 14.1 20.0
15/09 09 UTC 45.2°N 5.0°W 080 37 (49) 1002.3 17.3 13.9 20.1
15/09 08 UTC 45.2°N 5.0°W 080 34 (48) 999.9 17.8 15.0 20.1
15/09 07 UTC 45.2°N 5.0°W 080 17 (30) 999.7 18.2 15.3 20.1
15/09 06 UTC 45.2°N 5.0°W 014 04 998.5 18.7 15.7 20.1
15/09 05 UTC 45.2°N 5.0°W 021 04 997.9 18.2 15.5 20.0
15/09 04 UTC 45.2°N 5.0°W 012 07 998.1 18.4 15.9 20.0
15/09 03 UTC 45.2°N 5.0°W 019 16 998.5 17.8 15.7 20.0
15/09 02 UTC 45.2°N 5.0°W 017 20 (29) 999.1 18.1 15.8 20.0
15/09 01 UTC 45.2°N 5.0°W 018 27 (45) 998.5 17.4 15.3 20.0
15/09 00 UTC 45.2°N 5.0°W 190 32 (41) 1000.9 17.9 15.8 20.0
14/09 23 UTC 45.2°N 5.0°W 210 31 (40) 1002.3 18.0 15.7 20.0
14/09 22 UTC 45.2°N 5.0°W 210 32 (38) 1003.1 17.4 15.7 20.0
14/09 21 UTC 45.2°N 5.0°W 220 31 (38) 1003.5 17.8 15.6 20.0
14/09 20 UTC 45.2°N 5.0°W 240 26 (33) 1003.3 18.3 16.0 20.0
14/09 19 UTC 45.2°N 5.0°W 230 28 (35) 1003.1 18.1 16.1 20.0
14/09 18 UTC 45.2°N 5.0°W 250 21 (28) 1003.1 18.4 16.0 20.1
14/09 17 UTC 45.2°N 5.0°W 190 33 (44) 1002.7 17.2 14.8 20.1
14/09 16 UTC 45.2°N 5.0°W 210 38 (47) 1003.1 17.1 13.9 20.1
14/09 15 UTC 45.2°N 5.0°W 220 35 (42) 1004.9 16.7 13.6 20.1
14/09 14 UTC 45.2°N 5.0°W 220 32 (43) 1005.3 16.9 12.7 20.2
14/09 13 UTC 45.2°N 5.0°W 220 35 (43) 1006.1 16.1 12.5 20.3
14/09 12 UTC 45.2°N 5.0°W 230 35 (42) 1006.7 16.7 12.4 20.3
14/09 11 UTC 45.2°N 5.0°W 240 33 (39) 1007.1 16.7 12.1 20.3
14/09 10 UTC 45.2°N 5.0°W 240 32 (38) 1007.5 16.8 11.9 20.4
14/09 09 UTC 45.2°N 5.0°W 250 30 (45) 1007.7 16.7 12.1 20.5
14/09 08 UTC 45.2°N 5.0°W 250 32 (38) 1007.5 16.5 12.4 20.5
14/09 07 UTC 45.2°N 5.0°W 250 29 (36) 1007.3 16.5 12.6 20.6
14/09 06 UTC 45.2°N 5.0°W 260 29 (36) 1007.3 16.7 12.9 20.6
14/09 05 UTC 45.2°N 5.0°W 270 29 (35) 1007.1 16.8 13.2 20.6
14/09 04 UTC 45.2°N 5.0°W 270 26 (31) 1007.1 16.9 13.1 20.7
14/09 03 UTC 45.2°N 5.0°W 280 26 (37) 1007.1 16.7 13.0 20.7
14/09 02 UTC 45.2°N 5.0°W 280 26 (34) 1007.5 17.3 13.3 20.8
14/09 01 UTC 45.2°N 5.0°W 290 25 (33) 1008.1 16.4 13.0 20.8
14/09 00 UTC 45.2°N 5.0°W 310 25 (33) 1008.1 17.9 13.7 20.9
13/09 23 UTC 45.2°N 5.0°W 300 24 (30) 1008.5 18.2 13.0 20.9
13/09 22 UTC 45.2°N 5.0°W 310 27 (33) 1008.5 18.2 13.0 20.9
13/09 21 UTC 45.2°N 5.0°W 300 33 (40) 1008.3 17.9 13.1 20.9
13/09 20 UTC 45.2°N 5.0°W 300 26 (36) 1008.3 17.6 13.8 21.0
13/09 19 UTC 45.2°N 5.0°W 300 31 (39 1007.9 16.0 14.0 21.0
13/09 18 UTC 45.2°N 5.0°W 280 26 (33) 1007.3 17.9 14.7 21.0
13/09 17 UTC 45.2°N 5.0°W 300 15 1007.6 17.6 15.2 21.0
13/09 16 UTC 45.2°N 5.0°W 280 14 1007.7 18.6 14.9 21.1
13/09 15 UTC 45.2°N 5.0°W 300 16 1006.9 18.5 15.2 21.0
13/09 14 UTC 45.2°N 5.0°W 290 12 1007.9 18.6 15.9 21.1
13/09 13 UTC 45.2°N 5.0°W 310 17 1006.7 18.8 16.3 21.1
13/09 12 UTC 45.2°N 5.0°W 300 11 1006.5 19.0 16.3 21.1



Bouée 62163 Bretagne
Date (2016) Heure UTC Lat. Lon. Dt° vent ° V. vent kt (raf) Pression hPa T air °C Hu  °C T mer °C
15/09 12 UTC 47.3°N 8.24°W 340 13 1013.9 17.3 15.6 17.5
15/09 11 UTC 47.3°N 8.24°W 350 12 1013.9 17.4 15.8 17.5
15/09 10 UTC 47.3°N 8.24°W 350 13 1013.5 17.5 16.0 17.5
15/09 09 UTC 47.3°N 8.24°W 010 13 1012.9 17.4 15.8 17.5
15/09 08 UTC 47.3°N 8.24°W 350 14 1012.1 17.2 15.8 17.5
15/09 07 UTC 47.3°N 8.24°W 360 12 1011.5 17.3 15.7 17.5
15/09 06 UTC 47.3°N 8.24°W 360 13 1011.1 17.3 15.5 17.5
15/09 05 UTC 47.3°N 8.24°W 020 12 1010.7 17.4 15.3 17.5
15/09 04 UTC 47.3°N 8.24°W 020 12 1010.3 17.4 15.4 17.5
15/09 03 UTC 47.3°N 8.24°W 020 13 1009.9 17.4 15.3 17.5
15/09 02 UTC 47.3°N 8.24°W 020 13 1009.9 17.4 15.2 17.5
15/09 01 UTC 47.3°N 8.24°W 020 12 1010.1 17.5 15.2 17.5
15/09 00 UTC 47.3°N 8.24°W 020 12 1010.3 17.6 15.3 17.5
14/09 23 UTC 47.3°N 8.24°W 010 12 1009.9 17.7 15.3 17.5
14/09 22 UTC 47.3°N 8.24°W 010 12 1009.9 17.7 15.3 17.5
14/09 21 UTC 47.3°N 8.24°W 030 12 1009.3 17.6 15.7 17.5
14/09 20 UTC 47.3°N 8.24°W 030 14 1008.5 17.7 16.5 17.5
14/09 19 UTC 47.3°N 8.24°W 360 18 1007.5 17.5 16.9 17.5
14/09 18 UTC 47.3°N 8.24°W 360 19 1006.7 17.4 16.9 17.5
14/09 17 UTC 47.3°N 8.24°W 350 22 (27) 1006.1 17.1 16.7 17.5
14/09 16 UTC 47.3°N 8.24°W 010 22 (38) 1006.1 16.9 16.5 17.5
14/09 15 UTC 47.3°N 8.24°W 340 29 (35) 1005.9 16.0 15.5 17.5
14/09 14 UTC 47.3°N 8.24°W 340 28 (35) 1006.1 15.9 15.3 17.5
14/09 13 UTC 47.3°N 8.24°W 340 27 (44) 1006.5 15.8 15.2 17.5
14/09 12 UTC 47.3°N 8.24°W 340 29 (38) 1006.5 15.5 15.0 17.5
14/09 11 UTC 47.3°N 8.24°W 340 29 (38) 1007.3 15.4 14.9 17.5
14/09 10 UTC 47.3°N 8.24°W 340 29 (39) 1006.9 15.5 15.1 17.6
14/09 09 UTC 47.3°N 8.24°W 350 31 (38) 1006.7 15.4 14.9 17.6
14/09 08 UTC 47.3°N 8.24°W 340 32 (41) 1006.5 15.2 14.6 17.6
14/09 07 UTC 47.3°N 8.24°W 340 31 (42) 1006.3 15.3 14.6 17.7
14/09 06 UTC 47.3°N 8.24°W 330 30 (39) 1006.9 15.2 14.1 17.7
14/09 05 UTC 47.3°N 8.24°W 330 28 (36) 1007.9 14.8 13.2 17.7
14/09 04 UTC 47.3°N 8.24°W 330 28 (36) 1008.5 15.4 13.5 17.7
14/09 03 UTC 47.3°N 8.24°W 330 27 (34) 1009.9 15.1 12.6 17.7
14/09 02 UTC 47.3°N 8.24°W 340 27 (34) 1010.7 15.2 12.7 17.8
14/09 01 UTC 47.3°N 8.24°W 330 27 (41) 1011.1 16.6 12.9 17.8
14/09 00 UTC 47.3°N 8.24°W 340 25 (31) 1011.9 16.4 12.3 17.9
13/09 23 UTC 47.3°N 8.24°W 330 24 (32) 1012.5 16.5 12.0 17.9
13/09 22 UTC 47.3°N 8.24°W 340 25 (33) 1012.7 16.3 12.0 17.9
13/09 21 UTC 47.3°N 8.24°W 340 24 (33) 1012.9 15.8 12.2 17.9
13/09 20 UTC 47.3°N 8.24°W 340 21 (26) 1012.7 15.7 12.5 17.9
13/09 19 UTC 47.3°N 8.24°W 010 22 (33) 1012.7 15.6 12.2 18.0
13/09 18 UTC 47.3°N 8.24°W 010 20 (27) 1012.5 15.6 12.1 18.0
13/09 17 UTC 47.3°N 8.24°W 010 18 1011.7 15.8 12.6 18.0
13/09 16 UTC 47.3°N 8.24°W 350 18 1011.9 16.3 12.0 18.0
13/09 15 UTC 47.3°N 8.24°W 360 20 (25) 1011.7 15.9 11.6 18.0
13/09 14 UTC 47.3°N 8.24°W 010 21 (26) 1011.3 15.9 11.3 18.0
13/09 13 UTC 47.3°N 8.24°W 360 22 (29) 1010.7 16.4 11.9 18.0
13/09 12 UTC 47.3°N 8.24°W 360 21 (27) 1010.7 16.5 11.8 17.9



Annexe II

Répertoire des données :

http://www.climatvisu.fr/Info_Meteo/Images_cartes/Stephanie/