jeudi 11 juillet 2024

Chroniques météo 2024

Cette page reprend les grands événements météorologiques de 2024.

Début janvier est très agité. Des inondations se produisent ça et là, et sont parfois importantes, comme dans la vallée de la Semois. Le 3 dans l'après-midi, une tornade F2 frappe Putte près de Malines.

Les 17 et 18 janvier, un épisode neigeux important concerne le centre et l'est de la Belgique. A la fin de l'épisode le matin du 18, on relève 10 cm de neige à Gosselies, 11 cm à Uccle et à Zaventem, 12 cm à Florennes et à Beauvechain, 14 cm à Bierset et jusqu'à 18 cm au Mont Rigi. Pour la Hesbaye, il s'agit de l'épisode neigeux le plus abondant depuis celui du 15 janvier 2016. Au petit matin, la température plonge parfois sous les -10°C en Hainaut et en Hesbaye.

Le Sart Tilman (Liège) sous une quinzaine de centimètres de neige sur le temps de midi du 18 janvier 2024 (Auteur: Le Chroniqueur météo).

Le mois de février est le plus doux de tous les deuxièmes mois de l'année (précédent record: février 1990). L'excédent atteint +4,1°C par rapport à la normale 1991-2020. Il est aussi très pluvieux avec 127 mm de pluie à Uccle.
 
Le 22 février, le front froid de la tempête Louis donne des pointes à 108 km/h à Florennes et 105 km/h à Humain.

Le 8 avril en soirée, dans le cadre d'une dégradation orageuse précoce pour la saison, un orage supercellulaire donne une tornade près de Béthune, dans le nord de la France. Cet orage fusionne ensuite avec un autre système pour concerner l'ouest du Hainaut puis la Flandre.

Le 15 avril, un front froid orageux balaie le pays en y provoquant parfois des dégâts, notamment au nord de Charleroi. On relève 97 km/h à Humain (Marche-en-Famenne) et 103 km/h à Lille-Lesquin.

La fin avril est froide. Il neige en Haute Belgique le 21, tandis que le gel cause des dégâts aux cultures les nuits suivantes.

Le mois de mai est très pluvieux; il tombe 125 mm de pluie cumulée à Uccle. Des orages diluviens frappent la région de Walhain en fin de journée du 12, en y générant des inondations. D'autres inondations d'ampleur consécutives à des averses répétées frappent le Pays de Herve en soirée du 17 où il tombe parfois jusqu'à 100 mm de pluie. Ces épisodes et ce mois pluvieux s'inscrivent dans une récurrence de régulières et abondantes précipitations depuis la mi-octobre 2023. Le 11 mai toutefois, quelques jours de temps quasi estival permettent l'observation inhabituelle d'aurores boréales dans le ciel nocturne dégagé, à la faveur d'un puissant orage magnétique.
 
Un soir à la météo mitigée et fraîche, l'un des nombreux de ce mois de mai. Les environs de Gelbressée (Namur) au crépuscule du 19 mai (Auteur: Le Chroniqueur météo).
 
En fin d'après-midi du 18 juin, un orage supercellulaire traverse la province de Luxembourg, donnant des grêlons de plusieurs centimètres de diamètre près de Libramont.

En début de soirée du 29 juin, c'est la région d'Athus qui subit à son tour des inondations à la suite d'orages diluviens remontant de France. Cette offensive clôt une période de temps estival où les maximales auront approché les 30°C pendant quelques jours, après deux premières décades fort fraîches (on peut même parler de froid autour du 10-11 juin où les températures ne dépassent pas les 15°C en bon nombre de régions).
 
Une météo enfin estivale le 23 juin. Les environs de Mettet sous un ciel peu nuageux (Auteur: Le Chroniqueur météo).
 
Le 9 juillet, alors que l'été a commencé sur un mode de temps variable, une brève incursion chaude fait grimper le thermomètre jusqu'à 30-32°C. De violents orages frappent une bande allant du Hainaut à l'ouest de la Campine en passant par la région bruxelloise où le premier orage, supercellulaire, provoque des dégâts dus au vent. L'anémomètre du site de l'IRM à Uccle enregistre une rafale de 102 km/h.

La nuit du 31 juillet au 1er août, après un nouveau coup de chaleur lourde, de violents orages éclatent sur le Hainaut, provoquant de multiples inondations. Une deuxième salve concerne les mêmes régions en fin de nuit, ainsi que Bruxelles et la Hesbaye à l'aube.
 
Le 12 août, un nouveau brutal coup de chaleur humide fait monter le mercure jusqu'à 34,3°C à Gosselies et Beauvechain, 34,0°C à Uccle, 33,9°C à Bierset, 33,7°C à Ernage... C'est le maximum thermique de cet été. Les points de rosée sont particulièrement élevés, atteignant des fourchettes de 22-24°C en début de soirée et faisant office de mesures d'une très grande lourdeur de l'air. Le ressenti moite est en effet franchement désagréable, d'autant plus qu'il ne s'atténue qu'assez peu la nuit suivante

Le mois d'août qui se termine est paradoxal à plus d'un titre. Il aura été sans conteste le plus estival des trois mois de l'été climatologique, avec un temps régulièrement ensoleillé. Par contre, quelques épisodes orageux et pluvieux auront suffi à donner un cumul conséquent de 153 mm de précipitations à Uccle. Les excédents ne concernent cependant que quelques régions. Une bonne partie du pays connaît en effet un déficit pluviométrique. Ainsi, c'est par endroits une certaine sécheresse des sols superficiels qui commence à se dessiner en deuxième quinzaine... 

La Haute Sambre non loin de l'Abbaye d'Aulne le 15 août. Une image qui résume bien la météo générale de ce mois: calme, beau et pas trop chaud (à quelques journées près) (Auteur: Le Chroniqueur météo).

Malgré les quelques coups de chaud, l'été climatologique se termine sans vague de chaleur officielle, comme en 2021 ou plus loin en 2014.

Comme en 2022, le début de l'automne climatologique est marqué par des orages localement forts. Le 5 septembre en fin de journée, un orage multicellulaire intense se déplace à travers une grande partie du pays du sud-est au nord-ouest. Dans le nord de la province de Luxembourg et l'ouest de la province de Liège, il génère de multiples coupées de boue et inondations. D'autres orages fort pluvieux concernent la moitié sud de la Wallonie la nuit suivante. Le 7 septembre en soirée, des orages se font à nouveau remarquer en province de Namur, dans le Hainaut et le Brabant wallon.

Eloignement de l'orage multicellulaire de la fin de journée, vu depuis Bonsin (Somme-Leuze) (Auteur: Le Chroniqueur météo).


vendredi 21 juin 2024

Et pourtant, elle se réchauffe !



Ces derniers mois, et plus particulièrement durant ces mois d'avril, de mai , et de juin, une vague de mécontentement mêlant incompréhension face aux événements météorologiques et climato-scepticisme secoue les réseaux sociaux et d'une manière générale la société toute entière. En effet, il pleut ... et beaucoup à certains endroits. Et selon certains, « sans arrêt depuis octobre ». Tant que nous étions en hiver, la pilule pouvait passer. Mais le mois d'avril fut caractérisé par deux périodes très distinctes : l'une au-dessus des normales thermiques et l'autre en-dessous. Et cet en-dessous fit jaillir un torrent de frustration face à un temps « non-printanier » et un déluge de scepticisme face aux discours des climatologues sur le réchauffement climatique. Le mois de mai très humide avec au final un printemps encore plus humide rajoute une couche à ce mécontentement.

Météo Pédagogie n'a habituellement pas pour vocation de s'engager à découvert sur le thème du réchauffement climatique et de « prendre parti » dans des polémiques autour de ce sujet ou d'autres plus ou moins liées. Toutefois, pour une fois, nous jugeons bon de le faire pour mettre les points sur le « i » et de critiquer, voire dénoncer certaines réflexions et positions, aussi bien dans le clan « climato-sceptique » que « réchauffiste ». Nous allons aussi tenter dans un premier temps de donner des explications et notre position sur le « temps pourri », expression tellement ressassée dès que la météo ne correspond pas à nos désirs.

jeudi 18 janvier 2024

17-18 janvier 2024: Faits et méfaits d'un épisode hivernal remarquable

C'est donc en janvier 2024 que le centre de la Belgique aura renoué avec la neige en quantités significatives. A la fin de l'épisode, les hauteurs relevées à 7h00 le 18 sur le réseau officiel en attestent:

  • Bierset (Liège): 14 cm
  • Beauvechain (Brabant wallon) et Florennes (Namur): 12 cm
  • Uccle (Bruxelles) et Zaventem (Brabant flamand): 11 cm
  • Gosselies (Hainaut): 10 cm 

 

La campagne de Fernelmont (province de Namur) à l'heure bleue le matin du 18 janvier (auteur: Le Chroniqueur météo).
 
Une large partie du nord de la Wallonie a ainsi reçu davantage de neige que le sud, alors que ce dernier est plus haut en altitude, inversant dès lors la "logique" hivernale qui veut qu'il neige davantage plus on monte. A l'inverse, le sud de la Belgique a connu des pluies verglaçantes parfois de longue durée. En Lorraine belge par exemple, au matin du 17 janvier, il pleuvait par -5°C. Cela n'aura d'ailleurs pas été la seule inversion météorologique, ces faits devant leur existence à une situation atmosphérique bien particulière.

La Belgique et le nord de la France se sont retrouvés sous un conflit de masses d'air, entre de l'air d'origine polaire au nord, et de l'air d'origine maritime subtropicale au sud. Ce conflit est matérialisé par un front, ou plutôt une série de fronts, comme le montre l'analyse de surface du Met Office anglais le 17 janvier à 13h00. Ils sont rattachés à une dépression nommée Irène arrivant de l'Atlantique.

Source: Met Office via Wetter3

A cette heure, l'air doux remontait toujours sur la France en direction du nord, et le front, qui fait la limite de cette masse, est donc dessiné comme un (double) front chaud. Or, dans ces fronts, l'air froid tend bien souvent à faire de la résistance dans les basses couches, notamment lorsque le flux est relativement faible (ce qui fut le cas ici), et finit par se faire surplomber par l'air plus doux. Se forme alors une inversion de températures. Il s'agit d'un phénomène habituel des fronts chauds. Le schéma ci-dessous résume bien cela.

Source: 
https://pba.asso.fr/old/index.php?option=com_content&view=article&id=6&Itemid=12

Le tout est de savoir à quelle température va se retrouver ce "nez chaud" qui surplombe l'air froid dans les basses couches, à température négative dans ce cas-ci. En effet, en matinée du 17 janvier, il gelait en de nombreux points du nord de la France et de la Belgique. La structuration thermique de l'atmosphère entre le sol et 2-3 km d'altitude devient alors d'une importance capitale pour prévoir le type de précipitations hivernales qui va tomber... Et les conséquences parfois franchement néfastes sur le réseau routier.

Si le "nez chaud", qui se promène souvent entre quelques centaines et 2000 mètres d'altitude, est à température négative, la neige qui tombe depuis l'altitude le traverse sans problème, retombe ensuite dans l'air encore un peu plus froid, et finit par former une belle couche de neige au sol. Si par contre, ce nez est à température positive, les flocons y fondent, forment de la pluie, qui retombe ensuite dans la pellicule où l'air gèle... Apparaît alors le redoutable verglas. Le schéma adapté ci-dessous montre, en très résumé, la situation atmosphérique entre le centre de la Belgique et le nord-est de la France en début de journée du 17.


Au fur et à mesure de la journée, ce nez chaud a pris de l'ampleur, s'abaissant au sol et y provoquant le dégel... Mais pas partout! Nous en parlions ainsi sur X en fin de matinée:


Aidé par le radoucissement lié à l'évolution diurne et un peu de turbulence, le nez chaud a fini par prendre "racine" au sol presque partout sur le sud du pays. Ainsi, en milieu d'après-midi, de la neige était observée en Hesbaye au nord de Namur, tandis qu'à Ciney, au sud-est de la capitale wallonne, il... pleuvait, cette fois sans verglas grâce aux températures devenues légèrement positives au sol. Voici ce que ça donnait en coupe atmosphérique.


Ici se trouve l'explication de la plus importante couche de neige observée à Bruxelles et dans le nord de la Wallonie par rapport à l'Ardenne (à l'exception des Hautes Fagnes). Au nord du front, la neige n'a cessé de tomber au fil des heures, tandis que celle-ci n'a pris le relais des pluies (verglaçantes) sur le sud de la Belgique que bien plus tard, lorsque l'air froid, poussant à nouveau du nord, a renvoyé le front en direction de la France et du Luxembourg.

Au final, et par exemple, le sud-est de Namur a quelque peu rattrapé son retard sur le nord-est. Au matin du 18, on mesurait ainsi 14 cm de neige à Fernelmont, à 15 km au NE de Namur, tandis qu'Erpent, en périphérie sud-est de la ville, en récoltait 11.

Autre inversion météorologique, celle des températures minimales le 18. Avec le dégagement du ciel en fin de nuit sur la Moyenne Belgique (la Haute Belgique étant encore ennuagée par la perturbation en cours de retrait), les températures ont plongé, notamment dans le Hainaut où elles sont passées sous -10°C. Exemple à Chièvres ci-dessous.

Source: IRM

Et en carte, à présent, avec les températures observées à 10h00.

Source: Infoclimat.

Comme classiquement dans ces conditions, ce froid cinglant n'était observé que dans les premiers mètres de l'atmosphère ou, pour le dire plus simplement, tout près du sol. La nuit, un ciel dégagé permet à ce sol, rayonnant surtout en infrarouge (on passera outre les explications physiques du phénomène), de se refroidir plus rapidement que l'air situé au-dessus. Or ici, avec la présence de la couche de neige, ce phénomène est exacerbé. Neige + ciel se dégageant juste en fin de nuit est ainsi l'équation qui explique pourquoi les températures ont brutalement plongé du Hainaut à la Campine... Et ont continué de descendre alors que le soleil se levait, jusqu'à ce que ce dernier soit suffisamment "haut" dans le ciel pour contrecarrer cette dégringolade thermique.

De plus, cet air froid, plus lourd, a tendance - et c'est de nouveau un phénomène très classique - à "couler" vers les points les plus bas en l'absence de vent, expliquant de belles différences de températures sur de faibles distances. Ainsi, par exemple, peu après 9h00, on observait -4°C au niveau de l'E42 près d'Andenne (est de Namur), à environ 200 mètres d'altitude, tandis qu'à Fernelmont, vers 180 mètres, le thermomètre était à -8°C (l'auteur de cet article aura même trouvé du -9°C en passant dans un petit vallon dans l'est de la commune). Il y a à peine 2 ou 3 km entre les deux...

Pour terminer, le ciel souvent lumineux du 18 janvier aura permis de profiter d'un spectacle devenu rare dans nos régions; celui d'une belle couche de neige sous un franc soleil, alors que les conditions de circulation revenaient (plus ou moins lentement selon les endroits) à la normale.

Le Sart Tilman (Liège) sur le temps de midi du 18 janvier, sous une bonne quinzaine de centimètres de neige (auteur: Le Chroniqueur météo).