vendredi 21 juin 2024

Et pourtant, elle se réchauffe !



Ces derniers mois, et plus particulièrement durant ces mois d'avril, de mai , et de juin, une vague de mécontentement mêlant incompréhension face aux événements météorologiques et climato-scepticisme secoue les réseaux sociaux et d'une manière générale la société toute entière. En effet, il pleut ... et beaucoup à certains endroits. Et selon certains, « sans arrêt depuis octobre ». Tant que nous étions en hiver, la pilule pouvait passer. Mais le mois d'avril fut caractérisé par deux périodes très distinctes : l'une au-dessus des normales thermiques et l'autre en-dessous. Et cet en-dessous fit jaillir un torrent de frustration face à un temps « non-printanier » et un déluge de scepticisme face aux discours des climatologues sur le réchauffement climatique. Le mois de mai très humide avec au final un printemps encore plus humide rajoute une couche à ce mécontentement.

Météo Pédagogie n'a habituellement pas pour vocation de s'engager à découvert sur le thème du réchauffement climatique et de « prendre parti » dans des polémiques autour de ce sujet ou d'autres plus ou moins liées. Toutefois, pour une fois, nous jugeons bon de le faire pour mettre les points sur le « i » et de critiquer, voire dénoncer certaines réflexions et positions, aussi bien dans le clan « climato-sceptique » que « réchauffiste ». Nous allons aussi tenter dans un premier temps de donner des explications et notre position sur le « temps pourri », expression tellement ressassée dès que la météo ne correspond pas à nos désirs.

De la douceur très humide et sombre

8 mois. C'est le nombre de mois consécutifs avec une cote pluviométrique excédentaire relevée à Uccle depuis le mois d'octobre. Et effectivement, la grande bascule eut lieu le 13 octobre. Avant, l'automne avait plutôt été estival avec même la première vague de chaleur automnale de l'histoire des relevés à la station bruxelloise d'Uccle. Il plut peu durant les 13 premiers jours d'octobre : 15mm. Mais cela n'empêcha pas le total mensuel d'arriver à 87,2mm. Au total, sur ces 8 derniers mois, c'est un cumul de 815,3mm enregistrés à Uccle. Il s'agit d'un excédent de 53% (530,5mm pour la normale des 8 mois). Concernant l'ensoleillement, un cumul de 636h16min fut enregistré pour une normale de 854h00min, soit un déficit de 25,5%. Seul janvier fut au-dessus des normales et le début d'octobre permit à ce mois de n'enregistrer qu'un déficit de 5h.

Les bilans de l'Institut Royal Météorologique de Uccle offrent quelques éléments particulièrement intéressants dont personne ne parle car ce sont des paramètres « secondaires » mais qui expliquent bien des choses : le rayonnement solaire global et la tension de vapeur. Le rayonnement solaire n'est pas spécifiquement le soleil que l'on voit et donc l'ensoleillement dans les bulletins mais la quantité de lumière reçue par le plancher des vaches, exprimée en Watts/m2, et dépendant non seulement de la couverture nuageuse mais aussi de son épaisseur. En d'autres termes, plus il fait couvert et épais en nuages, moins ce rayonnement sera élevé. Quant à la tension de vapeur, parfois exprimée en pression de vapeur, c'est la pression exercée par la quantité d'humidité présente dans l'atmosphère, dépendant de la température et du taux d'humidité. En d'autres termes, plus il fait chaud et humide, plus la tension de vapeur est élevée. On dira donc qu'il fait lourd.


Dans ces bilans, nous ferons d'abord remarquer que l'année 2023 fut l'année record en termes de tension de vapeur, soit l'année la plus moite alors que ce fut la troisième année la plus chaude. En d'autres termes, les 2 années les plus chaudes ont été plus sèches que 2023. Dans les 8 derniers mois, février attire notre attention : il fut très humide (126,5mm contre 65,1 de normale) et sombre (30h au lieu de 72h de normale). Fort logiquement, d'autres paramètres crèvent le plafond : la température moyenne qui bat le record de 1990 et le taux d'humidité est le plus élevé de ces 30 dernières années. Le combo douceur et humidité est réuni pour un record de tension de vapeur. Le rayonnement solaire est aussi en berne avec une position dans les 3 dernières places de ces 30 dernières années. D'autres mois furent aussi « moites » comme avril, mars, et décembre. Le rayonnement solaire fut aussi faible pour novembre et décembre. Certains se souviennent peut-être d'un Noël très sombre, particulièrement à Bruxelles où l'auteur de ces lignes réside. Non seulement la couverture nuageuse était totale mais avec une couleur grise de basses couches témoignant d'une importante quantité d'humidité.

Le mois de mai est une véritable caricature de cette moiteur sombre et il entraîne avec lui tout le printemps : 124,9mm sur 23 jours de précipitations, 140h de soleil au lieu de 198h de normale, une tension de vapeur record, et un rayonnement solaire global parmi les plus bas de ces 30 dernières années. Au niveau saisonnier c'est encore plus frappant : le printemps est le deuxième le plus humide depuis 1833 (285,2mm contre 299,7 en 1965), un déficit d'ensoleillement de 128h, 20 jours de précipitations de plus que la normale, le rayonnement solaire global le plus bas de ces 30 dernières années, et une tension de vapeur record. Avec toute cette pluie et ce manque de soleil, nous serions tentés de penser que ce printemps fut alors frais. Or, ce n'est pas du tout le cas : nous avons le 4e printemps le plus doux depuis 1833. Cette place est avant tout supportée par les températures minimales qui sont record, mais les maximales moyennes sont aussi au-dessus des normales avec un excédent de 0,8°. Nous ne pouvons donc pas dire qu'il a fait doux la nuit et frais le jour. 


L’Atlantique comme réservoir

Comme nous pouvons le voir, les mois anormaux en termes de pluviosité et d'ensoleillement s'accumulent, mais nous manquons d'accès aux données pour en tirer une conclusion sur ce degré d'anormalité. Nous dirons simplement que 53% d'excédent pour la pluviosité n'est certainement pas fréquent. Une question se pose alors : pourquoi ? Comme nous l'avons déjà signalé, la quantité de vapeur est liée à l'humidité et à la température. Sur le plan strictement théorique, notre météo est guidée par les masses d'air et l'orientation du vent. Une masse d'air humide vient bien souvent du Sud-Ouest où l'Océan Atlantique subtropical stocke toute sa moiteur. Or, et cela a été relayé par les spécialistes ces derniers mois, la température d'eau de mer est record dans cette région de l'Océan Mondial. Il n'est donc pas compliqué de comprendre que notre météo est anormalement humide dans ces circonstances pareilles.

Mais comme un épisode cévenol ou méditerranéen a besoin d'une synoptique particulière pour déclencher des pluies diluviennes dans le Sud de la France, ces pluies récurrentes sur l'Europe Occidentale ont besoin aussi d'un régime particulier. Après tout, si le temps devait être anticyclonique comme en septembre 2023, le soleil brillerait et nous ne ressentirions que la moiteur de l'Océan. En réalité, ce qui fut particulier dans « le grand basculement » du 13 octobre 2023, c'est l'effondrement des hautes pressions laissant place à l'arrivée de dépressions à des latitudes basses accompagnées d'air froid d'altitude. La combinaison d'eaux chaudes et d'air polaire d'altitude fut sans pitié notamment pour le Pas-de-Calais où les massifs près de Boulogne ainsi que des nappes phréatiques encore bien remplies aggravèrent la situation. Ces dépressions à la trajectoire méridionale pour la saison purent aussi se rapprocher des réserves les plus moites de l'Atlantique subtropical et même happer les zones avec le contenu en eau précipitable le plus élevé. Ce paramètre est obtenu en condensant toute la colonne atmosphérique. Or, les masses d'air tropicales sont gorgées d'humidité jusqu'aux hautes sphères et cela est entretenu par les anomalies de températures d'eau de mer. Ce sont alors ce qu'on appelle des rivières atmosphériques, ces langues d'humidité (sub)tropicale qui traversent les océans, qui frappèrent l'Europe Occidentale à intervalles réguliers. Et à l'heure actuelle, cette dynamique moite est loin d'être terminée. Les récentes inondations au Brésil, qui sont aggravées par ces eaux très chaudes qui traversent l'Equateur, n'y sont sans doute pas étrangères. Du côté des spécialistes des systèmes tropicaux, les prévisions sont aussi très inquiétantes pour la saison cyclonique 2024 du Bassin Atlantique. Il ne serait pas étonnant de voir d'autres images désastreuses dans le courant de l'année.

Savoir relativiser

Des inondations catastrophiques eurent lieu dans le Pas-de-Calais suite à ces fortes pluies en novembre. Il faut dire que localement il est tombé plus de 500 mm de pluie dans ce département. Dans la continuité géographique, dans la vallée de l'Yser et de la Lys, des inondations eurent aussi lieu en Belgique où le cumul des précipitations atteint notamment 250 mm dans la région de Poperinge. Les 2 et 3 janvier, d'autres inondations eurent lieu en Belgique suite à d'intenses précipitations et des cumuls parfois supérieurs à 50 mm.  Plus tard vers le printemps, des précipitations plus de type convectif sont venues s'ajouter au cumul récolté notamment en février, avec pour conséquence des inondations locales dans les régions de Walhain et de Herve, pour ne citer que celles-là. En France, hormis le Pas- de-Calais, d'autres régions furent inondées comme dans l'ouest de la France, la Bourgogne, et les régions alpines. Ces dernières semaines, d'autres orages provoquèrent des inondations locales et temporaires. Les bois et sous-bois sont boueux et les flaques ont parfois du mal à se résorber sur les chemins avec des nappes d'eau sur les pelouses qui débordent sur eux. Les nappes phréatiques sont probablement très proches du point de saturation. Il faut néanmoins signaler que les inondations pourraient être encore plus étendues dans l'espace et dans le temps avec plus d'intensité. En réalité, la période de 33 jours sans pluie en mai-juin 2023 ainsi que la période exceptionnelle autour du mois de septembre 2023 ont fortement abaissé le niveau des nappes phréatiques et ce ne sont pas les pluies, certes parfois abondantes, du cœur de l'été 2023 qui y ont beaucoup changé. Les fortes pluies ont aussi eu au moins un avantage. Si nous levons les yeux, nous pourrions constater une chose : la végétation se porte à merveille et cela fait plaisir à voir alors que ces dernières années n'ont pas toujours été florissantes. Enfin, il n'est pas dit qu'une pluviosité normale ces derniers mois aurait évité les inondations du printemps car l'accumulation de grande quantité de pluie en si peu de temps peut aussi provoquer des inondations en période normale.

Il faudrait aussi ajouter quelques considérations non-scientifiques à tout ceci. Non, il ne pleut pas « sans arrêt » depuis 8 mois. Il est probable qu'une météo ne correspondant pas à nos désirs provoque chez certains des envies d'exagérations. A la base, la pluie est malheureusement largement diabolisée alors que l'eau est malgré tout source de vie. Les astronomes qui recherchent de la vie extra-terrestre sont d'abord à l'affût de présence d'eau sur une planète. On répondra que trop d'eau provoque des inondations et des catastrophes, mais trop de soleil provoque aussi sécheresse et problèmes agricoles, sans oublier des conséquences sur la santé humaine. Après tout, mai et juin 2023 ont enregistré 33 jours sans pluie à Bruxelles, et avril-mai 2007 en ont enregistré 37. De telles séries ne sont, à l'inverse, pas constatées pour une période de pluie. Malheureusement, les médias et notre éducation nous formatent dans la détestation de la pluie et l'amour du soleil. Certes, il est plus agréable de programmer des activités, notamment en extérieur par « beau temps », comme on dit justement parfois à tort, mais il existe aussi des activités d'intérieur tout aussi agréables et productives.

Notre confort moderne et notre société des loisirs nous auraient-ils rendu exigeants pour organiser l'anniversaire de Tata Suzanne jusqu'à pousser des cris du style « Il pleut sans arrêt », « Eté pourri », ou « Pays avec temps de merde » ? Poser la question est sans doute – un peu – y répondre. Malheureusement, la météo n'est pas un livreur Deliveroo qui vous apporte le temps parfait à chacune de vos activités. A ce petit jeu où chacun doit être satisfait à chaque anniversaire, mariage, naissance, ou autres, il y aura beaucoup de déçus pour crier au « temps pourri ». Nous pourrions aussi être étonnés de voir la population se plaindre tellement régulièrement de la pluie qui tombe ... comme si cela pouvait y changer quelque chose ! Dans l'autre extrême, est-il utile de se plaindre régulièrement d'un temps trop chaud et trop sec ? Malheureusement, nous ne pouvons que l'accepter et nous y adapter. Ces réactions en disent sans doute beaucoup sur la nature humaine, mais aussi sur l'évolution de notre société. Une météo clémente apporte plus facilement le sourire que des pluies trop conséquentes et trop régulières, et cela est d'autant plus compréhensible que les populations vivent actuellement des moments difficiles sur les plans économique et géopolitique. De plus, il est vrai qu'un manque chronique de soleil peut affecter le psychisme de la population, à travers notre biochimie. Une météo plus favorable apporterait donc du baume au coeur face à toutes ces incertitudes, un peu comme des résultats sportifs positifs. Pour autant, la météo fait ce qu'elle veut et n'est pas responsable de ces incertitudes. Aligner ces quelques remarques non-scientifiques apparaîtra peut-être moraliste au yeux de certains, mais le but est avant tout de relativiser.

Déconnexion avec la Nature et notre climat

Revenons à des considérations scientifiques sur la période du mois d'avril. Le début du printemps, qui se situe déjà en mars pour sa définition climatologique, fut marqué par des anomalies très positives dans de nombreuses régions d'Europe, dans la continuité d'un hiver déjà trop doux. Début avril marqua le paroxysme de cette période exceptionnelle avec des records mensuels et des maximales de 30° dans certaines stations d'Europe Occidentale et Centrale. Après ces mois d'hiver et cette humidité couplée à un déficit d'ensoleillement, cette chaleur et ce soleil furent reçus avec plaisir par de nombreuses personnes. A raison ? La première quinzaine du quatrième mois de l'année fut pratiquement record, malgré les anciens 2011 et 2007, pourtant stratosphériques. La nature explosa et les insectes sortirent : guêpes et frelons ont été observés à Bruxelles. Comme un signal ... Et puis, patatra : les températures chutèrent, et un torrent de mécontentement dévala dans les chaumières. Comment était-il possible d'avoir un tel changement de temps après la séquence presque « idyllique » du début de mois ? Cette anomalie froide s'accompagna même de gelées qui s'attaquèrent à la végétation s'étant bien réveillée les semaines précédentes. Pour certains, c'était la xième déconvenue car les années précédentes avaient observé la même combinaison de réchauffement précoce et de gel tardif.

Pour les amateurs et les professionnels, ce torrent nous parût bien surprenant, et il montre sans doute la méconnaissance de la nature par la population et notre déconnexion avec elle. Alors que le mois d'avril est connu pour un dicton parlant de fil, aurions-nous oublié ce que nos anciens nous avaient enseigné et que pourtant nous ressassions jusqu'il y a peu ? Le réchauffement climatique nous « interdirait »-il d'avoir froid en avril et d'être inondés en mai ? De cela, nous parlerons plus tard. Sur notre compte X, nous avons été interpellés à ce sujet car nous avions montré notre étonnement face aux gens qui n'appréciaient pas d'observer une période de plusieurs degrés sous la normale. Les scientifiques seraient-ils déconnectés des réalités humaines ? Nous aimerions rappeler que la plus grande des réalités est que le mois d'avril est justement le mois de transition par excellence et qu'il ne faut pas s'y découvrir d'un fil. C'est un mois où les premières effluves chaudes peuvent remonter du Sud tout comme les dernières rigueurs froides peuvent retarder notre changement vestimentaire. Allons même plus loin : le temps printanier est considéré comme un temps « doux » et « ensoleillé », mais c'est partiellement vrai ou en tout cas plus subtil que ça : printemps est une saison de transition entre l'hiver et l'été tout comme l'automne. Bien évidemment, plus nous allons vers l'été, plus le temps peut être potentiellement agréable, mais, pour des raisons particulières, un mois d'avril peut être meilleur que mai ou mars meilleur qu'avril. Nous ferons aussi remarquer que la moyenne climatologique des températures d'Uccle est plus élevée en septembre (15,2°) que mai (13,9°). Pourtant, la population attend plus du mois de mai que du mois de septembre, qui sont les 2 mois qui entourent l'été. Nous avons donc quelques idées reçues sur le printemps, même si sa floraison au contraire de la chute des feuilles apporte plus d' « exigence ».

Toujours par rapport à cette réflexion qui nous avait été formulée sur X, on nous faisait remarquer que les gens étaient mécontents car ils se sont habitués aux températures des 5 ou 10 dernières années, et qu'il ne fallait donc pas prendre les moyennes sur 30 ans, peu représentatives des dernières évolutions climatiques. Si les climatologues utilisent cette période de référence, c'est parce qu'elle fut établie par l'OMM dans le passé en arguant qu'une telle période pouvait contenir un maximum de données et d'occurrences statistiques définissant un climat. Celui-ci évolue, et même si les spécialistes s'inquiètent de la vitesse des changements, se limiter à 10 ans empêcherait une bonne définition du climat. Le climat de la Belgique est un climat tempéré, influencé par les masses d'air tropicales et polaires, et même si les premières prennent de plus en plus le pas sur les deuxièmes, ces dernières existent encore. Dès lors, il existe encore des reliquats du passé qui peuvent surprendre lorsque les anomalies négatives sont importantes. Mais c'est précisément parce que nous enregistrons encore des températures dignes d'il y a 30 ans (voire pire!) qu'il faut utiliser une période de référence aussi longue qui permet en quelque sorte de lisser les évolutions. Notre climat actuel est en donc un mélange du passé, parfois ponctuellement encore lointain, du présent, et du futur, lui aussi lointain ... mais de moins en moins. Nous pourrions aussi dire que la moyenne d'un mois ou même d'une décade ou d'une journée est en réalité un artifice arithmétique qui fait la synthèse des occurrences du passé et que nous « aurions droit » tel jour à x% de probabilités d'avoir 20°, y% de probabilités d'avoir 22°, et z% de probabilités d'avoir 24°. Bruxelles récolte par exemple normalement 5 jours à 30° ou plus durant une année, essentiellement durant les 3 mois d'été, mais nous pourrions ajouter que c'est un total d'environ 30 jours à 25°, et qu'un mois de juin normal récolte en moyenne 17 jours à 20°. Cela laisse donc de la place pour des températures autour de 15° lors d'un mois normal à certains moments.

Cette première partie peut paraître à certains moments technique, empêcheuse de tourner, ou politico-scientifiquement correcte mais pour les personnes qui s'intéressent à notre climat ou qui aimeraient parfois comprendre ce qu'il se passe dans notre ciel, il est parfois nécessaire d'aller au fond des choses et de sortir des explications traditionnelles. Elle s'inscrit au sein de ce texte qui veut parler ouvertement de météorologie et de climatologie, et aborder pour une fois le thème du réchauffement climatique en long et en large. Comme dit au tout début, il n'est pas de notre ressort d'en parler ouvertement car nous privilégions la pédagogie du temps qu'il fait, et les personnes qui nous suivent tireront leurs propres conclusions elles-mêmes en fonction du théâtre atmosphérique qui se déroule dans le ciel. Toutefois, le sujet est, sans vouloir faire de jeu de mots, de plus en plus brûlant. Non seulement, il agite les hautes sphères et aussi les plus basses pour tenter de déboucher sur des solutions au problème, mais l'existence même du mécanisme climatologique est remis en question par un nombre probablement croissant de citoyens, surtout depuis quelques années. Nous allons donc tenter de passer en revue les différentes discussions qui agitent la société, et plus particulièrement les réseaux sociaux depuis plusieurs années.


Un réchauffement global …

Le réchauffement climatique est mesurable depuis des décennies. Certes, il connut plusieurs phases : une phase ascendante jusqu'aux années 1940, puis légèrement descendante ou stagnante pendant 3 décennies avant de reprendre de plus belle depuis les années 1980. Ces évolutions se mesurent grâce aux observations faites dans le monde entier, compilées, puis transmises aux différents grands centres tels le Copernicus Climate Service en Europe, la NOAA aux Etats-Unis, la JMA au Japon, mais aussi des universités ou instituts d'universités comme le Centre Berkeley en Californie. Enfin, la NASA dispose de son propre outil et nous permet d'avoir une vue depuis la période pré-industrielle, soit de 1850-1900, cette fameuse période qui est la base des différents calculs pour situer le niveau de réchauffement et tenter d'anticiper les différents scénarios. Dès lors, chaque mois, ces différents centres nous livrent leur résumé mensuel (ou annuel en janvier) exprimé en anomalie de température planétaire, ou continentale si nous allons dans les détails, ou même en faisant la distinction entre les mers et les terres, ou entre les 2 hémisphères, ou même entre certains blocs de latitude pour tenter de voir par exemple le réchauffement de l'Arctique. Chaque mois, cette anomalie exprimée en centième de degrés au-dessus d'une moyenne d'une période de référence permet donc de situer quel a été le degré de réchauffement d'un mois sur un territoire assez étendu. Précisons que les différents centres utilisent une base différente : le CCS européen prend la moyenne des 30 dernières années, soit 1991-2020, la NOAA la moyenne du 20° siècle, la NASA utilise donc la période pré-industrielle. De la même façon, chacun a sa méthode de calculs, avec un mélange de températures satellitaires ou in situ et un nombre différent de stations. Cela peut paraître étrange mais chacun a sa manière de travailler, et le plus important est d'en faire une moyenne pour dégager une tendance qui est donc très solide, d'autant plus que si un mois a été record pour un centre, il peut difficilement être frais pour d'autres. Tout au plus, un autre centre le mettra à la deuxième place, surtout si l'écart est faible. Les tendances sont donc fiables et robustes. Ainsi, mois après mois, nous observons les évolutions, et elles n'apportent aucune surprise.

Ces évolutions sont aussi corroborées par d'autres statistiques, plus locales. Ainsi, la diminution de la couverture de glace tout comme l'augmentation de température de l'océan sont mesurées par les satellites. Dans chaque pays, les observations d'augmentation de températures-seuils, de vagues de chaleur par leur durée, leur extension et leur intensité, de diminution de jours de gel ou de neige, vont dans le même sens. Et cela est d'autant plus constatable avec la neige que cela est visible : qui ne se souvient pas de périodes neigeuses longues et épaisses dans le passé alors que cela est beaucoup moins le cas maintenant ? La perte de paysages blancs où petits et grands s'amusaient sur les pentes de vos villes et villages est indéniable. En janvier 2024, pour la première fois depuis 11 ans, Bruxelles enregistra une couche de 10 centimètres. Une telle attente n'était pas constatée avant.

et pas seulement en ville

Les climato-sceptiques avancent leurs pions. Dans ce concert de mesures et de records, ceux-ci estiment qu'il y a tromperie quant à la qualité des mesures. En effet, elles sont réalisées « en ville » où l'îlot de chaleur urbain jouerait un rôle amplificateur indéniable. C'est mal connaître l'environnement de ces stations. Pour prendre le cas précis d' Uccle à Bruxelles, la station se situe dans un parc météorologique très vert, lui-même situé dans la partie de la commune archi-résidentielle et ultra-verte, de type banlieue verte ultra-hupée, siège d'ambassades et de demeures en forme de châteaux. De plus, elle se situe en hauteur, à une altitude de 100m. Nous sommes donc très loin du centre urbain de Bruxelles, situé à 20m d'altitude dans un enfer ultra-bétonné où l'air ne circule pas et n'a aucune chance d'être rafraîchi. Si nous regardons par exemple la différence de température entre la zone du Canal et Uccle, plusieurs degrés sont enregistrés. Votre serviteur, travaillant dans la zone bétonnée de la Vallée de la Senne et résidant à 102m dans un quartier aéré tout en passant à vélo le long des espaces verts très rafraîchissants du type de ceux qui entourent la station d'Uccle se rend compte de la différence de températures entre les 2 zones et du caractère très modérateur des espaces verts. Ce raisonnement peut aussi être appliqué à d'autres villes et stations : Paris et le Parc Montsouris, Lyon et son Parc de la Tête d'Or, Londres et les Kew Gardens, New York et son Central Park, Madrid et son Parc de El Retiro, immense zone verte havre de paix et de fraîcheur durant les chaudes journées madrilènes créant son propre micro-climat. En réalité, ce n'est pas un hasard si les climatologues ont dès le début décidé d'implanter les stations dans des zones représentatives car la rigueur leur imposait ces décisions.

En réalité, les observations météorologiques sont soumises à des règles très strictes dans la construction de l'abri, son positionnement, son orientation, sa hauteur, le calibrage du thermomètre pour ne prendre que les plus évidents. Ce serait prendre les professionnels non seulement pour des menteurs mais aussi des idiots que de penser qu'ils n'intègrent pas l'effet urbain dans les mesures. Cela n'empêcherait pas d'installer des stations non-officielles amateurs dans certaines zones très urbanisées pour mesurer justement l'écart avec la zone périphérique mais aussi de comprendre que les habitants locaux vivent dans un micro-climat dont il faut malheureusement tenir compte et qu'il faut tenter de rééquilibrer par des mesures d'adaptation. Nous signalerons aussi qu'il existe un moyen de savoir si la station « exagère » une mesure : la comparer avec des stations environnantes. Si la différence est trop grande (2-3°), on peut mettre en doute la valeur enregistrée, sinon la valeur est probablement correcte. De plus, des analyses de surchauffe peuvent être menées et chaque record doit être validé par un processus de vérification. Enfin, les stations des villes évoluent bien souvent dans un environnement qui n'a pas évolué depuis des décennies, voire depuis plus d'un siècle, notamment les villes européennes qui sont vieilles. Le Parc Montsouris de Paris en est un parfait exemple avec une ville déjà très développée depuis longtemps.

Ces réflexions sur la validité des mesures dans les villes omettent de plus un élément fondamental : les observations se font aussi dans de petites villes ou villages, sans oublier dans des stations montagneuses parfois très reculées. Que dire par exemple de records enregistrés dans les montagnes iraniennes, pakistanaises, de l'Asie Centrale, ou du Mexique ces derniers mois ? Nous sommes très loin des villes et à des altitudes de plus de 3000m où il fait parfois encore plus de 30° ! Sans aller aussi loin, que dire des records établis en France au Mont-Aigoual ou au Pic du Midi, loin de toute ville ? Ou même de températures de plus de 20° dans le Massif Central à la fin de l'hiver ou au début du printemps ? Ajoutons à cela que la mesure des satellites indique bien que les températures se réchauffent en altitude. Chaque semaine et chaque mois, les preuves s'accumulent de ces évolutions climatiques. Nous devrions donc être convaincus de cette crise et faire ce qu'il faut pour s'y adapter et l'endiguer. Pourtant, c'est tout le contraire qui se passe : la défiance envers les thèses anthropiques expliquant le réchauffement climatique voire l'existence du réchauffement climatique même se multiplient, et cela se voit de plus en plus sur les réseaux sociaux ou plus généralement dans l'expression d'une partie de la population. La moindre des choses, c'est de se demander pourquoi. Nous allons donc explorer quelques réflexions des « climato-sceptiques » et tenter d'y répondre.

Hystérie climatique

La première piste est que selon ce clan, les « réchauffistes » feraient trop dans l'hystérie ou l'alarmisme, avec une tentative, d'exagérer, de créer un buzz ou « d'exister » sur les réseaux sociaux. On peut effectivement se demander si ressasser le réchauffement climatique à toutes les sauces, en reprenant tous les événements météorologiques anormaux ou extrêmes et en les expliquant avec le réchauffement climatique est une bonne stratégie et est aussi scientifiquement valable. Il tombe effectivement régulièrement des records de températures mais sont-ils tous explicables par les évolutions climatiques ? De même, est-ce que des inondations, un puissant cyclone, une forte tempête tempérée, de la grêle géante, ou un épisode tornadique majeur peut-il s'expliquer par le réchauffement climatique ? L'une des erreurs des « réchauffistes » pourrait donc être de systématiser les attributions et de prendre trop d'événements ponctuels, donc limités dans le temps et l'espace pour expliquer le réchauffement climatique. Le problème de ce raisonnement est qu'alors les « climato-sceptiques » utilisent les records de frais pour aller à contre-courant des thèses du GIEC. Bien évidemment, ce raisonnement n'est pas plus valable mais les « réchauffistes » donnent un peu le bâton pour se faire battre. Nous voyons trop régulièrement des personnes sur les réseaux sociaux postant des publications animées avec des artefacts virtuels pour amplifier un événement anormal et créer le buzz, avec finalement pour seul but d'acquérir de la notoriété sur les réseaux sociaux. Il est plus que regrettable que ces « influenceurs météos » comme l'a joliment dit un de nos abonnés sur X profitent du réchauffement climatique pour exister et aussi profiter de la nouvelle manne offerte par Elon Musk avec les comptes vérifiés. Ensuite, ces mêmes personnes se plaignent de réactions négatives, mais chercher le buzz pour augmenter son nombre d'abonnés en publiant par exemple des modélisations de prévision numérique à 14 jours pour « prévenir » d'un extrême météorologique est non seulement malhonnête mais aussi et surtout désastreux pour la communication et la pédagogie. Parfois, des experts renommés utilisent les modèles de prévision numérique pour attribuer le temps des 5 prochains jours au réchauffement climatique sans attendre les observations officielles. Cela est-il vraiment sérieux ?

Il faudrait faire une liste des erreurs de pédagogie et des exagérations dans ce domaine. Rajoutons-en une : publier qu'une région du monde a enregistré des centaines, voire des milliers de records de chaleur (ah oui ?), et en déduire que « c'est un événement climatique sans comparaison dans l'histoire du monde », puis refaire le même coup 3 mois après dans une autre région du monde. Où est le sérieux dans tout cela ? Malheureusement, comme pour d'autres critiques qui vont suivre, les réponses insultantes peuvent fuser lorsque nous dénonçons ceci, rendant certains « réchauffistes » finalement pas beaucoup plus recommandables que d'autres personnes du clan adverse. Systématiser ces attributions peut être aussi un problème de débat car il est souvent stipulé que le réchauffement climatique n'est plus une opinion ou une thèse, mais un fait. Certes, nous ne doutons pas beaucoup de cela, mais si les attributions systématiques des extrêmes climatiques au réchauffement sont aussi des faits, cela peut ouvrir une boîte de Pandore où le débat sur des thèses moins évidentes sera fermé. Viendra-t-on dire qu'il y aura plus de tempêtes tempérées, plus de tornades, plus d'ouragans, plus d'orages grêligènes à cause du réchauffement climatique et que c'est un fait non-discutable ? Nous n'observons par exemple pas plus de tornades aux Etats-Unis malgré ce qu'a un jour lancé une politicienne du parti Démocrate. Malheureusement, vu les dégâts provoqués par ce genre d'événements, l'hystérie s'empare trop souvent de certaines personnes qui cherchent vraiment certaines réactions sceptiques. Pour prendre un autre exemple, lorsqu'un puissant ouragan frappe une région, la sauce du réchauffement climatique est mise en branle. Or, de puissants ouragans ont toujours existé et l'activité cyclonique globale n'augmente pas.

Que faire alors ? Sans doute ne pas prendre le réchauffement climatique à toutes les sauces. Il existe des spécialistes des records sur X qui publient à chaque record important dans une région du monde les données, sans explicitement rappeler à chaque fois que le réchauffement climatique est à l'oeuvre. Notre activité pédagogique qui tente de faire comprendre à nos abonnés les mécanismes de l'atmosphère est aussi très sobre sur ce sujet. Nous estimons que les citoyens sont suffisamment à même de comprendre ce qu'il se passe. Lorsqu'un épisode caniculaire très anormal ou extrême se produit, la plupart des citoyens se pose légitimement des questions. Les rapports mensuels des différents centres mentionnés plus haut sont aussi des repères pour montrer l'évolution de la situation. Quant aux événements ponctuels de plus en plus extrêmes, jusqu'à quel point peuvent-ils être liés au réchauffement climatique ? Le problème est que celui-ci amplifie les événements dans 3 dimensions : l'intensité, la durée, et la superficie. Voir donc ces paramètres s'allonger est clairement une marque d'une évolution climatique, mais déterminer que tel ou tel événement précis est attribuable au réchauffement climatique n'est à notre avis pas une bonne idée, sauf dans les cas extrêmes. Un exemple ? Le 25 juillet 2019 en Belgique où TOUS les records absolus de stations ont été battus, parfois de plusieurs degrés, avec un record national amélioré de 3 degrés ! Cela est d'autant plus interpellant que les 40°, qui n'avaient jamais été franchis en 186 ans de mesures, l'ont été une nouvelle fois atteint en juillet 2022 avec 40.0° à Kapelle-op-den-Bos près de Malines. Le mois de juillet 2006, les étés 2018 et 2022 en Belgique sont aussi probablement dûs au réchauffement climatique. Les étés 2003 en Europe et 2010 en Russie, avec des dizaines de milliers de morts à la clef le sont aussi sans doute. Côté phénomène violent, l'activité cyclonique globale n'est pas en augmentation, mais la répétition d'ouragans extrêmes comme Irma en 2017 qui est resté en ouragan de catégorie 5 pendant 72h consécutives est probablement la marque d'une nouvelle évolution climatique. Des épisodes diluviens dopés par une moiteur supplémentaire sont aussi la marque de nouvelles évolutions climatiques, comme par exemple les inondations de juillet 2021 en Belgique. Il ne faut en effet jamais oublier que pour 1° degré supplémentaire, nous gagnons 7% de vapeur d'eau. Dans ce cas, le réchauffement climatique n'est pas forcément un facteur déclencheur mais aggravant.

Climat, réalités géographiques, et lois de la physique

Ceci nous permet de revenir sur notre printemps qui fut très humide ... et très doux. Beaucoup de personnes se sont plaint de « cette saison pourrie ». Le plus remarquable dans tout ceci, c'est de penser qu'il serait la marque d'un non-réchauffement alors que c'est exactement le contraire. Parvenir à déverser autant de pluies avec des températures bien au-dessus des normales devrait nous faire réfléchir. Le printemps 2024 a seulement été dépassé par 1965 pour la quantité de pluies mais a été 2,6° plus chaud. Si pour une situation pluviométrique presque équivalente nous observons un écart thermique aussi important, c'est que quelque chose a forcément changé. Cela rappelle aussi le mois de juin 2016 qui avait récolté 174mm de pluies et enregistré 16°. Une extrapolation et une analyse synoptique montrent dans ce cas qu'avec une pluviosité normale juin 2016 aurait été 3° plus chaud. Dans la continuité, juin 2023 avait été record avec 20,3° et seulement 40mm de précipitations. L'augmentation d'épisodes diluviens en alternance avec des épisodes anormalement très doux/chauds, très secs, et parfois très longs deviennent clairement une marque du réchauffement climatique. Un printemps trop humide n'est donc pas le signe d'une contre-évolution, bien au contraire. Malheureusement, la RTBF n'a pas hésité à écrire que le printemps avait été trop frais. On se demande ce qu'elle aurait écrit si le printemps avait été 20° le plus doux au lieu de 3°. Dans tout ce ramdam de statistiques et réflexions météorologiques et climatologiques, les médias n'aident pas la population à mieux comprendre les enjeux et les évolutions. D'une manière générale, ils pratiquent le nivellement par le bas en déformant presque systématiquement les choses et en exagérant beaucoup trop certains événements météorologiques, adoptant un comportement schizophrène. Pourtant, tel un enseignant, les médias devraient élever le niveau de la population en se formant à la chose scientifique et en la vulgarisant au lieu de chercher systématiquement le buzz. Cela est d'autant plus important que le niveau de culture générale, et plus spécifiquement de culture scientifique de la population est en baisse significative. La bonne information est pourtant plus importante que le buzz et on pourrait se demander pour qui ils roulent. Le problème est que la méfiance de la population se développe et cela contribue au climato-scepticisme. Une remise en question dans cette sphère est donc aussi nécessaire.

Le temps de ces derniers mois, même s'il est globalement doux, nous oblige à insister sur un point lorsqu'il fait vraiment très en-dessous de la normale ou qu'il fait frais sur une longue durée. Non, le réchauffement climatique n'interdit pas la fraîcheur au printemps ou en été, le grand froid en hiver, la neige, ou des tempêtes hors-saison. Le réchauffement climatique est encore un processus relativement lent et les moyennes planétaires restent des moyennes, c'est-à-dire, une addition de moments chauds et froids. Après tout, nous pourrions nous dire qu'une augmentation de +1,3° à l'échelle planétaire ou même de +2° à l'échelle belge ou française est « limitée ». Ceci n'empêche pas de constater que les maximums absolus de pays au climat tempéré ont progressé de 5 à 6° pour ne prendre qu'un exemple. De plus, le climat est un système non-linéaire, c'est-à-dire que la température n'augmente pas de la même façon durant des périodes identiques. Par exemple, durant le printemps, la température peut augmenter début avril et diminuer à la fin du mois. La température n'augmente pas de 0,3 degré chaque jour. C'est la même chose avec le climat, et des années froides peuvent donc succéder à des années chaudes. Donc, il existe encore des moments froids en Belgique, et essentiellement pour 2 raisons immuables : nous nous situons plus proches du Pôle que de l'Equateur et les lois de la physique n'ont pas changé. Donc, dans certaines circonstances, il peut faire très frais, et ceci pourra encore durer un moment. Ailleurs, les choses peuvent encore se révéler très froides, comme en Sibérie ou Antarctique. L'hiver dernier, des températures inférieures à -65° ont encore été relevées en Yakoutie. Et que viendra-t-on dire si un jour le record absolu de froid planétaire est battu en Antarctique ? Que la planète se refroidit ? La Sibérie, et encore plus l'Antarctique sont encore très isolés des mers qui tiédissent le climat et sont recouverts de neige et/ou de glace. Les lois de la physique sont ici pleinement à l'oeuvre et ne changeront jamais. Cela n'empêche pas le réchauffement climatique d'attaquer les inlandsis et d'impulser des vagues de chaleur jusqu'en Sibérie du Nord en été.

Idéologies climatiques

Ces dernières semaines, les réflexions les plus incroyables ont été débitées sur les réseaux sociaux à propos de ce printemps « trop frais ». Il paraîtrait qu'il faudrait revoir la période de référence climatologique, comme nous en avons parlé plus haut. Nous avons expliqué pourquoi ceci est impensable. Mais 2 autres « propositions » ont été formulées : revoir les méthodes d'observations et de mesures car « on se les caille » (sic) et que les données enregistrées ne correspondent pas au ressenti des gens, et ne pas inclure les températures minimales dans le calcul de la température moyenne journalière car elles supportent en grande partie l'excédent thermique. Se rend-on compte de l'aberration mathématique proférée ? Une moyenne journalière doit obligatoirement inclure la nuit puisqu'elle fait partie des 24h. Une nuit douce voire chaude en été est d'autant plus d'importance car c'est la période de repos du corps humain, surtout par canicule. De plus, la température minimale, souvent relevée entre 6 et 8h, correspond au moment où nous nous rendons au travail. Malheureusement, pour les climato-sceptiques, inclure une température nocturne élevée pose problème car elle fait monter la moyenne journalière alors « que nous ne faisons rien pendant la nuit ». En réalité, avec un peu d'humour, on pourrait proposer à ces personnes de retirer les maximums de 30°, les minimales au-dessus de 15°, d'appliquer un multiplicateur à toute minimale en-dessous de 5°, et une exponentielle à un température négative. Quant au changement de méthodes d'observations, celles-ci sont appliquées depuis des décennies, voire des siècles, et donc même avant le réchauffement climatique, et ont été développées avec rigueur. Etienne Klein a déclaré un jour que « la Science n'est pas démocratique car nous n'avons pas soumis au vote parlementaire les lois de la Science, notamment le modèle globiste de la Terre », et ce, pourrions-nous ajouter malgré que la Science se repose sur la liberté d'expression et l'esprit critique. Va-t-on soumettre au référendum populaire les méthodes de calculs des moyennes, des observations, et tant qu'on y est les équations des modèles de prévision numérique ? Il est assez incroyable de penser qu'il faudrait adapter les méthodes d'observations et de calculs pour satisfaire un ressenti qui est tout sauf rigoureux et largement porté par des desideratas et une idéologie anti-science. Pour terminer sur ce point, certains pensent que parce que les données ne correspondent pas à leur ressenti, celles-ci sont fausses et que le réchauffement climatique est une mascarade. Que dire ...

Que ceci ne nous empêche pas de nous poser des questions sur nous-mêmes et d'adopter un esprit critique par rapport à certains comportements scientifiques et à la gestion de la crise. Nous ne pouvons pas éviter d'aborder ici probablement le point noir des « réchauffistes » : leur politisation et les réunions de type COP. C'est un point délicat car il montre qu'ils sont loin d'être blancs mais aussi car la bonne attitude à adopter n'est pas si simple que cela. Nous avons bien signalé que certains se limitent à lister les records de chaleur et les événements extrêmes. Toutefois, certains vont nettement plus loin que cela et s'engagent dans des idées politiques. Bien évidemment, comme tout citoyen, il est normal de vouloir s'engager et cela est même plutôt sain et de bon aloi pour apporter ses idées afin de résoudre la crise. Mais lorsque cet engagement se réalise un peu à la manière de « le beurre et l'argent du beurre », soit en ayant une influence notable sur les décisions politiques et économiques tout en n'étant pas élu, cela peut poser problème. Ces influenceurs n'auraient alors de comptes à rendre à personne tout en ayant modifié la vie des citoyens. Le sommet de cette influence légèrement obscure est atteint lorsque ces experts donnent de bons et mauvais points aux décideurs politiques. Illuminés par un combat presque moral, ces spécialistes s'autorisent ainsi d'une manière presque religieuse à guider les décideurs, à la façon d'une Sainteté Papale. De plus, on pourrait aussi se demander si certaines idées promues sont réellement compatibles avec la lutte contre le réchauffement climatique, mais cela est du ressort du débat politique. Le problème, c'est que la théologie du fait dans le cas du réchauffement climatique pousse certains experts à se politiser de telle manière que telle ou telle politique n'est plus du ressort du débat alors qu'on peut se poser des questions sur la pertinence des idées. Nous avons pu voir à plusieurs reprises sur les réseaux sociaux certains experts politisés défendant certaines idées comme si c'était des choses actées, mais qui ne sont bien souvent pas approuvées par la majorité de la population. Ceux-ci s'entêtent pourtant, traitant alors le contradicteur avec beaucoup de mépris. Pensent-ils réellement que c'est en se comportant ainsi qu'ils convaincront la population du bien-fondé de leur combat ?

Ces experts n'en restent pas là. Ils ont leur idée sur d'autres thèmes non-climatologiques. Là encore, il est évident que chacun a ses idées et qu'il est normal de les défendre. Mais mesurent-ils que de s'impliquer publiquement pour des causes qui sont considérées comme « pro-système » par une partie de la population peut raidir celle-ci dans la lutte contre le réchauffement climatique ? Car celui-ci a été récupéré par « le système » alors qu'il en est largement le produit. Faire partie de ce système d'une manière ou d'une autre en promouvant publiquement des idées qui lui sont liées déplaît de plus en plus à la population, d'autant plus que celle-ci doit modifier son mode de vie avec des contraintes (qui peuvent se justifier, là n'est pas la question) pendant que les experts ont bien souvent une vie plus que confortable avec une place au soleil et à l'écart de toutes les crises de notre époque actuelle. Voir par exemple ces réunions COP avec nombre de décideurs politiques et économiques, des lobbies et des influenceurs assez obscurs discuter avec ces experts fait largement tâche, et cela est tellement visible que les associations de défense de l'environnement s'en émeuvent, et en réalité beaucoup de personnes. Voir ce petit monde sourire autour de champagne et de petits fours, dans le confort de salles climatisées, prenant des décisions pour une population qui a de plus en plus de mal à joindre les 2 bouts ne l'encouragera certainement pas à suivre le mouvement. Pour obéir à des gens, il faut que ceux-ci soient des exemples et le montrent. Or, c'est loin d'être le cas. Au final, c'est idéologie contre idéologie, où les climato-sceptiques rejettent en bloc toute donnée climatique et où les réchauffistes ne sont plus capables de débattre des idées pour résoudre la crise climatique. 

Covid-19 et climat, même combat ?

Indéniablement, dans les relations entre les décideurs politiques guidés par les experts et la population, la pandémie de Covid a été un point de bascule fondamental, même s'il y avait des germes préalables, et probablement depuis de nombreuses années. Le Covid-19 est évidemment un point sensible, et nous n'avons pas envie de donner fondamentalement notre avis public sur ce sujet car nous ne sommes pas virologues ou épidémiologistes, même si là chacun a son avis sur ce thème, et c'est bien normal. Le fait est qu'un nombre croissant de personnes se méfient du « réchauffisme » et des théories anthropogéniques depuis la crise du Covid-19, arguant que les experts du climat sont les mêmes que ceux de la pandémie. Il y a pourtant une différence fondamentale entre le Covid-19 et le réchauffement climatique : le deuxième est mesurable depuis des décennies avec des instruments à la fois simples mais rigoureux, parfaitement calibrés, vérifiés, et vérifiables. Ce n'est pas parce que les chiffres de la pandémie sont contestés par certains que le réchauffement climatique peut aussi l'être. Ce sont 2 sciences différentes et 2 phénomènes différents. Certains peuvent évidemment dire que les experts nous mentent sur tout, que le Covid-19 n'a jamais existé, que les vaccins introduisent une puce 5G, que la Terre est plate, que le réchauffement climatique n'existe pas, que les avions pulvérisent du poison à travers les « chemtrails » ou d'autres complots, mais cela n'est pas notre dîner du dimanche midi familial. Si vous pensez cela, nous ne pouvons donc rien pour vous.

Un des arguments venant de la pandémie Covid-19 et qui s'attaque au réchauffement climatique et à ses projections est celui des modèles de prévision numérique. Certains pensent encore une fois que, comme les modèles épidémiologiques « ont montré  leurs failles », ceux du climat vont aussi le faire. Encore une fois, ce sont 2 sciences différentes. Mais bien évidemment, comme il est avancé que les météorologues « se trompent tout le temps » (Ah?!), les modèles climatiques sont de facto erronés. Par rapport aux prévisions classiques pour les prochains jours, il faut s'arrêter un moment sur « la révolution silencieuse » a un jour titré un journal, soit l'amélioration qualitative des prévisions météorologiques depuis de nombreuses années, à tel point que l'indice de vérification culmine à plus de 90% pour le court terme, et à près de 50% pour le long terme. Nous pourrions reprendre jour après jour les prévisions pour une région donnée et montrer à quel point celles-ci se vérifient. Le problème, c'est que soit les médias déforment ou simplifient à outrance, oubliant de nombreux détails, soit la population ne lit ou n'écoute pas correctement. Mais nous avons décidé de prendre un exemple, qui paraîtra sans doute éloigné dans le temps et dans l'espace, et aussi sans doute inconnu, mais qui a le mérite de parler d'un événement extrême : un ouragan. Pour les Etats-uniens, l'ouragan de Galveston de l'an 1900 est l'exemple parfait de catastrophe naturelle météorologique ayant eu un impact plus que significatif puisqu'il a fait 8000 morts. Ce système tropical s'est comme d'habitude nettement renforcé au-dessus des eaux chaudes du Golfe du Mexique, mais a forcément surpris la population de Galveston, cet avant-port texan de Houston, situé sur un cordon littoral de 2m de haut. Avec sa houle de près de 5m de haut, et dans la société non-technologique de cette époque, l'ouragan lamina donc la côte avec ce bilan humain effrayant. Plus d'un siècle plus tard, les ouragans produisent beaucoup moins de morts, en ce compris l'inoubliable Katrina qui produisit 5 fois moins de morts mais avec une houle de 9 mètres et une non-préparation des populations dont nous nous rappelons qu'elle avait fait polémique. En 2008, l'ouragan Ike est passé dans la même région que l'ouragan de Galveston avec une houle de près de 6 mètres, causant « seulement » 82 morts. D'autres ouragans destructeurs, de catégorie 5, sont passés depuis sur les côtes du Golfe du Mexique, ne tuant « que » quelques dizaines de personnes. A quoi doit-on cela ? D'abord, aux satellites, mais aussi aux modèles de prévision numérique qui réduisent année après année ce qu'on appelle le « cône d'incertitude », soit la région potentiellement concernée par l'impact direct de l'oeil du cyclone. A côté de cela, de nombreux outils permettent de connaître les différents impacts en termes de houle, de précipitations, et de vents avec grande précision géographique. Les autorités prennent les décisions en fonction de cela. Evidemment, ceci est plus facile dans un pays comme les Etats-Unis, mais si les morts sont encore nombreux dans des pays comme les Philippines au passage du typhon Haiyan en 2013, cela est dû à la pauvreté et au manque de préparation. Il suffit d'ailleurs de comparer le nombre de morts au Japon après le passage d'un typhon avec celui d'un tsunami ou d'un tremblement de terre pour se convaincre de cette « révolution silencieuse ».

Donc, les modèles météorologiques ne défaillent pas, ou si peu, et la connaissance de plus en plus pointue du système océan-atmosphère nous permet d'effectuer des prévisions et tendances de plus en plus précises et fiables, à une semaine, 10 jours, et même plusieurs semaines dans la catégorie infra-saisonnière en analysant notamment le comportement des Tropiques. Quant aux modèles climatiques, ils intègrent d'autres éléments comme le bilan radiatif lié aux émissions de gaz à effet de serre et le comportement des océans. Ce sont donc des paramètres fort différents des prévisions météorologiques classiques. Même à supposer que les prévisions à court terme n'arrêteraient pas de se tromper, ceci ne voudrait pas dire que les modèles climatiques suivent la même tendance.

Terrorisme” climatique 

Les « dysfonctionnements » des modèles font partie de ces psittacismes que l'on applique confortablement à la météorologie et à la climatologie. Une personne lache une « théorie » et elle est presque répétée en boucle car elle est facile à retenir et nous enferme dans une zone de confort intellectuelle, ou plutôt anti-intellectuelle. Le meilleur exemple que les spécialistes de l'atmosphère doivent probablement affronter ces dernières années est celui des cartes rouges lorsqu'il fait chaud. Que n'a-t-on pas entendu à son sujet ? Encore récemment, un abonné d'un compte ami a estimé que « la climatologie était devenue du nazisme ». Mais selon tous les « théoriciens » de cette assertion, nous terroriserons la population avec les plages rouges, brunes, et violettes, et qu'il est incroyable d'appliquer une plage rouge en été à des températures de 25°. Mais c'est justement là que l'on trouve le ridicule de l'affirmation : d'abord, cette couleur est appliquée en toute saison, mais aussi et surtout à toutes les régions du monde ! Par exemple, le rouge est appliqué en Inde en mai sur les cartes d'Infoclimat ou de Meteociel. De plus, contrairement à ce qu'on dit, elles est bien appliquée depuis des années. La raison de tout ceci est simple : ne pas changer la chaleur quelles que soient la saison et la région lui octroie une neutralité parfaite. Devrait-on supprimer le rouge de ces cartes pour ne pas faire peur à certaines personnes, et ne garder que le bleu, le vert, et le jaune ? Là aussi, devrait-on passer par la voie référendaire pour satisfaire ces personnes ? Si nous appliquons le bleu à des températures froides, c'est parce que depuis des années, le bleu correspond au froid. Inversément, le rouge correspond à la chaleur, notamment pour désigner les coups de soleil, et cette théorie est aussi optiquement liée aux couleurs jaune à rouge visibles lors du lever et du coucher de soleil. Cette polémique n'est pas sans rappeler aux gens qui sont allergiques au rouge lors des notations des élèves, la trouvant trop agressive. On pourrait ajouter cette fameuse et savoureuse réplique de Benoît Poelvoorde dans « C'est arrivé près de chez vous », parlant d'un nouveau quartier construit en briques rouges et déclamant : « Le rouge, c'est la couleur du sang, c'est la couleur de la violence, c'est la couleur des Indiens ». Et de rajouter : « Mais c'est aussi la couleur du vin, qui dit pot-de-vin, magouilles politico et compagnie ». Définitivement, cette pandémie joue un sale tour aux experts, mais toute cette agitation démontre que la nature humaine est très particulière, et surtout sa psychologie. La seule vue du rouge dans les cartes météo nous fait penser que les spécialistes veulent nous manipuler alors que la situation météorologique est normale. Parmi les réactions les plus extrêmes, certains pensent que nous voulons les terroriser avec ces plages rouges, et inciter au confinement comme au bon vieux temps du Covid-19. C'est oublié que les autorités conseillent depuis des décennies de rester chez soi et plus généralement dans des endroits frais, ou en tout cas moins chaud, en période de canicule. 

Un autre psittacisme est celui du “c'est normal, c'est l'été”. Depuis plusieurs années,  lorsque les spécialistes annoncent des températures très chaudes, certains sceptiques n'hésitent pas à ressasser que les fortes chaleurs sont normales en été. Encore une fois, c'est mal connaître le climat de nos régions ou même du bassin méditerranéen. Comme nous l'avons déjà signalé, il est normal d'enregistrer cinq journées tropicales, soit à 30 degrés ou plus, à Bruxelles  durant l'été. Avec la variabilité climatique, nous pourrions pousser jusqu'à environ 8 jours. Mais atteindre 10 journées ou plus, comme certaines de ces dernières années, n'est pas normal. Plus bas, du côté de Nîmes, une température maximale normale en juillet est de 31 degrés. Il est donc possible d'atteindre ponctuellement des valeurs supérieures à 35 degrés. Mais cela doit rester ponctuel, et des valeurs de 40 degrés ou plus sortent beaucoup plus de la normale. Enfin, penser que 45 ou même 50 degrés de l'Espagne au Maghreb est normal en été, ce n'est pas raisonnable et cela démontre la méconnaissance du climat par les climato-sceptiques, et surtout leur volonté de ne jamais admettre la réalité.

Avons-nous raison de nous inquiéter ? Ou sommes-nous trop « alarmistes », « catastrophistes » ? Et est-ce pour cela que notre rouge sur ces cartes « terrorisent » les gens ? Il est vrai que comme nous l'avons déjà mentionné, certains exagèrent. Un jour, une experte scientifique mais dans une autre spécialité que la climatologie avait mentionné suite aux records de chaleur enregistrés à Lytton en Colombie-Britannique en juillet 2021 que « le continent ne serait bientôt plus vivable ». Le destin d'une petite ville ne correspond évidemment pas à celui d'un continent, mais il est vrai que les images des incendies avaient frappé les mémoires. Pour autant, les Etats-Unis sont équipés de systèmes de climatisation, surtout dans le Sud où la chaleur et l'humidité règnent depuis des lustres. Ceci étant, il est évident que lorsque vous vivez dans des régions à plus de 40° pendant de nombreuses journées, même si vous êtes « habitués », le corps humain s'en retrouve clairement affecté. Pour avoir vécu dans un pays tropical avec des maximales de plus de 35° pendant 5 mois, votre serviteur sait que votre vie est affectée et que les locaux, même « habitués » ne peuvent certainement pas avoir la même productivité qu'avec un climat plus tempéré. Après les 35 degrés de température maximale le soleil tombe vite derrière l'horizon dans les Tropiques ce qui donne aux soirées tropicales une douceur sèche et légèrement ventée tout à fait agréable. C'est sans doute cela qui a permis à votre serviteur de supporter ce climat tropical. 

Survivre et s’adapter à la chaleur

Malheureusement, toutes  ces régions chaudes ne bénéficient pas de soirées plus agréables. Qui plus est, certaines sont particulièrement humides, ce qui rend plus difficile  une vie productive. Pour l'être humain, la nuit est un moment fondamental pour se reposer, recharger les batteries, et reprendre une vie plus ou moins normale dans la fournaise de la journée. Si la nuit est trop chaude et/ou trop humide, le corps ne sera pas suffisamment reposé et l'accumulation de journées torrides et de nuits trop douces voire chaudes peuvent provoquer des dérèglements chez les personnes les plus vulnérables. Bien évidemment, on peut se demander comment il n'y a pas plus de morts dans les régions tropicales où la température dépasse presque chaque jour 40 degrés avec parfois des taux d'humidité élevés et certaines journées où l'on dépasse les 45 voire 50 degrés. Encore une fois, tout tient à l'habitude et à l'adaptation des sociétés tropicales. Un jour, un habitant de l'Iran nous avait confié que l'accès à une climatisation bon marché dans ce pays aux températures torrides, notamment dans le sud, permettait aux habitants de mieux affronter les températures extrêmes. Ceci est un sujet délicat qu' il faudrait aborder dans d'autres articles car cela  nous amènerait à parler de la gestion de l'énergie et plus particulièrement de l'accès à la climatisation dans des régions qui en auront plus besoin dans les prochaines décennies. Toutefois, le climat de ces régions tropicales est réglé comme une horloge à la différence des climats tempérés qui sont beaucoup plus variables. Si d'aventure la période chaude était un peu plus intense ou un peu plus longue cela peut fortement dérégler le corps humain et toute la société avec une surmortalité plus importante. À ce sujet, l'exemple de l'Inde est frappant car le futur pays le plus peuplé du monde peut supporter pendant quelques semaines des températures de 40 degrés voire plus, mais si la mousson est tardive, la population s'en trouve fort affectée. Il est évident que ce géant asiatique n'aurait pas la même climatologie, la même géographie, la même population, et la même économie sans cette mousson bénéfique et nécessaire. De plus, dépasser les 50 degrés et se rapprocher de 55 degrés avec des points de rosée dépassant les 30 nous rapprochent des limites humaines et ce malgré nos capacités d'adaptation. À titre d'exemple, l'Arabie Saoudite vient récemment de battre des records de température, frôlant les 52 degrés, provoquant la mort de plusieurs centaines de personnes. Avec le réchauffement climatique, certaines régions du monde deviendront effectivement difficiles à vivre avec des déplacements de population qui pourraient bouleverser les sociétés humaines et leurs économies. Les climato-sceptiques arguent que de nombreuses populations vivent sous des températures infernales sans toutes mourir afin de minimiser le réchauffement climatique, et il est vrai que cela devrait nous faire réfléchir certains avant d'annoncer qu’un continent entier va périr, mais des mécanismes d'adaptation leur permettent de survivre, et la période très chaude ne dure pas suffisamment longtemps pour empêcher la vie. Rappelons au passage qu'une exposition à des températures de 50 degrés ne provoque pas la mort dans la minute. Il faut un laps de temps plus important pour se rapprocher et atteindre le point de non-retour. Néanmoins, fragiliser cet équilibre met en danger de nombreuses populations et plusieurs degrés supplémentaires modifieraient totalement leur vie. 

Quant aux régions des climats tempérés, nos capacités d'adaptation sont aussi soumises à rude épreuve. Vivre ponctuellement quelques journées à 30 degrés voire plus pour le bassin méditerranéen est parfaitement vivable. Par exemple, une température maximale normale en juillet à Nîmes est de 31 degrés. Vivre une vague de chaleur tous les cinq ou six ans en Belgique est normal. Mais si la chaleur devient plus intense, plus longue, et plus étendue dans l'espace, alors nos capacités d'adaptation vont commencer à rencontrer des limites. Ces dernières années, en Belgique, les vagues de chaleur sont pratiquement annuelles : L'été 2018 a été le plus chaud jamais enregistré, l'été 2019 a enregistré 3 vagues de chaleur avec des maximales dépassant les 40 degrés le 25 juillet, août 2020 a enregistré une vague de chaleur avec 8 jours consécutifs à 30 degrés dont 7 à 32 degrés, 2022 a aussi enregistré une vague de chaleur en août, et l'été 2023 a enregistré le mois de juin le plus chaud de l'histoire avec une vague de chaleur longue et précoce. Le mois de septembre a suivi la même tendance avec pour la première fois de l'histoire une vague de chaleur automnale en Belgique. La vague de chaleur d'août 2020 a provoqué la mort de 1500 personnes, selon l'organisme fédéral Statbel. On pourrait alors se demander ce qu'il se passerait si les températures augmentent de 1 à 2 degrés supplémentaires sur l'Europe Occidentale. Vivre une longue période avec des maximales de 30 degrés et des minimales de 20 degrés perturbe l'organisme et les sociétés. Au petit matin, se réveiller après une nuit qui n'a pas été suffisamment réparatrice nous empêche d'être suffisamment productif. Pour les personnes les plus vulnérables, c'est le fonctionnement intégral du corps humain qui est en jeu avec des complications voire pire dans les cas extrêmes. Il suffit de voir l'organisation de notre société avec notamment une architecture peu aérée et fort colorée contrairement à celles que nous retrouvons en Méditerranée pour constater que notre climat n'est pas chaud et que notre société n'est pas adaptée à de tels changements. Un jour, un de nos abonnés nous a interpellé sur deux choses :  la première, c'est que 1500 personnes sont une minorité, et la deuxième est que l'été venu beaucoup de personnes se ruent vers la Méditerranée pour le soleil et la chaleur. Pour la première réflexion, cela voudrait dire qu'il faudrait des centaines de milliers, voire des millions de morts pour que nous nous inquiétions. Pour la deuxième réflexion, nous pourrions déjà répondre que notre société du loisir nous fait la promotion de manière continue du soleil et de la chaleur. Ensuite, nous nous dirigeons tous vers la mer Méditerranée mais au bord de l'eau où les températures sont plus agréables, et dans des hôtels climatisés. Rares sont les personnes qui apprécient les arrière-pays où il fait 35 degrés durant plusieurs jours en dormant sans climatisation. Un jour sur notre compte X, nous avons réalisé un sondage sur la température idéale en été avec quatre options possibles : les deux principales options, de 20 à 25 degrés et de 25 à 30 degrés rassemblaient 90 % des réponses, avec une légère préférence pour la catégorie 25-30 degrés. Ceci démontre que la température idéale pour les 600 répondants se situe aux alentours des 26 à 27 degrés. Même si ce nombre de répondants n'est pas suffisamment représentatif d'un sondage sérieux, il semble confirmer que la grande majorité des personnes n'aime pas les fortes chaleurs.

Refaire civilisation

En résumé, il est normal de s'inquiéter et même de tirer la sonnette d'alarme. En effet, au plus nous refusons de voir la réalité des choses en face, au plus le réchauffement climatique risque d'être difficilement maîtrisable et nous risquons d'avoir de grandes difficultés à nous adapter. Ceci étant, il ne faut pas non plus être catastrophiste comme le sont certains qui pensent que nous allons tous mourir dans 1024 jours si nous ne faisons rien. À ce sujet, certains pensent que le réchauffement climatique est la seule crise de notre époque et que c'est le seul sujet qu'il faut traiter. Malheureusement, d'autres défis sont à relever. Ils sont trop nombreux pour les lister ici et ce n'est pas non plus notre volonté. Si nous parlons de périls qui peuvent mettre en jeu l'existence même de l'Humanité, le risque d’utilisation d'armes nucléaires est certainement le plus grand, et Dieu sait si notre époque est délicate à ce sujet. Dès lors, pourquoi les personnes qui manifestent parfois d'une manière hystérique et irrationnelle contre le climat ne manifestent-elles pas contre ce plus grand péril ? Ce serait plus crédible que de lancer de la purée de pommes de terre contre des peintures mondialement connues.

Nous aimerions conclure en insistant d'abord sur un point : non, la plupart des climatologues et des météorologues professionnels ou amateurs passionnés n'est pas liée aux idées du Forum de Davos et à la mondialisation liberticide, comme dénoncé par des militants complotistes des réseaux sociaux. En effet, depuis la pandémie du Covid-19, les réseaux sociaux sont devenus le nid d’idées plus ou moins saugrenues qui nous assimilent à des manipulateurs et des décideurs sans scrupules. Même si nous avons abordé le sujet des experts politisés et que nous l'avons déploré, Météo Pédagogie et ses amis ne font pas partie de ce groupe d'experts parfois peu recommandables, et nous ne sommes pas payés par le GIEC, Emmanuel Macron, des gouvernements, ou des lobbies manipulateurs. Nous sommes des citoyens normaux, avec nos idées propres, et les gens qui nous dénonceraient pour être des amis du forum de Davos seraient bien étonnés s'ils nous connaissaient, nous et nos idées. En effet, nous sommes très loin de ce petit microcosme à propos duquel nous avons un esprit bien critique. Ceci ne nous empêche pas d'être inquiets car les observations nous donnent raison. Heureusement, la plupart du temps, nous n'avons pas à nous plaindre, mais d'autres personnes, parfaitement honnêtes, sont presque constamment harcelées voire menacées, y compris de mort. Un de nos amis proches en a fait les frais. A ce sujet, il faut préciser une chose : non, la liberté d'expression n'autorise pas tout . Celle-ci n'autorise pas les menaces de mort, le cyber-harcèlement, et autres comportements particulièrement malveillants. Il est d'ailleurs “comique” de constater que les climato-sceptiques sont les premiers à exiger le débat et la liberté d'expression, mais les refusent en appliquant des méthodes parfois condamnables. Ils utilisent des arguments qui n'en sont pas, insultent, menacent, bloquent des comptes, les dénoncent publiquement, et encouragent au lynchage. Drôle de méthodes pour des gens qui prétendent défendre la démocratie et les libertés. Ils critiquent aussi les “influenceurs météo” pour leur recherche du buzz et leur “volonté d'exister” sur les réseaux sociaux (comportement que nous avons dénoncé), mais ils ne font pas mieux en cherchant le buzz sur base de fausses informations, en s'excitant comme des guêpes au-dessus d'un pot de confiture lorsque nous relayons les records et les dérèglements climatiques, et lancent leurs abonnés sur les comptes d'experts honnêtes comme une horde d'Orcs du Seigneur des Anneaux. En réalité, si ces gens étaient au pouvoir, il serait encore pires que ceux qu'il dénoncent. Il suffit de constater comment ils se comportent sur les réseaux sociaux, et notamment sur les pages, comptes ou groupes qu'ils gèrent, en censurant les commentaires qui ne vont pas dans leur sens, en pratiquant l'intimidation, et les moqueries méchantes. Les plus extrémistes de ces militants sont des gens dangereux. Ceci ne veut pas dire que des décisions effectivement liberticides ou en tout cas largement contestables ne sont pas prises dans les différents niveaux de pouvoir et dans certains pays. Le réchauffement climatique a été largement récupéré par certaines personnes, avec parmi elles aussi des dangers pour notre société parmi les plus extrémistes des « réchauffistes ». Il faut donc savoir se remettre en question, réapprendre la culture du débat, et la notion d'objectivité. Il faut ajouter à cela l'humilité car beaucoup trop de personnes, dans le domaine de la climatologie ou d'autres, s'expriment à tort et à travers sur des sujets qu’ils ne maîtrisent pas suffisamment. C'est ce qu'on a appelé durant la crise du Covid-19 l’ultra-crépidarianisme. À une époque charnière pour notre civilisation, sortons du déni, sachons admettre les réalités, et ne retournons pas dans des époques obscures où on brûlait les livres, et même parfois les personnes pour leurs idées. Dans son excellent spectacle « l'exoconférence », le réalisateur de Kaamelott Alexandre Astier interprétait un religieux intégriste opposé aux idées héliocentristes de Nicolas Copernic, et lui répondant avec humour provocateur qu'il ne fallait pas déranger les gens avec de nouvelles idées saugrenues et que les théories religieuses permettaient au soleil de frapper la terrasse et le barbecue à l'heure de l'apéro. En ce qui nous concerne, nous paraphraserons Galilée qui s'était écrié « Et pourtant, elle tourne » en concluant par « Et pourtant, elle se réchauffe”.

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