samedi 25 juillet 2015

La prophétie du Pukkelpop


En météo, la mention du « Pukkelpop », festival de musique rock alternatif situé à Kiewit, près de Hasselt, fait surgir en nous un sentiment d'effroi. En ce 18 août 2011, un violent orage accompagné de très fortes précipitations et d'une puissante rafale descendante ravagea le site du festival à tel point que tentes et châpiteaux s'abattirent sur le public, causant la mort de 5 festivaliers. Bientôt 4 ans après les faits, ce sentiment est encore présent. Il l'est d'autant plus que l'auteur de cet article a vu passer le même orage sur son village, à l'Est de Louvain, dans des conditions certes moins dévastatrices, mais qui lui laissèrent un souvenir très particulier. Nous vous proposons donc de revenir sur cet événement sous la forme d'une chronique à dimension très humaine introduite par un rappel des conditions atmosphériques.

jeudi 23 juillet 2015

Le brouillard: formation et types

Phénomène basique et assez courant en automne et en hiver, le brouillard est un phénomène pourtant régi par des lois physiques assez complexes et est surtout l'un des phénomènes météorologiques les plus difficilement prévisibles. En effet, sa formation est souvent due à des particularités locales que les modèles ne parviennent pas encore à intégrer malgré les progrès de la prévision numérique engrangés ces dernières années. Cet article permet de comprendre comment le brouillard se forme et quels sont les différents types.

Brouillard dans l'Entre-Sambre-et-Meuse (auteur: H. Vicenzi)

Brouillard ou brume?

Les deux termes sont souvent utilisés sans distinction pour désigner le phénomène. Or, dans le vocabulaire météorologique, ils désignent deux comportements différents:
  • On parle de brume lorsque la visibilité est supérieure à 1 km. Cette brume peut aussi survenir pendant les journées d'été avec peu de vent, mais celle-ci ne se forme pas alors traditionnellement. Il s'agit plutôt d'une concentration de poussières et de particules de pollution. Dans ce cas, on parle de brume sèche.
  • On parle de brouillard lorsque la visibilité est inférieure à 1 km. Il s'agit d'une concentration de minuscules gouttelettes d'eau maintenues en suspension dans l'air par la turbulence de ce dernier mais aussi par le jeu des charges électrostatiques identiques de ces gouttes, les maintenant séparées les unes des autres. Le brouillard n'est rien d'autre qu'un nuage touchant le sol, très souvent du type stratus.
Formation

Le brouillard étant un nuage, il nécessite la même condition de formation, à savoir un air saturé en humidité. L'humidité relative est alors de 100 %. Cela signifie que l'air, d'une température donnée, ne peut plus contenir davantage d'eau sans que l'humidité se condense en nuages, voire en précipitations. Cette condition peut être atteinte de deux manières:
  • Soit par refroidissement de l'air, sans changement de la quantité absolue (réelle) d'humidité. La physique nous dit qu'un air plus froid peut contenir moins d'humidité dans l'absolu. Considérons ici deux données: d'une part la quantité d'humidité réelle de l'air (appelons-la Qr), et d'autre part la quantité maximale d'humidité que ce même air peut contenir (appelons-la Qm). Qr ne va donc pas changer tout au long du processus de refroidissement de l'air. Par contre, Qm diminue. A force de refroidissement, Qm finit par être égal à Qr, l'humidité relative atteint 100 %, l'air devient donc saturé en humidité. Il ne peut se refroidir davantage sans condenser une partie de l'humidité, formant des gouttelettes, et donc du brouillard.
  • Soit par augmentation de l'humidité réelle de l'air, sans changement de température. Cela peut provenir de l'évaporation d'un sol gorgé d'eau ou d'une étendue d'eau. Ici, Qm ne bouge pas, c'est Qr qui grimpe. Une nouvelle fois, lorsque Qr finit par être égal à Qm, nous assistons à la saturation de l'air et à la formation de brouillard.
Un autre paramètre est essentiel pour la formation du brouillard: un vent faible ou inexistant qui ne remue pas l'air en refroidissement.

Types de brouillard

Le brouillard de rayonnement

Il est indissociable du phénomène d'inversion présenté quelques mois auparavant (article sur l'inversion de température). Ce brouillard se développe selon le premier mode de formation expliqué ci-dessus et survient la nuit et tôt le matin. En cours de nuit, le sol rayonne en infrarouge, et se refroidit plus rapidement que l'air. Néanmoins, les premiers mètres de la troposphère se refroidissent également suite au contact avec le sol. Il se forme ainsi une couche près du sol plus froide que l'air au-dessus. Si cette couche d'air se refroidit suffisamment jusqu'à saturation, du brouillard finit par se former. Ce brouillard peut présenter une très grande densité et une visibilité très réduite, mais il peut être assez réduit en hauteur. Ainsi, il arrive qu'en circulant dans ce brouillard, on puisse voir la lune et les étoiles au-dessus alors que la visibilité horizontale est très réduite.


Ce brouillard se forme donc la nuit et peut survenir en toute saison. Sa dissipation s'effectue généralement en matinée grâce à l'élévation de la température. Toutefois, en hiver, il peut arriver que le soleil ne soit pas suffisant pour réchauffer la couche d'air prise par le brouillard. Celui-ci subsiste alors toute la journée.

Le brouillard d'advection

Ce brouillard se forme lorsqu'une masse d'air doux et humide arrive sur un sol froid. Le bas de la couche d'air se refroidit suite au contact avec le sol, et si la baisse de température est suffisante, du brouillard se forme. Cela se produit souvent en hiver lorsqu'un front chaud arrive au-dessus de régions ayant été soumises à un temps froid d'assez longue durée auparavant.

Le mode de formation de ce brouillard est donc mixte: à la fois une diminution de température et un apport supplémentaire d'humidité.

L'inverse (air froid sur sol chaud) existe aussi, mais est plus rare chez nous.

Le brouillard d'évaporation

Il se forme généralement après le passage d'une perturbation active ou d'orages très pluvieux. Le sol et la végétation gorgés d'eau restitue de l'humidité dans l'atmosphère. Si cet apport d'humidité (deuxième mode de formation) est important, du brouillard peut se former. Généralement, ce brouillard est peu épais et assez localisé.

Ce brouillard se forme aussi au-dessus des étangs et lacs, lorsque ceux-ci présentent des températures plus élevées que celles de l'air. L'humidité de l'évaporation se condense immédiatement en brouillard, sous forme de touffes laissant l'impression que l'étendue d'eau "fume".

Brouillard de précipitations

Ce brouillard accompagne parfois les fronts chauds en automne et en hiver, lorsque des précipitations continues tombent dans un air plus froid près du sol. Ces précipitations surchargent cet air en humidité, menant à la formation d'un brouillard rarement dense, mais néanmoins visible, troublant la visibilité.

Brouillard d'inversion de subsidence

Il se produit à la fin de l'automne et en hiver par temps anticyclonique. L'anticyclone entraîne une descente d'air. Celui-ci se réchauffe par compression adiabatique, et peut se retrouver ainsi plus chaud que l'air plus froid près du sol sur lequel il vient butter. Des nuages se forment au contact entre les deux masses d'air. Si la limite s'abaisse près du sol, du brouillard peut se former, d'autant plus que l'humidité reste piégée dans les basses couches de la troposphère.



Brouillard givrant

Il ne s'agit pas d'un type de brouillard à proprement parler. Il s'agit d'un brouillard dont les gouttelettes gèlent en touchant des surfaces à températures négatives. Même lorsque l'air est lui-même à température négative, les gouttelettes restent liquides (phénomène de surfusion). Elles se congèlent toutefois lorsqu'elles entrent en contact avec des surfaces. Une couche de givre de plusieurs millimètres, voire centimètres pour les cas extrêmes, peut se former.

Pourquoi du brouillard dans les vallées?

Une nouvelle fois, le phénomène d'inversion de température est en cause. La couche d'air plus froid se formant près du sol a tendance à couler vers les points les plus bas lorsque ceux-ci sont présents. L'air froid s'accumule donc dans les vallées, et l'humidité de cet air peut se condenser si celui-ci arrive à saturation; la vallée se remplit ainsi de brouillard.


jeudi 9 juillet 2015

Canicule du début juillet 2015

Il est arrivé fréquemment, depuis le début des années 2000, que le début du mois de juillet soit assez maussade. Par deux fois par contre, il fut très chaud: en 2003 et en 2006. Ces deux années furent marquées par de sévères épisodes de chaleur. C'est également le cas cette année... Il est bien sûr trop tôt pour savoir si d'autres vagues de chaleur vont survenir durant cet été 2015, mais il semble néanmoins que le mois de juillet montre des signaux de nouvelles périodes de temps chaud. En attendant, voici un compte rendu de la canicule de ce début juillet.

Une vague de chaleur officielle

Tout d'abord, l'épisode que nous avons connu est bien une vague de chaleur officielle. L'IRM définit une vague de chaleur comme une période de cinq jours consécutifs où la température maximale est au moins égale à 25°C. Parmi ces cinq jours, trois d'entre eux doivent présenter des températures maximales au moins égales à 30°C. Ces conditions ont été atteintes le vendredi 3 juillet, deux jours avant la fin de l'épisode.

Une situation atmosphérique typique des grandes canicules: le blocage Omega

Blocage Omega... Ce terme est loin de faire partie du vocabulaire de la météo basique, et pourtant il est sans équivoque lorsque l'on s'intéresse aux géopotentiels. Pour rappel, le géopotentiel est l'altitude à laquelle une pression donnée est atteinte. En météo, la hauteur des 500 hPa est très importante et donc fréquemment utilisée. La carte ci-dessous datant du 2 juillet à 2h00 représente l'évolution de cette hauteur en fonction du lieu où l'on se trouve.


Plus l'altitude de la pression 500 hPa est haute, plus les conditions sont anticycloniques, et inversement pour les dépressions. Sur la carte ci-dessus, les couleurs jaune et orange témoignent de hauts géopotentiels, donc anticycloniques, et les couleurs vert et bleu indiquent de bas géopotentiels dépressionnaires. Nous observons donc des dépressions sur l'océan Atlantique, et une grande crête anticyclonique depuis l'Algérie jusqu'en mer du Nord via la Belgique. Sur l'est de l'Europe, on retrouve des pressions relativement moins élevées, que l'on peut assimiler à une dépression. Si nous nous référons aux contrastes de couleurs (limite serrée entre le vert-jaune et l'orange), nous voyons se dessiner une grande vague ayant ses bases juste à l'ouest du Portugal et au niveau de la Grèce, et son sommet sur la Norvège. Cette forme ressemble à un Omega. Nous avons là un anticyclone en Omega, rempli d'air chaud et très robuste, qui bloque les perturbations de l'Atlantique, d'où le terme de blocage Omega.

La carte ci-dessous présente les températures observées à 850 hPa, soit environ 1600 mètres. Nous constatons effectivement la présence d'une langue d'air très chaud sur la Belgique, autour de 20-21°C. Si, au niveau du sol, de telles températures ne sont pas impressionnantes, il en va autrement à cette altitude de 1600 mètres où rencontrer de telles valeurs est assez rare. De plus, la règle veut qu'au début de l'été et par temps ensoleillé, la différence entre la température à 850 hPa et celle au sol soit d'environ 17°C, soit un potentiel pour une température de 38°C au sol!


Mardi 30 juin

Ce jour marque le début de la vague de chaleur. Les températures sont cependant modérées, et n'atteigne les 30°C que dans quelques régions du pays: en Campine (30,0 à Kleine-Brogel), au sud de la province de Namur (30,6°C à Dourbes) et à Gand (30,2°C).

Mercredi 1er juillet

Cette journée est la première réellement caniculaire, avec des valeurs remarquables. Pratiquement toutes les stations du réseau officiel dépassent les 30°C - seul le Mont-Rigi y échappe de peu avec 29,4°C - et certains postes franchissent la barre des 35°C en Flandre et dans le Nord-Pas-de-Calais. On relève ainsi 36,1°C à Gand, 35,5°C à Kleine-Brogel, 35,2°C à Koksijde, 35,1°C à Lille-Lesquin, 34,9°C à Bierset et à Uccle, 34,5°C à Beauvechain, 34,4°C à Dourbes et 34,0°C à Gosselies. Plus au sud, Paris frôle les 40°C avec 39,7°C relevés à l'observatoire de Montsouris.

Jeudi 2 juillet

D'un point de vue synoptique, cette journée est intéressante à plus d'un titre. Voici ci-dessous l'analyse de surface de 14h00.


Nous voyons une petite ligne de convergence glisser sur la Belgique (gros trait rouge). A l'ouest de celle-ci, le vent est d'ouest à nord-ouest, tandis qu'à l'est, le vent continue de souffler du sud-est. Ces différences de direction de vent vont être responsables de grandes disparités de température. En effet, le vent d'ouest, rafraîchi par les eaux marines, s'engouffre sur la Belgique derrière la ligne de convergence, empêchant le thermomètre d'exploser. Par contre, l'est de la Belgique reste à l'écart de cet air plus frais, et vit une après-midi torride et invivable avec des températures partout supérieures à 35°C sauf en Ardenne. On relève 38,1°C à Kleine-Brogel, 37,5°C à Bierset, 35,4°C à Buzenol et 35,0°C à Charleville-Mézières, avant que l'air plus frais n'arrive aussi sur ces régions à la suite de la ligne de la convergence.

Plus à l'ouest, les températures sont également chaudes, mais moins extrêmes, avec 32,4°C à Florennes, 30,3°C à Uccle et 31,5°C à Ernage. Plus à l'ouest encore, l'influence du vent marin se fait encore davantage sentir avec "seulement" 25,8°C à Ostende. Il existe ainsi une différence de près de 13°C entre la côte et la Campine!

A noter que la nuit précédente, la chaleur n'était descendue que très lentement, de telle sorte que le minimum de Bierset ne s'établit qu'à 24,7°C, à un dixième de degré du record pour cette station.

En soirée, quelques orages très locaux se développent du côté de Aywaille ainsi que dans le nord du Limbourg.

Vendredi 3 juillet

A la faveur des restes de l'air marin apporté la veille, la journée est moins chaude dans l'est de la Belgique. Ailleurs, les conditions sont assez similaires, et c'est la Lorraine belge et le département des Ardennes qui délivrent les plus hautes valeurs. On relève 34,5°C à Charleville-Mézières, 33,7°C à Buzenol, 32,9°C à Kleine-Brogel, 32,0°C à Bierset, 31,8°C à Chièvres, 31,7°C à Uccle et 30,9°C à Gosselies. 

Samedi 4 juillet

La nuit du 3 au 4 juillet tombe sur un record, celui de la température minimale la plus haute jamais enregistrée à Uccle depuis le début des mesures en 1833: le thermomètre n'y est pas descendu en-dessous de 24,5°C, soit une valeur conforme (voire légèrement supérieure) aux normes de saison des températures... maximales! Le précédent record datait du 18 juin 2002 avec 23,9°C.

La journée en elle-même est à nouveau très chaude avec 32,0°C à Chièvres, 34,2°C à Dourbes, 32,1°C à Dourbes, 34,4°C à Buzenol, 34,5°C à Bierset et 36,2°C à Kleine-Brogel. Ces valeurs sont atteintes alors que de nombreux nuages et quelques averses furent observés ce jour, empêchant le thermomètre de grimper davantage et de pulvériser le record de température maximale absolue en Belgique. Cette même journée sans nuages aurait vu les températures maximales avoisiner les 40°C...

Dimanche 5 juillet

Pour ce dernier jour de la vague de chaleur, le ciel est très nuageux et le temps est orageux. Les températures maximales s'établissent autour de 28-30°C pour les plus hautes valeurs. En fin d'après-midi, de violents orages éclatent sur la province de Liège, déversant des grêlons jusqu'à 6 cm de diamètre dans les régions de Battice et de Verviers. De nombreux dégâts sont signalés dans cette partie du pays.

Conclusion

Il s'agit d'une vague de chaleur marquante à plusieurs titres. Le premier est que des températures de 36-38°C sont rares dans nos contrées. Le second est l'incroyable potentiel thermique de ces journées: si la nébulosité n'avait pas été présente, empêchant l'explosion du mercure, les températures auraient pu écraser le record de la plus haute température et atteindre le seuil des 40°C, du jamais vu chez nous. Enfin, le dernier réside dans le nouveau record établi pour les températures minimales les plus hautes à Uccle, à 24,5°C.