dimanche 18 juin 2017

Aléas météorologiques et agriculture : l'éternelle adaptation


L'actuelle sécheresse que vit notre pays est suffisamment importante pour tenter d'analyser les conséquences de ce type d'aléas météorologiques, principalement sur le terrain et dans la vie des personnes qui les affrontent en première ligne. Dans cette optique, nous avons décidé de partir à la rencontre de professionnels bien souvent touchés par les variations de notre météo : les agriculteurs. En cette mi-juin, à un moment où le début de l'été semble confirmer la situation de tout ce début d'année, nous entrons dans une période charnière pour l'agriculture. Cette rencontre avec 5 professionnels du secteur dans la région de Genappe (Brabant Wallon) nous a permis d'avoir une vision globale, hors des idées reçues que les médias traditionnels véhiculent parfois à leur sujet.

En cette mi-juin, l'aléa météorologique « sécheresse » est au cœur des discussions sur le temps de nos régions. Avec plus de 40% de déficit enregistré à Uccle durant le printemps météorologique, le manque d'eau commence à se faire sentir dans la végétation. Les pelouses virent au jaune, la terre est sèche, les arrosages sont fréquents. Toutefois, le premier enseignement que nous tirons de notre circuit agricole est que la sécheresse n'affecte pas encore réellement à l'heure actuelle le monde du travail de la terre. A ce constat général, il faut bien entendu apporter quelques nuances. D'abord, certaines cultures ont besoin de moins d'eau que d'autres, comme les céréales qui se portent actuellement très bien. D'autres cultures, plus demandeuses en eau comme les betteraves, le maïs, ou la pomme de terre, risquent d'être pénalisées mais leurs récoltes se réalisant principalement en août ou septembre, le pronostic n'est pas encore engagé. Ensuite, selon les régions, le déficit et les difficultés sont plus profondes, comme du côté de Tournai où la terre est moins limoneuse, plus argileuse ou sablonneuse, et où le déficit local est plus important. Ajoutons à cela que la partie la plus chaude de l'année arrivant, si ce déficit hydrique venait à se prolonger et à se coupler à des températures trop élevées, la situation pourrait alors radicalement et rapidement changer. En effet, jusqu'à présent, cultures et agriculteurs vivent sur leurs réserves, mais celles-ci s'épuisent progressivement et les plantes sont « obligées » de chercher plus profondément l'eau pour s'alimenter. Les 15 prochains jours devraient s'avérer cruciaux, d'après un agriculteur rencontré.

A l'opposé de cet aléa « sécheresse », les pluies et plus particulièrement les orages, ainsi que les inondations qui en découlent apparaissent comme le cauchemar des agriculteurs. L'année passée, la région de Genappe avait été fortement touchée par les orages diluviens. Encore à l'heure actuelle, les fermes et d'une manière générale les habitations portent les stigmates de cet aléa « inondations ». Beaucoup de cultures ont été endommagées, soit par l'accumulation de pluies, la boue, la grêle, ou les rafales de vent. Les agriculteurs que nous avons rencontrés avaient alors comptabilisé 50% de pertes ! De plus, les machines sont moins consommatrices de carburant en période sèche qu'en période humide, ce qui est un paramètre non-négligeable. Le bétail fut aussi touché et obligé de rester dans les étables alors qu'à l'heure actuelle, ceux-ci peuvent nettement plus rester dehors et paître généralement en toute tranquillité. Au travers des diverses conversations, il apparaît donc clairement que la sécheresse actuelle est une situation plus acceptable que celle de l'année passée où la production agricole avait été durement touchée. Selon les professionnels de cette région du Brabant Wallon, les orages tendent à être plus forts et plus destructeurs, impression ou statistique difficile à confirmer. Il s'agit donc de leur plus grande préoccupation. Lorsque le temps est stable, les agriculteurs ne sont pas spécialement rivés sur les prévisions météorologiques. En cas de risque orageux, la situation est très différente et en juin 2016, beaucoup se sont demandés "quand allait cesser cette vague orageuse" qui se réalimentait sans cesse.

Un autre aléa craint par le secteur agricole est la chaleur. Autant une sécheresse fraîche ou douce peut encore être gérée, autant une chaleur, même ponctuelle est un réel problème. Le bétail peut souffrir des hautes températures, et celui-ci doit être protégé. Des investissements comme par exemple dans des hangars isolants sont alors parfois nécessaires, ce qui élève parfois drastiquement les coûts. De plus, l'augmentation des températures entraîne aussi une prolifération d'insectes, notamment volants, qui étaient alors inconnus jusqu'à il y a peu dans nos régions. Leur piqûre peut entraîner des problèmes sanitaires chez le bétail avec des risques d'avortements. La situation de sécheresse actuelle combinée à un épisode de forte chaleur pourrait alors être une réelle source d'inquiétude pour le secteur, surtout s'il venait à se prolonger durant le mois de juillet, alors que les premières périodes de récoltes s'annonceront. A ce sujet, et toujours concernant la chaleur et la sécheresse, le mois de septembre 2016 particulièrement chaud et sec perturba les moissons, et empêcha les agriculteurs d'effectuer normalement leur travail de récolte. Pris entre les dernières chaleurs, les pluies automnales et les premières gelées, ceux-ci purent néanmoins récupérer les fruits de leur dur labeur sans perte, presque par miracle.

Le dernier aléa est celui des gelées, ou plus généralement tout phénomène hivernal. Qu'elle soit précoce comme cela aurait pu être le cas après le magnifique mois de septembre 2016 ou tardive comme c'est souvent le cas en milieu de printemps, la gelée peut sérieusement perturber la récolte ou la semence. Cette année, durant le mois d'avril, des minimales jusqu'à -5° ont perturbé la mise en place des cultures et ce d'autant plus que ce niveau de gelées n'aurait pas été correctement anticipé par les bulletins météorologiques. Ce "détail" montre aussi que l'agrométéorologie reste une science toute particulière et que les champs ont pratiquement leur propre climat, comme chacun peut le constater à leurs bords. Une des personnes rencontrées nous a clairement signifié qu'une petite différence de températures à ce niveau peut entraîner de grosses conséquences. En ce qui concerne les précipitations hivernales et l'accumulation de neige au sol, celle-ci semble être un "ami" des agriculteurs car, en fondant, elle apporte une humidification notable des couches proches de la surface. Or, ces dernières années, les quantités de neige ont été largement insuffisantes.

Ce tour d'horizon de différents aléas nous permet de comprendre que l'agriculteur doit constamment jongler avec la météo, et cela s'avère être un exercice hautement compliqué à une époque où les changements climatiques bouleversent les cultures. Toutefois, en fonction des personnes rencontrées et de leurs cultures, nous avons pu remarquer que le facteur économique, à savoir la concurrence mondiale, reste un autre aléa qui oblige les agriculteurs à se battre chaque jour. Quoiqu'il en soit, les conversations que nous avons eues à ce sujet attestent d'une évolution du climat : "décalage des saisons", "changements brusques", "longues périodes de temps humide ou sec", les mêmes expressions revenaient assez souvent, pointant une nouvelle tendance. Le changement climatique oblige les agriculteurs à s'adapter, comme nous avons pu le constater chez l'un d'entre eux qui s'est diversifié vers des cultures de petite taille, plus gérables. Malgré tout, la sécheresse perturbe à l'heure actuelle la croissance de ses produits.

Loin du cliché de "l'agriculteur qui n'est jamais content", notre tour agricole dans le Brabant Wallon nous a montré que le travail de la terre est a fortiori un métier difficile, qui demande expérience, dur labeur, observations méticuleuses, forte réactivité, et donc adaptation, notamment face aux aléas météorologiques. En Europe Occidentale, où le changement climatique s'opère dans une zone tempérée, nous pouvons encore nous estimer modérément touchés par les évolutions actuelles. D'autres régions, plus proches de climats plus extrêmes, peuvent basculer plus rapidement vers un climat nettement plus défavorable. Beaucoup nous ont signalé que le Sud de la France et l'Espagne rencontrent nettement plus de difficultés à cause des chaleurs plus intenses, des périodes de sécheresse plus longues alternant avec de brusques orages dévastateurs. De notre côté, de nouvelles cultures pourraient voir le jour. Ainsi, non sans un certain sourire, une personne nous a rappelé les possibilités de viticulture qui sont en augmentation dans nos régions. Cette dernière remarque résume à elle seule cette obligation d'adaptation que les agriculteurs doivent prendre en compte chaque année afin de pérenniser leurs exploitations.

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