La mi-juillet 2021 a été marquée par un épisode pluvieux historique, débouchant sur des inondations parfois dramatiques dans la moitié est de la Belgique et l'ouest de l'Allemagne, ainsi qu'au Grand-Duché de Luxembourg et dans le nord-est de la France dans une moindre mesure. En Belgique, région sur laquelle se concentre cet article, des cumuls de plus de 100 mm sur une superficie aussi étendue sont un phénomène rare dans nos régions, dont les conséquences ont ici été aggravées par les sols gorgés suite aux pluies régulièrement observées au cours des semaines précédentes. Cet événement se classe vraisemblablement parmi les plus grandes catastrophes météorologiques de l'histoire du pays.
Cet épisode pluvieux s'inscrit par ailleurs dans un mois de juillet le plus arrosé depuis 1980, avec un total à Uccle de 167 mm, faisant suite à un mois de juin déjà bien pluvieux (121 mm).
Crue du Samson en province de Namur le 15 juillet (crédit photo: S. Verachtert).
Quelques chiffres
Du 13 juillet 8h00 au 14 juillet 8h00:
- 42 mm à Buzenol (Virton, province de Luxembourg);
- 41 mm à Gosselies (Charleroi, province de Hainaut) et à Humain (Marche-en-Famenne, province de Luxembourg);
- 38 mm à Bierset (Grâce-Hollogne, province de Liège).
Parmi les stations amateures:
- Dolembreux (Sprimont, province de Liège) enregistre 85 mm, dont 53 tombés entre 20h00 et 2h00;
- Chaineux (Herve, province de Liège), compte 66 mm;
- La Baraque Fraiture (Vielsalm, province de Luxembourg): 38 mm
- Cobru (Bastogne, province de Luxembourg): 49 mm
Du 14 juillet 8h00 au 15 juillet 8h00:
- 79 mm à Buzenol
- 22 mm à Gosselies
- 54 mm à Humain
- 38 mm à Bierset
- 83 mm à Dolembreux
- 52 mm à Chaineux
- 85 mm à la Baraque Fraiture
- 77 mm à Cobru
Du 15 juillet 8h00 au 16 juillet 8h00:
- 56 mm à Uccle (Bruxelles)
- 46 mm à Gosselies
- 21 mm à Bierset
- 34 mm à Dolembreux
- 12 mm à Chaineux
- 14 mm à la Baraque Fraiture
Totaux sur 48 heures (13/07 8h - 15/07 8h):
- 121 mm à Buzenol
- 76 mm à Bierset
- 95 mm à Humain
Totaux sur 72 heures (13/07 8h - 16/07 8h):
- 97 mm à Bierset
- 102 mm à Ernage (Gembloux, province de Namur)
- 109 mm à Gosselies
- 202 mm à Dolembreux
- 130 mm à Chaineux
- 137 mm à la Baraque Fraiture
- 129 mm à Cobru
L'IRM a également de son côté communiqué quelques chiffres. Son pluviomètre du Mont Rigi, dans les Hautes Fagnes, a relevé
192 mm entre le 13 juillet 8h00 et le 15 juillet 8h00. C'est une mesure historiquement haute pour une station officielle. Est également historique la valeur de
179 mm à Hockai (Stavelot) observée entre le 14 juillet 8h00 et le 15 juillet 8h00.
L'institut cite aussi deux mesures des pluviomètres du SPW encore plus incroyables et qui sont sujettes à caution, avec 217 mm à Spa et 272 mm à Jalhay. Il s'agit là de quantités jusqu'ici inconnues dans nos régions pour ce laps de temps.
Anomalie pluviométrique calculée sur la période entre le 18 avril et le 16 juillet. Les précipitations des semaines précédentes avaient amené plusieurs régions au niveau humide, mais l'épisode pluvieux aura poussé cette anomalie humide à un niveau extrême, l'un des plus hauts jamais vus à cette période de l'année (source: IRM).
Quels ont été les épisodes similaires?
Pour situer l'ampleur du phénomène, explorons l'histoire météorologique récente. On ne s'intéresse qu'aux pluies à dominante stratiforme (où les orages restent minoritaires) et aux épisodes sur un ou quelques jours (idée de continuité). Sont ici considérés les six mois de la "haute saison", grosso modo de la mi-avril à la mi-octobre.
- Le 7 octobre 1982, on relève en vingt-quatre heures 156 mm de pluie à Botrange, 119 mm à Beauvechain, 108 mm à Bierset et 101 mm à Spa.
- Les 28 et 29 août 1996, il pleut pratiquement sans discontinuer, et les cumuls sont conséquents: 183 mm à Hombourg (Liège), 130 mm à Ernage (Namur) et Landelies (Hainaut), 121 mm à Marbais (Brabant wallon), 113 mm à Uccle (Bruxelles). De telles quantités sur 48 heures sont historiques pour la Belgique. Le vent est aussi notable pour la saison: les rafales atteignent 108 km/h à Middelkerke, 90 km/h à Gosselies et 86 km/h à Bierset.
- Les 13 et 14 septembre 1998, une perturbation se coince sur la Flandre et la province de Liège, donnant 120 mm de précipitations à Liège-Monsin et 147 mm à Wijnegem (Anvers) sur vingt-quatre heures.
- Du 15 au 17 août 2010, il tombe parfois plus de 100 mm de pluie (104 mm à Uccle en deux jours).
- Les 25 et 26 septembre 2020, la dépression Odette, en plus de donner une tempête sur les côtes, déverse jusqu'à 100 mm de pluie en deux jours de la Flandre orientale à la Botte du Hainaut. Le schéma est assez similaire à 1996 et 2010, avec une occlusion coincée sur le pays, associée à une goutte froide au nord et/ou à l'est de nos régions. Ici, la sécheresse des semaines précédentes aura réduit grandement le risque de crues.
En résumé, des précipitations de plus de 100 mm sur deux jours sont un phénomène rare dans nos régions. Avec de multiples cumuls à plus de 100 mm les 13 et 14, le présent épisode rentre pleinement dans cette catégorie de faits historiques, et les 192 mm relevés en 48 heures au Mont Rigi font pratiquement état d'un événement au moins multidécennal.
Que s'est-il passé?
Aux origines de l'événement, nous trouvons un phénomène météorologique banal: l'évacuation d'une tempête tropicale du doux nom de Elsa provenant du Golfe du Mexique vers l'Atlantique Nord. En juillet, il est parfaitement normal d'enregistrer des cyclones tropicaux dans cette région du monde, ceux-ci entrant en interaction avec le Jet-stream sur la façade Est du continent nord-américain. Ils ont alors tendance à amplifier ses ondes et/ou à l'accélérer. Le 8 juillet, dans la page Facebook de Météo Pédagogie, nous écrivions qu'une goutte froide issue de l'amplification des ondes du courant Jet apporterait "instabilité et zones de précipitations parfois copieuses à partir du samedi 10 juillet". Évidemment, sans penser que ceci pouvait dégénérer en épisode pluvieux historique ...
Passons maintenant en revue la situation atmosphérique de jour en jour. Le 12 juillet à midi UTC (soit 14h00 heure locale), la veille du début de l'épisode, la dépression qui va nous intéresser est déjà présente sur le nord de la France, avec son système frontal associé.
Analyse de surface du 12 juillet à 14h00 heure locale (source: DWD).
Cette dépression de surface est soutenue en altitude par une vaste goutte froide en fond de talweg et arrivant de l'Atlantique le 12 juillet puis transitant sur la France le 13. Une goutte froide transporte, comme son nom l'indique, une poche d'air froid en altitude, en lien avec un géopotentiel bas. Ces géopotentiels bas, soit un niveau de pression donné à plus faible altitude que la moyenne, marquent une dépression d'altitude.
Cette goutte froide redresse alors le flux au sud, forçant la chaleur humide présente près de l'Italie et du sud de la France à remonter vers l'Allemagne dans un premier temps, en réalimentant les masses d'air déjà bien humides s'y trouvant. L'animation ci-dessous montre sa trajectoire au cours de ces jours funestes; dans son mouvement en boucle et temporairement immobile, elle bloque la dépression de surface en-dessous et la perturbation pluvieuse associée. C'est son évacuation vers l'Italie le 16 juillet qui met fin à ce piégeage des masses humides sur nos régions.
Ce mouvement erratique est en partie entraîné par l'émergence d'une crête anticyclonique d'altitude qui se développe sur le proche Atlantique, les Îles britanniques puis la mer du Nord, instaurant les anomalies hautes de géopotentiel en orange-rouge. Cette crête fait barrage à la goutte froide qui remontait du sud de l'Europe, l'immobilisant et la renvoyant vers la péninsule italienne.
Géopotentiel et anomalies associées à 500 hPa entre le 13 et le 17 juillet (source: Wxcharts via Meteo Paris).
Le mardi 13, les premières pluies concernent l'est et le sud de la Belgique, en lien notamment avec la bordure de la bouffée d'air moite sur l'Allemagne. La dépression de surface s'est déplacée à travers nos régions pour se retrouver sur l'ouest de cette dernière, au sein d'un complexe dépressionnaire qui occupe une bonne partie de l'Europe centrale. Les pluies sur le nord de la France et le sud de la Belgique sont grossièrement associées à l'occlusion.
Analyse de surface du 13 juillet à 14h00 heure locale (source: DWD).
En fin d'après-midi, les premières complications liées à des accumulations d'eau apparaissent dans le Brabant wallon ainsi que dans la région de Charleroi. En soirée, ce sont de fortes précipitations, avec parfois une composante convective, qui défilent sur la province de Liège, entraînant la mise en crue des premiers cours d'eau ainsi que des coulées de boue. Les pluies continuent de concerner une bonne partie de la Wallonie pendant la nuit, avant une trêve temporaire. Ce comportement est en partie lié à l'existence d'un axe de convergence en basse couche de la Rhénanie à la Champagne, avec au nord de ce dernier un flux de nord à nord-est y amenant de l'humidité. Au sud, le vent y est plus faible et variable.
La carte ci-dessous montre le vent à 925 hPa (aux alentours de 800 mètres d'altitude) et cette convergence initiée par un flux assez rapide de nord-est tournant vers le massif ardennais (flèches dans les plages jaunes), ce flux y acheminant ainsi de l'humidité. Il n'est d'ailleurs pas impossible que la marge nord du massif ardennais ait contribué à accroître ce forçage à l'ascension des masses d'air y arrivant depuis le nord-ouest de l'Allemagne. Enfin, on y ajoutera le rôle de l'instabilité permettant le développement de cumulus et cumulonimbus enclavés dans les zones de précipitations (MUCAPE de 200 à 400 J/kg d'air), ceux-ci les intensifiant localement.
Flux à 925 hPa à minuit le 14 juillet selon Arome (source: Meteo France via Meteociel).
Radar de précipitations à 23h30 le 13 juillet. Les taches orange-rouge marquent de plus fortes intensités associées à de la convection et aux cumulus et cumulonimbus imbriqués dans la perturbation (source: Kachelmann Wetter).
Le lendemain matin, de nouvelles précipitations arrivant d'Allemagne envahissent la province de Liège qui est placée en alerte rouge par l'IRM, alors que des cumuls largement supérieurs à 50 mm sont déjà observés. Elles se répandent ensuite sur les provinces de Namur et de Luxembourg, assurant plusieurs heures de pluie continue à une bonne partie de la Wallonie. A la différence du 13 juillet et de la nuit du 13 au 14, les pluies sont ici plus régulières, portées par une perturbation plus classique.
Alerte lancée par l'IRM en début de matinée du 14 juillet.
Dans l'Entre-Sambre-et-Meuse, les premières inondations sont observées, notamment le long de l'Eau Blanche qui entre en crue, suivie par d'autres cours d'eau de la région à partir de la nuit du 13 au 14.
Dans l'après-midi du 14, la crue de la Vesdre atteint des niveaux qui n'avaient plus été vus depuis les années nonante, et ses abords commencent à être évacués en prévision de la montée des eaux. La phase de crise est déclenchée en province de Liège, suivie un peu plus tard par Namur puis par Luxembourg. En début de soirée, l'eau continue de monter, inondant de nombreuses localités le long de la Vesdre jusqu'à l'entrée de Liège. De manière générale, de nombreux cours d'eau au sud du sillon Sambre-et-Meuse sont en crue.
Sur le front de la situation atmosphérique, la dépression de surface sur l'ouest de l'Allemagne n'a pratiquement pas bougé en 24 heures, remontant juste quelque peu sur la Rhénanie-du-Nord-Westphalie.
Analyse de surface du 14 juillet à 17h00 heure locale (source: DWD).
Cette dépression pilote une extension de l'air moite qui est présent sur l'Allemagne, alimentant les précipitations qui concernent non seulement l'ouest de ce pays, mais aussi l'est de la Belgique, le sud-est des Pays-Bas et le Grand-Duché de Luxembourg. La carte ci-dessous montre les valeurs d'eau précipitable, soit les pluies qui tomberaient si toute l'humidité de l'air était condensée. Il s'agit donc d'un indice de la charge en vapeur de l'atmosphère. Des valeurs de plus de 40 mm sont remarquablement élevées, et illustrent le caractère moite de la masse d'air qui est amenée sur la Belgique par la dépression rhénane.
Eau précipitable à 15h00 le 14 juillet (source: Meteo France via Meteociel).
Par rapport à la valeur normalisée, de tels paramètres présentent une déviation de 2 à 3 Sigmas au-dessus de cette normale (ou déviation standard), soit des valeurs appartenant aux pourcents les plus extrêmes parmi les observations historiques. Une telle donnée confirme le caractère exceptionnel de la quantité d'eau disponible dans l'atmosphère pour alimenter les précipitations.
Anomalie du contenu en eau précipitable de l'atmosphère à 8h00 le 14 juillet (source: Tropical Tidbits).
En altitude, la goutte froide sur le sud de la France a gagné les Alpes et, dans son mouvement, bloque la dépression de surface sur l'Allemagne. Sur son pourtour, des noyaux de divergence en altitude forcent la masse d'air humide à monter, d'où la condensation et les pluies importantes.
En soirée, après une relative accalmie de quelques heures, de nouvelles pluies descendent des Pays-Bas, avec un axe recueillant le gros des précipitations qui se déplace progressivement vers le centre du pays, en quittant la région liégeoise et l'est de la province en début de nuit du 14 au 15. Un nouveau noyau de divergence d'altitude se retrouve d'ailleurs à l'aplomb du pays en seconde partie de nuit. L'air en altitude accélère ainsi son mouvement au-dessus du centre et de l'est de la Belgique, créant un déséquilibre qui doit être corrigé par l'arrivée de masses d'air par en-dessous, donnant une ascendance synoptique (ou forçage).
Le niveau de moiteur de l'air est toujours très important. Sur la carte ci-dessous, l'anomalie d'eau précipitable atteint une déviation standard de 3 Sigmas par rapport à la moyenne, dénotant une masse d'air extrêmement chargée en humidité, concentrée en une panache sur le flanc ouest de la dépression rhénane et alimentant les précipitations transitant longitudinalement sur la Belgique. Ce panache est de plus entretenu par l'humidité issue de la mer du Nord,
mais aussi des masses marines autour de la Scandinavie, concernée
depuis plusieurs semaines par une vague de chaleur. On note également sur cette carte le flux convergeant à large échelle (vent de nord sur la mer du Nord, de nord-est sur le nord-ouest de l'Allemagne), participant aux ascendances synoptiques.
Flux à 700 hPa et anomalies d'eau précipitable à 2h00 le 15 juillet (source: AliciaMBentley.com)
Un peu d'instabilité (MUCAPE de 200 à 400 J/kg d'air) aide également à la formation de cumulonimbus enclavés (notamment par dégagement de chaleur latente), renforçant les précipitations. L'imagerie radar montre en effet et à nouveau la présence de taches orangées, signe d'une plus forte intensité des précipitations qui sont renforcées localement sous ces nuages convectifs. La force de la convection n'est cependant pas suffisante pour mener au déclenchement d'une activité électrique.
Radar de précipitations à 5h00 le 15 juillet (source: Meteo France via Meteociel).
En seconde partie de nuit et en matinée du 15, les précipitations sont ainsi particulièrement intenses sur l'est du Brabant wallon et la province de Namur. Il y tombe jusqu'à une quarantaine de millimètres de pluie en quelques heures, entraînant la mise en crue de plusieurs cours d'eau dans le centre et l'est du Brabant wallon et dans le Namurois. Le Samson connaît ainsi un débordement particulièrement important. Dans la région de Jemelle, les inondations prennent aussi une tournure conséquente.
Dans la vallée de la Vesdre, les inondations prennent une ampleur dramatique, notamment à Verviers et Pepinster où l'on constate plus de trois mètres d'eau dans certaines rues, entraînant l'effondrement de plusieurs maisons. C'est également le cas dans l'ouest de l'Allemagne où les inondations sont très importantes, de même qu'au Grand-Duché de Luxembourg.
Dans la journée du 15, l'axe pluvieux se déplace sur le centre du pays, en concernant notamment la région bruxelloise et la région de Charleroi. Il se place en effet à l'ouest de l'occlusion qui délimite l'air très humide à son ouest de l'air moins humide à l'est. La dépression quant à elle n'a pas bougé, bloquée par la goutte froide en altitude qui est venue se positionner au-dessus de l'Allemagne.
Analyse de surface du 15 juillet à 11h00 heure locale (source: DWD).
Dans l'après-midi, une grande partie des cours d'eau de Wallonie sont en alerte ou en pré-alerte de crue, notamment la Meuse pour laquelle sont évoqués des niveaux qui n'avaient plus été atteints depuis les dernières grandes inondations des années nonante. Le Fédéral reprend la gestion de crise décrétée plus tôt par les provinces concernées et déclenche le niveau national du Plan catastrophe.
Source: Service Public de Wallonie.
Le décalage des précipitations sur le centre du pays a pour effet d'y concentrer de nouveaux problèmes. A partir de la soirée du 15, l'Eau d'Heure entre en crue au sud de Charleroi, tandis que certaines villes comme Wavre se retrouvent inondées. A Namur et à Liège, la Meuse déborde ponctuellement de ses berges, mais la progressive stabilisation du débit écarte le risque d'inondations généralisées dans ces deux villes.
Du côté atmosphérique, la goutte froide allemande commence à perdre en vigueur, tarissant progressivement le panache de moiteur qui alimentait les précipitations. Dans la journée du 16, on n'observe ainsi plus que quelques averses passagères. Il faut cependant attendre les 17 et 18 juillet pour que les derniers cours d'eau en crue orientent enfin leur niveau à la baisse.
Synthèse des éléments atmosphériques en présence
En résumé, ces inondations exceptionnelles sont liées à un pattern atmosphérique particulier, à savoir une dépression "rhénane", bloquée sur l'ouest de l'Allemagne, qui rabat un panache de moiteur sur nos régions, ce dernier étant plus ou moins entretenu par l'humidité de la mer du Nord. On note que cette configuration n'est toutefois pas neuve, et a également été observée (et de manière parfois plus prononcée) lors des derniers grands épisodes pluvieux estivaux, notamment en août 1996 et en août 2010. Le potentiel de ce panache de moiteur est "converti" par la présence de divergences en altitude et de convergences en basse couche (dont celle du soir du 13 juillet vraisemblablement "aidée" par la marge nord de l'Ardenne), qui forcent ainsi l'air à s'élever et à condenser son contenu en humidité.
On peut, pour le cas présent, noter deux facteurs aggravants. Le premier s'est déjà vu lors d'autres épisodes, il s'agit du dégagement de chaleur latente entretenant des cumulonimbus enclavés, ceux-ci résultant de la présence d'une faible mais suffisante instabilité. Ces cumulonimbus, sans aller jusqu'à l'orage, multiplient cependant et localement le débit de conversion de l'humidité en précipitations. Leur défilement sur les mêmes régions accroît donc considérablement les cumuls de pluie.
Le second est particulier, il s'agit de la chaleur présente en Scandinavie depuis plusieurs semaines, répercutée aussi au niveau des étendues marines. Ainsi, la mer du Nord a pu s'associer à la mer Baltique pour entretenir le panache de moiteur.
S'il a sans doute une part de responsabilité, l'impact du réchauffement climatique est difficile à cerner précisément, et l'importance de la part en question peu aisément quantifiable. Avec ou sans réchauffement, ces inondations se seraient produites, avec une ampleur plus ou moins similaire. Notons toutefois deux choses:
- Un principe de la physique: une masse d'air plus chaude a une contenance maximale en humidité plus grande; il est donc possible de dire que notre atmosphère plus chaude voit son réservoir d'humidité potentiel s'accroître aussi.
- Depuis longtemps déjà, il est connu que le réchauffement climatique est plus fort au pôle qu'à l'équateur, entraînant une diminution du différentiel thermique moyen entre ces deux espaces. Le Jet-stream étant un vent thermique et fonctionnant grâce à ce différentiel, ce dernier s'en trouve affaibli et tend à produire des méandres, certains d'entre eux pouvant par moments se bloquer au-dessus d'une partie d'un continent, et notamment former, par détachement, les fameuses gouttes froides.
On synthétisera donc ces propos en mettant l'accent sur la concordance dramatique de déterminants météorologiques au-dessus de la Belgique et de l'ouest de l'Allemagne, à laquelle s'ajoute une part explicative liée au réchauffement climatique et ses impacts.
Une dernière pensée nous vient à l'esprit au moment de terminer cet article. Cette tentative d'explications ne pourra pas atténuer la détresse des personnes sinistrées et/ou ayant perdu un proche au cours de ces journées dramatiques. Si toutefois nous pouvions apporter à notre niveau un peu de réconfort, ce serait de dire que de telles crues, et notamment celle de la Vesdre, sont sans doute des événements - malheureux - ne se produisant statistiquement qu'une fois au cours d'une vie.
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