mardi 4 mai 2021

Les coups de vent hors saison

Classiquement, la saison des tempêtes va de novembre à mars. Toutefois, il arrive de temps à autre que des dépressions très creuses passent aussi dans nos parages à la haute saison, d'avril à septembre. Elles sont cependant moins violentes que leurs consœurs hivernales. Au regard de la climatologie, des rafales de 120 km/h sur le littoral et des pointes de 100 km/h en pleine terre peuvent déjà être considérées comme exceptionnelles (voir même 90 km/h au coeur de l'été), alors que c'est relativement banal en arrière saison. Ces tempêtes de haute saison sont cependant très dommageables, notamment sur la végétation qui, feuillue à cette époque, offre une plus grande prise au vent. Ainsi, un coup de vent de quelques heures avec des rafales de 80-90 km/h peut déjà causer des dommages.

Voici quelques exemples pour la Belgique...

Les 28 et 29 août 1996 sont surtout connus pour l'épisode pluvieux historique qui concerne alors nos régions, avec un grand nombre de stations récoltant plus de 100 mm de précipitations sur quarante-huit heures, du Nord-Pas-de-Calais à la Rhénanie (183 mm à Hombourg en province de Liège, 130 mm à Ernage en province de Namur et à Landelies en province de Hainaut, 113 mm à Uccle...). Des crues en résultent, sauf en Lorraine belge qui échappe au déluge.

D'un point de vue atmosphérique, le couplage entre une goutte froide en altitude et une anomalie de surface remontant sur l'Allemagne entraîne le creusement rapide d'une dépression sur les Pays-Bas, jusqu'à 995 hPa, avec son occlusion venant se bloquer sur la Belgique. Il en résulte un gradient de pression très resserré entre Hollande et France, donnant des rafales jusqu'à 108 km/h à Middelkerke, 90 km/h à Gosselies et 86 km/h à Beauvechain et Bierset. Localement, la nature parfois orageuse des précipitations fait penser à des pointes plus élevées. Si les rafales mesurées sont dans l'absolu peu remarquables, elle surviennent en été et qui plus est avec une dépression pratiquement stationnaire. Enfin, pour achever le portrait de ces deux journées hors norme, les températures ne dépassent pas 13 à 15°C dans la plupart des stations météo... Voir l'article de Belgorage pour plus d'infos.

Image de la dépression le 29 août 1996 à 14h00 (source: Kachelmann Wetter).

L'épisode du 28 mai 2000 est probablement le plus beau coup de vent de la série. Premièrement parce qu'avec ses multiples rafales à plus de 100 km/h, il s'agit d'une vraie tempête. Secondement parce qu'elle fut assez mal appréhendée par les modèles. De petit diamètre, la dépression responsable se creuse brutalement dans la Manche dans la nuit du 27 au 28, puis passe le Pas-de-Calais en se dirigeant vers le nord des Pays-Bas avec une pression centrale inférieure à 990 hPa. Les Néerlandais désignent d'ailleurs ces petites dépressions sournoises du nom de kanaalrat (rat de Manche en français).

Les rafales atteignent 112 km/h au Pier d'Oostende, 108 km/h à Gand, 115 km/h à Uccle, 108 km/h à Kleine-Brogel,  97 km/h à Bierset et 94 km/h à Gosselies. Dans le nord de la France, les rafales sont encore plus violentes, avec 111 km/h à Abbeville, 133 km/h à Boulogne et 156 km/h au Cap de la Hève. Aux Pays-Bas, les plus fortes pointes atteignent 126 km/h. Voir aussi l'article de Belgorage: 28/05/2000 - Tempête hors saison

Cette dépression était par ailleurs caractérisée par un front froid très actif et un front chaud pratiquement inexistant (en phase avec le modèle "norvégien") et s'était creusée sous la sortie gauche d'un rapide de Jet anormalement fort pour la saison.

Image de la tempête du 28 mai 2000, particulièrement esthétique (source: Kachelmann Wetter).

Le 23 juin 2004, une dépression venue de l'Atlantique se creuse jusqu'à 985 hPa en atteignant le Pays-de-Galles. Poursuivant ensuite sa route à travers l'Angleterre puis la mer du Nord, elle soumet le nord de la France et le Benelux à des vents particulièrement forts pour la saison, et s'accompagne de multiples averses orageuses. On relève 112 km/h au Pier d'Oostende, 101 km/h à Kleine-Brogel et 90 km/h à Gosselies. Dans le nord de la France, on note 96 km/h à Lille, 108 km/h à Dunkerque et 119 km/h à Boulogne.

Image satellite de la dépression du 23 juin 2004 (source: Kachelmann Wetter).

Mai 2006 est resté bien connu des amateurs de météo pour son grand nombre de jours d'orages. A cela s'ajoute un coup de vent, le 20 mai, qui cause quelques dégâts à la végétation. Une dépression se creuse jusqu'à 985 hPa en passant sur les Iles britanniques et la mer du Nord, et donne des rafales jusqu'à 90 km/h à Koksijde et à l'aéroport de Zaventem, et 83 km/h à Spa-Sauvenière. Dans le nord de la France, les pointes sont plus élevées, avec 96 km/h à Lille, 100 km/h à Dunkerque et 126 km/h au Cap de la Hève. Les vents forts s'étendent jusque Paris puisqu'on mesure 100 km/h à l'aéroport d'Orly et 104 km/h à Melun.

La dépression de tempête du 20 mai 2006 (source: Kachelmann Wetter).

Peu aussi être ajouté le coup de vent du 5 mai 2015, toutefois caractérisé par une composante convective importante: 94 km/h à Beauvechain et 87 km/h à Ernage, Bierset et Humain et 83 km/h à Gosselies. Un complexe dépressionnaire sur les îles britanniques en est responsable.

Le 13 septembre 2017, la tempête Aileen sur les Iles britanniques donne une rafale de 83 km/h à Humain (Marche-en-Famenne), tandis que le vent atteint 131 km/h au Cap Gris Nez.

Le 7 juin 2019, la tempête Miguel concerne la France avec des pointes jusqu'à 120 km/h dans le nord-ouest de l'Hexagone. La nuit suivante, la dépression remonte vers la mer du Nord, donnant des pointes à 83 km/h à Humain (Marche-en-Famenne).

La tempête Miguel le 7 juin 2019 à 20h00 (source: Kachelmann Wetter).

Les 25 et 26 septembre 2020, la tempête Odette frappe les côtes belges ainsi que le Dunkerquois, avec des pointes jusqu'à 120 km/h. Dans les terres, elle se caractérise par des précipitations diluviennes réparties sur deux journées; il tombe pratiquement 100 mm de pluie de la province de Flandre orientale à l'est du Hainaut. Voir l'article de Belgorage: ici

La tempête Odette le 25 septembre à la mi-journée (source: NOAA).

Le 4 mai 2021, la tempête Eugen se trouve en mer du Nord après avoir concerné les Iles britanniques (rafales jusqu'à 110 km/h). Elle égalise le record de vent pour un mois de mai à Boulogne avec 133 km/h. En Belgique, les plus fortes rafales sont observées en Wallonie (même le littoral reste en-dessous), avec 94 km/h à Bierset, 87 km/h à Beauvechain, Ernage et Gosselies, 83 km/h à Chièvres et à Uccle. A l'international, on note aussi 93 km/h à Lille, 91 km/h à Cambrai, 125 km/h au Cap Gris Nez et 101 km/h à Aachen. Elle est suivie le 21 mai par la tempête Marco, se limitant aux côtes: 104 km/h à Zeebrugge et Calais et 115 km/h au Cap Gris Nez. A Beauvechain, on relève toutefois une rafale de 90 km/h au passage d'une averse.
 
Eugen à la mi-journée du 4 mai (source: Eumetsat).


D'un point de vue atmosphérique, le point commun de quasiment tous ces épisodes est leur survenue au cours d'une phase de régime appelée NAO- (phase estivale) ou régime des basses pressions britanniques (les cas d'août 1996 et d'Odette sont à part). Durant ces phases, des dépressions persistent ou défilent à une latitude anormalement basse pour la haute saison, dans les parages des Iles britanniques. Ce régime est aussi celui, lorsqu'il se maintient pendant des semaines, des étés "pourris", plus frais et humides que la normale sur nos régions. Ce fut notamment le cas durant le mois d'août 2014.

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