samedi 11 juin 2016

Vapeur d'eau et réchauffement climatique

Introduction


L'idée de cet article est venue suite en premier lieu aux fortes pluies des mois de Mai et Juin 2016. Info Méteo avait alors assuré un suivi de ces événements, puis était revenu après coup sur le sujet pour une analyse a posteriori. Nous avions publié une vidéo sur notre page facebook pour mettre en exergue quelques éléments de la circulation synoptique ayant provoqué ces fortes pluies :



Et sur notre blog nous avions également publié une analyse à une échelle plus fine sur les orages de la fin Mai 2016 :

http://infometeobelgique.blogspot.fr/2016/06/de-pluviis-genese-et-histoire-dun-deluge.html

Où nous évoquions un lien entre ces fortes précipitations et le changement climatique.




Il existe une tendance, malheureusement dommageable, à ne pas faire le lien entre la météo et le réchauffement climatique. Et quand le lien est fait, s'est en noyant le poisson, pour ainsi littéralement parlant, puisqu'on noie le sujet sous une foule de détails, de conditionnels, et en prenant de grosses pincettes, ce qui empêche de prendre pleinement conscience du lien. Elle s'inscrit dans une tendance plus profonde, et courante même chez les spécialistes, à séparer artificiellement le "climat" et la "météo" alors que les deux dénominations couvrent des réalités quasiment identiques. Il ne s'agit que des remous permanents de l'atmosphère, la seule différence étant l'échelle des perturbations. Pour cet épisode de fortes précipitations, la situation a été à nouveau la même. La météo a continué à être séparé artificiellement du climat, et le nom de réchauffement climatique n'a été que faiblement murmuré. Et généralement avec tant de précautions que le lien n'apparait pas clairement entre les deux. Pour autant, les gens qui ont été inondés ont bien vécu les conséquences d'un changement climatique annoncé de longue date, et dont la férocité commence juste à se manifester.

Ici nous allons prendre un peu de recul par rapport à cet événement particulier pour évoquer la physique, absolument solide et indiscutable, qui lie le réchauffement climatique et la plus grande fréquence des extrêmes de précipitations. La première partie sera en quelque sorte une grosse introduction sur les relations de causalités et ne concerne donc pas directement la vapeur. Si les différences entre causes directes et causes systémiques vous sont familières, ou si plus prosaïquement vous n'en avez rien à faire, il n'y a pas raison de s'y attarder.

Introduction aux causalités directes et systémiques.
La physique des gaz.
La vapeur d'eau dans tous ses états.
Évolution avec le changement climatique.
Conclusion.
Une petite note à part sur la pratique des mesures de l'humidité.


Causalité directe et causalité systémique

Avant de parler de vapeur d'eau, il convient d'évoquer brièvement la question de la causalité. Ce mot évoque souvent une causalité directe ou linéaire. Par exemple, je donne une impulsion à la toupie, la toupie tourne sur la table. Il y a un lien de cause à effet direct entre le geste de la main et le mouvement de la toupie. Notre langage et notre perception du monde implique une causalité directe, linéaire. À une cause, un effet ; et à un effet, une cause. C'est simple, et c'est reposant.

Cependant, il existe une autre causalité possible, dite systémique. Elle se réfère à des conséquences qui se déploient au travers d'un système quelconque. La situation devient tout de suite nettement plus complexe, car les causes et les effets s'entremêlent sans qu'il ne soit plus possible de distinguer un lien direct entre une cause et un effet. Notre esprit a naturellement plus de difficultés avec ce type de causalité. Cependant il est souvent important de comprendre les liens entre les différentes causes et les différents effets et de ne pas simplifier à l'excès. Pour prendre un exemple qui n'est nullement climatique : http://static.convergencerh.com/medias/5/La_causalite_systemique.pdf

Pour le réchauffement climatique, des comparaisons sont souvent faites pour aider à comprendre le sujet. Ainsi, si nous nous intéressons à une population de fumeurs et de non fumeurs, il vient les éléments suivants. Même des non fumeurs sont atteints par le cancer du poumon, donc à l'évidence la clope n'est pas la seule responsable du cancer du poumon. Pour autant, les fumeurs sont bien plus sujet à cette maladie, c'est donc bien que la clope y contribue fortement. Le cancer peut aussi être à une prédisposition génétique, à d'autres facteurs environnementaux (la pollution...) et autre, mais cela n'empêche pas la clope d'être un facteur important du cancer.

Si nous considérons un fumeur en particulier, mort du cancer du poumon. Dans l'absolu il n'est pas possible de dire que c'est la clope qui l'a tué. Il existe une probabilité que le sujet aurait développé un cancer sans jamais fumer. Cependant, aucun témoin de l' "expérience" ne peut être trouvé. Un témoin, c'est-à-dire un sujet qui aurait été génétiquement identique, aurait connu exactement la même vie que le fumeur dans les moindres détails, à l'exception du tabac. Là il aurait été possible de comparer directement les effets de la clope sur ce sujet en particulier. Malgré tout, il est évident pour chacun que le décès d'un fumeur suite au cancer du poumon n'est probablement pas étrangère à son addiction...

Pour la Terre, nous avons un peu la même problématique. Nous réchauffons la planète, et donc nous modifions les événements extrêmes, mais il est impossible a priori d'établir un lien direct de cause à effet. Les événements extrêmes sont vieux comme le monde, et la Terre est déjà passé par bien des aléas climatiques. Il faut comprendre le lien entre réchauffement climatique et événements extrêmes dans le cadre d'une causalité systémique, et dans le cadre d'une analyse multifactorielle. C'est pourquoi notre vidéo soulève tout à la fois la question du forçage des tropiques (ENSO, MJO, etc...), la variabilité intrinsèque du rail des perturbations et du forçage de l'enneigement et de la banquise pour expliquer ce blocage et ces fortes pluies. Il n'y aucune cause directe, mais une multitude de facteurs qui ont convergé pour faire un gros "BOUM" au dessus de notre trogne.

Malheureusement, c'est une approche qui reste réservée à la recherche. Malgré les résultats extrêmement solides, que nous allons détailler ci-après, du lien entre extrêmes de précipitations et changement climatique, cela reste un travail de recherche qui est mené a posteriori pour chaque événement en particulier. Sur le moment, très peu de monde ne monte au "front" pour parler du réchauffement climatique ; et aider les gens à prendre conscience que le changement climatique est déjà en train de saper notre monde. Sans doute en partie par peur de la complexité du sujet et de la nécessité à chaque fois de déminer le terrain et de rappeler sans cesse que le réchauffement climatique ne cause pas directement les événements extrêmes, mais que dans le même temps il y contribue.

Physique des gaz

Nous allons ici mener une discussion sur la physique de l'eau. Nous tenterons de rester le plus simple et le plus didactique possible. Cependant, pour ceux à qui un long paragraphe les rebute, l'idée forte est la suivante :

La matière existe sous trois états, solide, liquide et gaz. Dans un gaz les molécules s'agitent en tout sens, et on utilise la pression et la température pour caractériser un gaz. La pression dit la force avec laquelle les molécules du gaz tapent contre le paroi (au doigt, un pneu ou un ballon de baudruche sous gonflé paraîtra plus souple qu'un pneu ou un ballon gonflé). La température dit l'agitation des molécules au sein du gaz. Les deux sont bien évidement liés. Pour passer d'un liquide à un gaz, une bonne méthode est de chauffer, ce qui augmente l'agitation des molécules qui finissent par "s'arracher" de la surface du liquide et se balader en tout sens. C'est ce qui se passe avec une casserole pleine d'eau portée à ébullition.

Pour ceux qui veulent en savoir plus, il convient dans un premier temps de clarifier des notions de physique.

En premier lieu, la matière existe sous trois phases différentes -sans compter le plasma qui ne nous intéresse pas présentement-. Il y a la phase solide, la phase liquide, et la phase gazeuse. Ces états de la matière se réfèrent in fine à l'organisation des molécules au sein d'un corps.
Dans un état solide, les molécules sont tassés les unes sur les autres et sont "sages", elles bougent à peine. Le cristal est un cas de solide où en plus les molécules sont "rangées" : https://fr.wikipedia.org/wiki/Cristal . Ce sont par exemple les flocons de neige et leur forme d'étoiles ou les quartz, etc...
À l'état liquide les molécules sont un peu plus agitées mais même si elles bougent un peu, elles restent assez cohérentes. Définir rigoureusement un liquide est assez difficile (il est des questions existentielles en physique, comme savoir ce qu'est un liquide, qui sont difficiles à trancher...), mais simplement c'est un corps qui en gros ressemble à de l'eau : ça coule.
Enfin l'état gazeux est un état désordonné. Les molécules bougent dans tout les sens. Un gaz, c'est la chienlit.

Schéma décrivant les trois états de la matière du point de vue moléculaire. Pour un solide, les molécules sont groupirs, pour un liquide les molécules se baladent plus librement mais gardent une cohésion, pour un gaz cela part en tout sens.
Les molécules dans les trois états de la matière. Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Liquide



Ensuite, explicitons la notion de pression et de température.

Soit un volume quelconque de gaz contenu dans un bocal tout aussi quelconque. Les molécules de gaz dans le récipient s'agitent en tout sens et se balade complétement au hasard (pour ceux qui voudraient du vocabulaire pour les diners de famille, on appelle cela le mouvement brownien...). L'agitation des molécules sera d'autant plus forte que la température est élevée. Ainsi, si on chauffe le bocal, les molécules vont s’agiter en tout sens. Au contraire, si on refroidit, les mouvements seront plus lents. Il y a un lien direct entre la température et l'agitation en tout sens des molécules, leur énergie cinétique.
La pression quand à elle représente les chocs des molécules sur les parois. Plus les molécules cognent violemment contre la paroi, plus la pression est élevée.

On peut noter en aparté cette conséquence. Quand on chauffe un gaz dans un volume fixé, sa pression augmente. C'est par exemple la raison pour laquelle il convient de vérifier la pression des pneumatiques à froid. À chaud, la pression s'élève naturellement, risquant de fausser la lecture par rapport à des chiffres qui sont toujours données pour un pneu à froid.
Dans l'autre sens, quand on augmente la pression d'un gaz en remplissant par exemple la chambre à air d'une bicyclette à l'aide d'une pompe, sa température s'élève. C'est la raison pour laquelle pomper provoque un échauffement (et on peut noter que cette phrase est vrai dans d'autres situations, comme quoi la physique se vérifie même au lit...)

Une petite illustration de molécules de gaz en balade dans une enceinte :

La balade des molécules d'un gaz au sein d'une enceinte.
La vie de molécules de gaz, en rouge et en bleu, au sein d'une enceinte, en noir. Source : http://evelyne.bouquet.free.fr/WebAlain/particules/020_atome.htm


Si on refroidit excessivement le gaz, il va tout naturellement se condenser, et passer à l'état liquide. C'est un processus qui libère de l'énergie, car les molécules qui s'agitaient en tout sens deviennent d'un coup plus sage. Celles-ci rendent donc l'énergie de leur mouvement à l'environnement. Dans l'autre sens, si on échauffe excessivement un liquide, il va s'évaporer. C'est un processus qui consomme de la chaleur, car les molécules passent d'un état "sage" à un état "agité". Il faut donc leur apporter de l'énergie pour les mettre en mouvement.
Notons pour le vocabulaire que concrètement l'évaporation et l’ébullition sont les mêmes phénomènes, le passage de l'état liquide à l'état gazeuse d'un composé. La seule différence est que l'ébullition est un passage brutale et violent, et l'évaporation est bien plus paisible. L’ébullition est un processus bien connu, c'est celui qui prend place dans une casserole placé sur le feu. L'eau liquide porté sur le feu finira par bouillir et passer à l'état de vapeur, en consommant au passage de l'énergie (d'où in fine la consommation de gaz ou d'électricité). L'évaporation également. C'est par exemple l'évaporation de la sueur à la surface de la peau, qui consomme là aussi de la chaleur. C'est ainsi qu'on peut se refroidir.

L'eau est sans doute le constituant le plus essentiel sur Terre. C'est une molécule qui a la particularité de pouvoir se trouver à la surface de la Terre sous forme de solide ( la glace ), de liquide ( l'eau ) et de gaz ( la vapeur d'eau ou simplement vapeur ).

Il y a un lien entre pression, température, et phase d'un composé. De manière générale, on entend bien qu'en refroidissant et/ou en augmentant la pression, un corps devient solide. Dans l'autre sens, en faisant la pression et/ou en augmentant la température, un corps sera liquide puis gazeux. Et ceci est également vrai pour l'eau. Il est bien connu qu'au niveau de la mer, l'eau bout à 100°C par exemple.

Diagramme des phases de l'eau.
Diagramme des phases de l'eau. Source : http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Diagramme_de_phases_de_l'eau.svg

Déjà, prenons nos repères dans ce diagramme. La température est indiqué en degré Celsius en bas et en rouge. Sur Terre, les températures vont classiquement de -60°C (en Sibérie et en Antarctique) à +50°C (dans les déserts chauds, notamment le Sahara), avec quelques extrêmes plus appuyés localement. Dans cette gamme de température, les trois phases de l'eau sont bien possibles. Pour l'autre axe, l'axe vertical, il s'agit de la pression. Elle est indiquée à gauche -en rouge à nouveau- en bar. Une pression de 1 bar correspond à la pression atmosphérique. Remarquons qu'à 0°C et une pression d'une atmosphère, l'eau gèle. Et qu'à 100°C et une pression de une atmosphère, l'eau bout. Cela correspond bien à ce que nous savons. L'eau bout à 100°C, l'eau gèle à 0°C.On notera à nouveau le lien entre la température et la pression. Le passage de l'état liquide à l'état vapeur n'est possible que pour une température et une pression donnée. Ainsi, si on connait la température à laquelle l'eau devient vapeur, on connait aussi la pression. Et réciproquement.

Vapeur d'eau et vapeur d'eau atmosphérique

Nous allons ici détailler les propriétés de la vapeur d'eau. Cependant, pour ceux à qui un long paragraphe les rebute, l'idée forte est la suivante :

Plus l'air est chaud, plus il peut contenir de vapeur d'eau. En gros, l'air peut contenir 6% à 7% de vapeur d'eau supplémentaire pour une hausse de température de 1°C. Ainsi, l'air d'une chaude journée d’eté contient pratiquement tout le temps plus de vapeur d'eau que l'air d'un brouillard d'hiver. Cependant, l'humidité relative, le rapport entre ce que pourrait contenir l'air et ce qu'il contient réellement, est plus faible généralement en été qu'en hiver. Dans le langage courant, on parle souvent sans le savoir du concept d'humidité relative quand on dit qu'il fait sec ou humide.

Il convient dans un premier temps d'expliciter brièvement les différents paramètres qui permettent de quantifier la vapeur d'eau. Il existe une foule de paramètres, mais nous nous focaliserons sur trois en particulier pour rester simple.

En premier lieu, on peut décompter simplement la masse de vapeur d'eau contenu dans l'atmosphère. C'est l'humidité spécifique, qui donne ainsi la masse de vapeur d'eau par kilogramme de masse d'air total (donc y compris la vapeur d'eau). Elle est souvent exprimé en grammes par kilogramme et non en kilogramme par kilogramme, les chiffres étant faibles. Pour donner un ordre de grandeur, dans une masse de un kilogramme d'air en Hiver, il y a environ 3 à 7 grammes de vapeur d'eau à la surface. En Été, c'est plus variable, mais nous sommes généralement entre 5 et 15 grammes de vapeur d'eau pour un kilogramme d'air pris à la surface.
En deuxième lieu, on peut mesurer la température à laquelle la vapeur d'eau condenserait. C'est le point de rosée. Intuitivement, on a tous déjà fait l'expérience du point de rosée. C'est par exemple le cas dans une cuisine en Hiver quand la buée se forme sur les vitres. Si l'eau condense, c'est que la température des fenêtres est inférieur au point de rosée de l'air ambiant. Il se passe la même chose avec une canette fraîche sorti du distributeur en plein air en été. En général, si la canette est vraiment fraîche, l'eau va condenser à sa surface. On pourrait imaginer une expérience où on aligne à l'ombre mais en plein air des canettes avec une température contrôlée au degré près. Ainsi, le point de rosée serait la température de la première canette où se produit la condensation. En pratique il existe des hygromètres où sondes à humidité qui permettent de mesurer le point de rosée sans devoir aligner les canettes.
Il y a enfin une autre mesure qui est la pression de vapeur. Comme dit, un gaz se caractérise par sa pression et sa température. Au lieu de chercher la température à laquelle la vapeur d'eau condense, on peut chercher la pression à laquelle l'eau condense pour une température donnée. C'est la tension de vapeur, qui se mesure comme toute pression en Pascals ou plus couramment en hectopascals. À 0°C la tension de vapeur est de 611 hPa environ. Et à 100°C, sans surprise, la tension de vapeur est de une atmosphère, 1000 hPa environ. C'est la raison pour laquelle une casserole d'eau porté à 100°C bout.

Il convient de ne pas confondre cependant la température de l'air, qui est la température effectivement mesuré et qui représente l'agitation de toutes les molécules d'air, y compris les molécules de vapeur d'eau ; et le point de rosée. Le point de rosée reste une valeur théorique tant que la température de l'ensemble de l'air lui reste supérieur.

Ceci dit, il existe une relation qui nous intéresse particulièrement. Si la température de l'air augmente, il peut contenir plus de vapeur d'eau comme dit. La relation est d'environ 6 à 7 pour cent par degrés Celsius de température. Ce graphique illustre cette relation :

Relation entre l'humidité spécifique et la température de l'air, pour un air totalement humide (humidité relative de 100%) en bleu, pour un air "à moitié sec" (humidité relative à 50%) en rouge.


Et le bien utile diagramme psychrométrique pour les connaisseurs :

Diagramme psychrométrique pour une pression de 1000 hPa. Source : http://www.pedagogie.ac-nantes.fr/servlet/com.univ.collaboratif.utils.LectureFichiergw?ID_FICHIER=1424145686842
Comme pour le graphique précédent, la température est en abscisse, et le rapport de mélange (pratiquement égal à l'humidité spécifique) en ordonnées (axe de droite ici mais en kg/kg, d'où des chiffres 1000 fois plus petit).

Pour les calculs d'air humide :
http://www.climatvisu.fr/Macro_excel/Humidite.xlsm
http://go.vaisala.com/humiditycalculator/5.0/

Pour se résumer et synthétiser. L'air peut contenir de plus en plus de vapeur d'eau quand sa température augmente. Un kilogramme d'air peut contenir environ 3.8 grammes de vapeur à 0°C, 7.6°C grammes de vapeur à 10°C, 14.5 grammes de vapeur d'eau à 20°C. Ces chiffres sont atteints quand l'air est saturé, en gros quand on nage dans le brouillard le plus dense possible. En pratique, l'air est souvent non saturé et l'humidité relative est inférieur à 100%. Pour un air avec une humidité relative de 50%, les chiffres à 0°C, 10°C et 20°C sont de 1.9 grammes, 3.8 grammes et 7.3 grammes par kilogramme d'air total. La charge en eau augmente d'environ 7% par degrés Celsius. Ainsi la hausse n'est pas linéaire et l'air chaud peut contenir beaucoup plus de vapeur que l'air froid.  La subtilité qui en découle ici est double.
D'une part, un air chaud relativement sec contient plus de vapeur d'eau qu'un air froid saturé. Même dans le brouillard par 0°C l'air contient peu de vapeur d'eau malgré sa saturation. Un air à 10°C avec une humidité relative de 50% seulement contient autant d'eau qu'un brouillard à 0°C.
D'autre part, l'écart entre courbe rouge et courbe bleu augmente avec la température sur le graphique ci dessus. Cela implique que le "trou", le déficit de vapeur d'eau pour atteindre la saturation, tend lui aussi à augmenter avec la température. Cela veut dire que l'évaporation peut augmenter avec la température, l'eau liquide évoluant d'autant plus facilement vers la phase gazeuse que le "trou", le déficit de saturation, est grand. Ce qui en soi n'est guère étonnant.

Insistons à nouveau sur la différence entre humidité spécifique ou tension de vapeur (les deux concepts sont proches) et humidité relative. Un très gros seau d'eau à moitié plein contiendra toujours plus d'eau qu'un petit seau plein à ras la gueule. C'est la subtile différence entre humidité relative et les deux concepts liés d'humidité spécifique et de tension de vapeur d'eau. En général, quand nous disons qu'il fait humide, nous parlons d'humidité relative. Pour autant, même quand il fait humide en hiver, il fait plus "sec" -au sens de l'humidité spécifique ou de la tension de vapeur- qu'au cours d'une chaude journée d’été ensoleillé.

Ainsi, avec la hausse de la température, si l’humidité relative reste fixée -ce qui se vérifie en pratique-, la charge en eau de l'air doit augmenter de 7% par degrés Celsius. L'atmosphère est un peu comme à seau à vapeur d'eau. Plus l'atmosphère chauffe, plus la taille du seau augmente, et donc plus il peut contenir d'eau. Ceci a des conséquences fondamentalement dans le cadre du changement climatique. Une atmosphère plus chaude est aussi une atmosphère plus humide, et on devine déjà que des conséquences pour les événements fortement pluvieux et très secs sont en jeu.

Évolution avec le changement climatique

Comme nous venons de le voir, les atmosphères plus chaudes sont aussi des atmosphères pouvant contenir plus de vapeur d'eau. Ainsi, si la température augmente, le déficit de saturation augmente, et donc l'évaporation peut augmenter et donc la sécheresse vient plus vite. Il n'aura échappé à personne qu'il est plus rapide de faire sécher son linge dehors en été, même sans soleil, qu'en plein hiver... Dans l'autre sens, une atmosphère plus chaude peut contenir plus de vapeur d'eau. Ainsi, si cette vapeur condense pour donner des pluies, ces précipitations seront potentiellement plus fortes. On parle parfois un peu improprement d'accélération ou de renforcement du cycle hydrologique.

On parlera aussi un peu plus loin d'eau précipitable total, qui est la charge en eau de l'atmosphère intégrée sur la verticale. En clair, c'est toute la vapeur d'eau présente au dessus d'une surface d'un mètre carré ; ou dit autrement c'est toute l'eau liquide qu'on récupérait si la colonne d'air condensait entièrement.

Avant même de parler du changement climatique, nous pouvons vérifier le lien entre humidité et chaleur à travers le globe. Les climats tropicaux sont réputés pour leur chaleur en effet, mais pas seulement. Il y a des régions tropicales qui sont très humides, soit avec une saison des pluies et une saison sèche, soit avec des pluies permanentes. Ce sont ces contrées qui connaissent les plus fortes pluviométries de la planète. Ainsi, on peut songer au Nord-Est de l'Inde, région la plus humide du monde avec 12 mètres d'eau à l'an (à comparer aux cumuls de 700 à 800 millimètres - 0.7 ou 0.8 mètres - d'eau en Belgique...) :

https://en.wikipedia.org/wiki/Meghalaya#Climate

Ou bien encore à l'Amazonie, avec souvent 2 à 3 mètres d'eau à l'an :
https://en.wikipedia.org/wiki/Manaus#Climate

Ou encore à l'île de la Réunion :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Climat_de_La_R%C3%A9union#Pluviom.C3.A9trie
https://fr.wikipedia.org/wiki/Cyclone_Hyacinthe#R.C3.A9union

Songeons aussi à l'Indonésie, au Congo, et cetera... Ce sont les climats les plus chauds de la planète qui sont capables de délivrer les plus grandes quantités de pluies. A contrario, les climats chauds sont aussi plus facilement sec. Ainsi, le Sahara ou l'Atacama sont des déserts d'une extrême aridité, parce qu'il pleut faiblement mais également parce que le peu qui tombe s'évapore de suite dû au soleil de plomb et aux températures très élevées.

Actuellement, on observe sans équivoque une hausse de la charge en vapeur d'eau de l'atmosphère. La troposphère contient de plus en plus de vapeur d'eau à avec le réchauffement. Cette hausse est observée par différents moyens.

     - Un des moyens possibles consiste à utiliser un modèle météorologique qui ingurgite toute les données disponibles chaque jour pour calculer l'état le plus probable de l'atmosphère sur cet instant. C'est une réanalyse. Et la tendance est on ne peut plus claire.

graphique représentant une hausse simultannée des températures de surface de l'océan, des températures de surface, et de l'humidité spécifique à 925 hPa
Pour le globe, humidité spécifique à 925 hPa (courbe jaune), Sea Surface Temperature SST (courbe bleue) et température de surface du globe (courbe orange). Valeurs de 1971 à 2016 pour une période de 12 mois allant de Juin de l'année précédente à Mai de l'année (ainsi le dernier point couvre la période allant de Juin 2015 à Mai 2016 pour avoir une donnée le plus à jour possible). Source : http://www.esrl.noaa.gov/psd/cgi-bin/data/timeseries/timeseries1.pl


L'humidité spécifique près de la surface (ici à 925 hPa soit vers 700 mètres d'altitude), représentée par la courbe jaune, ne cesse d'augmenter, et suit de très près la hausse de la température de l'Océan global (SST pour Sea Surface Temperature) en bleue. Et également indiqué pour référence la température globale, légèrement plus basse (les Continents sont plus froids en moyenne que les Océans). La corrélation est remarquable et confirme bien que la quantité de vapeur d'eau dans l'atmosphère augmente avec le réchauffement. Même les fluctuations années après années se superposent. Ainsi les années où le globe atteint des températures très fortes (souvent des années El Niño, comme 1973, 1983, 1998, 2010, 2016), l’humidité spécifique augmente là aussi très fortement.

     - Une autre méthode pour mesurer sont les satellites. Il informe sur l'eau précipitable, c'est-à-dire l'eau contenue dans la colonne atmosphérique. À ce sujet de multiples études convergent et confirment une hausse du contenu en vapeur d'eau de l’atmosphère.

Anomalie du contenu de l'atmosphère en vapeur d'eau, 1988 à 2012. Source : http://www.remss.com/research/climate

On note que la tendance est de 1.15% par décade. Sachant que dans le même temps la température globale s'élève de 0.15°C par décade, on trouve avec une simple règle de trois une tendance d'environ 7% par degrés Celsius, venant confirmer à nouveau la théorie.

     - Enfin des mesures de surface de l'humidité sont également réalisés, et confirme d'une troisième manière possible que l’humidité augmente avec les températures.

Graphique présentant la mesure de l'humidité spécifique globale à la surface d'après différentes études.
Humidité spécifique à la surface du globe d'après différentes études (Dai 2006, Wilett et al. 2008, Berry et Kent 2009). Source : https://tamino.wordpress.com/2010/08/08/urban-wet-island/. Toutefois, se méfier lors d'une comparaison avec le graphique précédent. Les deux mesures sont bien évidement directement comparable mais ne couvre pas la même période (ici, de 1970 à 2009, le pic de 2010 et celui plus faible de 2012 n'apparaissent donc pas en toute logique...) et les deux mesures ne sont pas exactement la même. En gros, cela colle bien sûr, mais il faut bien faire attention à ces deux points lors d'une comparaison.
On peut faire un zoom sur Lille (votre humble serviteur a les données de températures pour Uccle et Lille, mais n'a pas les données pour d'humidité Uccle, malheureusement. L'humidité est sans doute un enjeu bien plus grave que la hausse seule des températures mais reste souvent méconnue et ignorée et il faut ramer comme un galérien pour trouver des valeurs). On constate sans ambiguïté une hausse là aussi de l'humidité spécifique de surface. Les données de températures à Uccle sont superposées pour montrer la tendance au réchauffement des températures (même si ce n'est pas très propre de mélanger deux stations a priori, d'un point de vue climatique Uccle ou Lille c'est du pareil au même).

Graphique présentant l'évolution de l'humidité spécifique et de la température à Lille et Uccle respectivement.
Humidité spécifique à la station de Lille (moyenne 12 mois de 1973 à 2015) et température à la station d'Uccle (moyenne 12 mois, de 1973 à 2015).


Ce graphique montre sans ambages la hausse très nette de l'humidité de surface pour notre région. La comparaison avec les températures de surface montre là aussi une corrélation remarquable. On notera que 2014, en plus d'avoir été une année très chaude, a aussi été une année très humide, qui se compare seulement à 1992 et 2006. On peut aussi tracer un diagramme un peu différent, celui de la tension de vapeur en fonction de la température :

Graphique présentant la tension de vapeur en fonction de la température, avec une régression exponentielle ayant un R² de 0.92
Tension de vapeur à Lille en fonction de la température à Uccle. Chaque point représente un mois, de 1973 à 2015.
Pour ceux qui ont quelques souvenances de la théorie des exponentielles, le facteur constant dans l'exposant est aussi égal à l'accroissement en pourcentage. En clair donc, pour Lille, la vapeur d'eau augmente d'environ 5.2% par degrés Celsius. Ce qui est très proche de la valeur que nous citions précédemment de l'ordre de 6% à 7%  par degrés Celsius. Pour des raisons diverses et variées que nous éviterons d'expliciter (différence de la réponse entre les terres et les mers, juxtaposition d'une hausse due au cycle saisonnier et d'une hausse due au changement climatique, croisement entre deux stations, etc...), il même est à attendre que ce chiffre soit un peu plus faible que la théorie citée précédemment. Le point est surtout de montrer qu'en gros cela colle, et que le chiffre de 6% à 7% de vapeur en plus par degrés Celsius ne tombe pas du ciel - métaphoriquement parlant car littéralement parlant c'est plus ou moins vrai... -.

C'est un fait d'une importance considérable. En effet, un air plus humide est aussi un air qui contient plus d'énergie (un gramme d'eau libère 2 300 Joules environ en se condensant, assez pour chauffer le kilogramme d'air le contenant d'environ 2°C ...). Ainsi, il ne serait pas impossible d'envisager un "réchauffement" qui se traduirait seulement par une hausse de l'humidité atmosphérique, et non par une hausse des températures. L'air en question, plus humide, contiendrait plus de chaleur latente, et serait donc plus chaud, même si sa température, sa chaleur sensible, n'a pas augmenté. Ce n'est évidement pas le cas, en pratique ce cas théorique n'est pas réalisable, mais la petite histoire est là pour souligner l'importance de la vapeur d'eau. On parle souvent de hausse des températures, mais la hausse de l'humidité globale est sans doute un fait au moins aussi important. Cette hausse de l'humidité modifie le stress thermique, amplifie les extrêmes secs et humides, et a donc probablement des conséquences bien plus marquantes au quotidien.

Sémantiquement, il faut cependant se méfier de certaines expressions -que nous même à Info Météo nous pouvons utiliser pour simplifier-. Il convient de distinguer différents phénomènes différents. La charge en eau de l'atmosphère augmente donc d'environ 7% par degrés Celsius de réchauffement. Cependant, à strictement parler, il est quelque peu abusif de parler d’accélération du cycle hydrologique ou de renforcement du cycle hydrologique pour cette valeur. En quelque sorte, le seau est plus gros donc est plus rempli, mais on n'a pas encore étudier la vitesse à laquelle le seau se vide ou se remplit. La "force" ou la "vitesse" du cycle hydrologique doit être comprise comme étant la combinaison entre le taux de vapeur qui s'évapore et le taux de précipitations -l'eau qui condense- et dans l'absolu, les deux expressions sont franchement limite pour parler du cycle hydrologique.
http://www.gfdl.noaa.gov/blog/isaac-held/2011/06/29/13-the-strength-of-the-hydrological-cycle/

En réalité, pour des raisons assez complexes d'équilibre du bilan énergétique et autres considérations à donner mal au crâne, les précipitations n'augmentent pas elles aussi de 7% par degrés Celsius comme la vapeur d'eau ; mais de 3% environ par degrés Celsius :

http://www.gfdl.noaa.gov/blog/isaac-held/2014/11/15/52-warming-and-reduced-vertical-mass-exchange-in-the-troposphere/

Ce qui est déjà largement suffisant pour provoquer des catastrophes à répétition. Pour l'instant donc, nous avons parlé seulement de "taille de seau". On sait que l'atmosphère est comme un gros seau d'eau, qu'elle peut contenir plus de vapeur d'eau quand elle s'échauffe, et de multiples méthodes confirment que c'est bien le cas dans le monde réel. Cependant, à nouveau, on parle juste de "taille de seau" pour l'instant, nous n'avons encore rien démontré sur la hausse des extrêmes.

Pour autant, il ne faut cependant pas hésiter. La hausse de la charge en eau de l'atmosphère s'accompagne d'une hausse des extrêmes, tant en terme de sécheresse que d'inondations. Le réchauffement climatique apporte ainsi à la fois plus d'inondations et plus de sécheresse à la fois comme nous allons le voir. Et ce n'est pas une affirmation facile visant à couvrir le spectre entier des extrêmes météos pour les attribuer au réchauffement climatique. À nouveau, insistons bien sur le fait que le réchauffement climatique n'est pas la cause des extrêmes divers et variés. Cependant, il n'y a pas de doutes à avoir sur le fait que dans le même temps il y contribue. Le réchauffement climatique change l'équilibre de la balance, et cela s'observe dans la multiplications des extrêmes humides et secs.

Ainsi, pour l'Europe seule, nous avons enchaîné depuis une quinzaine d'années une intensification, tant des épisodes de sécheresses que des épisodes fortement pluvieux. Ainsi, en 2003, 2007, 2010 ou en 2015, les très fortes chaleurs avaient provoqués des sécheresses de grande ampleur ; celle de 2010 débouchant même sur une suspension des exportations de blé russe et n'est donc pas étrangère au "Printemps Arabe" de 2011. En 2015, on a même accompli l'exploit de se trouver en sécheresse en plein cœur de l'Hiver ! Ce qui doit être sans exagérer une première dans l'Histoire de l'Europe. Et au contraire, dans l'autre sens, en 2002, 2007, 2012, 2013, 2014 ou 2016, des régions européennes avaient été ravagées (et le sont encore présentement en France, Belgique et Allemagne...) par les inondations. Et en 2016, c'est même en plein été que des crues frappent, ce qui doit là aussi être une première dans l'Histoire... Le simple fait d'enchaîner une sécheresse exceptionnelle à l’Automne et l'Hiver 2015, et des inondations tout aussi exceptionnelles au Printemps et à l’Été 2016 montrent bien qu'un truc ne tourne vraiment pas rond, l'atmosphère basculant violemment d'un extrême à l'autre et cela en violant un cycle saisonnier qui n'avait jamais encore été atteint à notre connaissance.

À travers le globe nous avons aussi plusieurs fois évoqué la multiplication des extrêmes, la dernière fois en ces lieux : http://infometeobelgique.blogspot.fr/2016/02/il-encore-degele-au-pole.html

Cependant, cela reste qualitatif, et nous pouvons regarder des chiffres pour s'assurer que nous ne sommes pas en train de nous faire des idées. En Europe, la quantité de pluie annuelle augmente un peu au Nord, baisse un peu au Sud :

Carte de la tendance des pluies en Europe ces 50 dernières années avec schématiquement une hausse au Nord du 45°N et une baisse au Sud du 45°N.
Tendance 1951 - 2015 de la moyenne annuelle des totaux de précipitations. Source : http://eca.knmi.nl/


Cependant cela ne nous informe pas réellement sur les extrêmes de précipitations. Si nous regardons l'évolution du nombre de jours de précipitations "extrêmes" -défini ici comme un jour avec un total de pluie supérieur au centile 0.95 des totaux quotidiens, en clair les jours où il pleut vraiment, vraiment, vraiment beaucoup par rapport à la moyenne locale- une tendance à la hausse généralisée se dessine, y compris dans le Sud de l'Europe :

Carte présentant l'évolution du nombre de jours de pluies extrêmes en Europe ces 50 dernières années.
Tendance 1951 - 2015 de la moyenne annuelle des totaux de précipitations. Source : http://eca.knmi.nl/

Seules l'Ibérie et la Grèce semble moins touchées. Ailleurs, la hausse est quasi généralisée. La question n'est pas exactement sur les totaux de précipitations (pour ce sujet), mais sur la "violence" de ces précipitations, qui augmentent. Y compris pour le bassin méditerranéen, comme par exemple en France ou le Sud-Est de ce pays tend à voir moins de pluies, mais concentrées de plus en plus sur quelques épisodes violents -comme ce fut le cas en 2014 par exemple-.

La même tendance s'observe ailleurs, comme aux États-Unis par exemple :

Graphique de la fraction du territoire US touché par des événements de pluies extrêmes.
Fraction des États-Unis touché par des extrêmes quotidiens de pluies. Source : http://www.ncdc.noaa.gov/extremes/cei/

Il est difficile de trouver des données pour l'ensemble du globe, étant donnée que les mesures pluviométriques sont dans certaines régions assez aléatoires (pour dire le moins...). Cependant, tant la physique théorique que les modèles confirment que ces tendances à de plus grands extrêmes de précipitations sont une tendance persistance dûe au réchauffement climatique et ne sont pas juste des artefacts régionaux.

Pour se répéter encore une fois, au sujet des inondations de Mai et Juin 2016. Il est bien évident que le réchauffement climatique n'a pas directement causé ces inondations. Cependant, il est tout aussi certain que, dans un contexte de hausse de l'humidité globale induisant une hausse des extrêmes de précipitations, la probabilité et l'ampleur de ces inondations ont été renforcées par le changement climatique. Cela s'inscrit dans une tendance observée et physiquement étayée, et il n'y a pas de doutes à avoir sur le fait que la France, l'Allemagne et la Belgique ont expérimenté en Mai et Juin 2016 les conséquences du changement climatique.

Pour les sécheresses, là aussi la tendance à l'asséchement est notable (avec le cas de la Californie et plus généralement du Sud-Ouest des États-Unis, de l'Australie, ou de l'Espagne, qui n'arrivent pas à s'en sortir). Globalement, les climats plus chauds sont aussi plus humides, et les précipitations ont tendance à augmenter en moyenne, mais cette hausse cache un asséchement marqué de certaines régions du globe.

Notons enfin qu'il convient de ne pas associer hâtivement pluie et fraîcheur. Tout comme le mois de Juillet 2014, Mai 2016 aura été plus chaud que la normale en moyenne, malgré le déluge. C'est d'ailleurs un élément caractéristique du changement climatique en cours. Les mois de saison chaude tendaient dans le passé à être justement plus frais si ces mois étaient arrosés et sombres. Cette relation se vérifie de moins en moins, la chaleur devenant de moins en moins incapable avec la pluie et les nuages en saison chaude. Même si la pluie n'est pas la première chose à laquelle on pense quand on parle du changement climatique, celle-ci est bien un élément constitutif de ce changement et ne doit pas être négligé.
La prévision climatique parfois entendue d'un réchauffement avec des étés plus secs et des hivers plus humide est fausse, même si elle vient de climatologues reconnus (cette erreur a différentes causes, la plupart liées au mieux à des biais cognitifs très marqués). Un réchauffement climatique s'accompagne généralement d'un climat plus humide en moyenne globale. Le Nord de la France et la Belgique ne devrait pas faire exception, et il n'y a pas de raison de penser que le réchauffement climatique s'accompagne d'un asséchement vraiment marqué en saison chaude. Enfin n'oublions pas qu'à Manaus, il pleut un jour sur deux pour ainsi dire et pourtant personne n'aura l'idée d'affirmer qu'il fait froid dans cette ville. Uccle n'est pas encore Manaus mais n'oublions pas le lien entre pluie et chaleur.

Conclusion

La difficulté à expliquer le lien entre réchauffement climatique et extrêmes de précipitations est réelle, mais il semble important de faire le lien, afin d'éviter la tendance à évacuer facilement le sujet. Le réchauffement climatique est bien réel et se vit ici et maintenant. Si le lien entre réchauffement climatique et précipitation extrêmes n'est pas direct, il n'en est pas moins certain. Cette fois-ci, après les anglais, c'est à notre tour d'être sous les cataractes d'eau et de subir de plein fouet l'assaut du réchauffement climatique. Et il ne faut pas espérer que cela ira en s’arrangeant.
http://www.theguardian.com/environment/climate-consensus-97-per-cent/2016/may/27/meteorologists-are-seeing-global-warmings-effect-on-the-weather
Enfin pour ceux qui n'ont pas peur des discussions arides en anglais et qui voudraient des références dans la littérature scientifique au sujet des événements, ce nouveau site (assez orienté USA évidemment...) regroupe les études sur le lien entre changement climatique et divers événements extrêmes récents : http://www.climatesignals.org/. Le site met en évidence deux liens possibles par un joli petit diagramme. La branche du haut représente celle que nous avons exploré ; la branche du bas, plus incertaine (d'où les pointillés) a déjà été évoqué sur ce blog par le passé et concerne une modification de la circulation atmosphérique globale :

Lien entre le changement climatique et les inondations de 2016 en France et Allemagne : http://www.climatesignals.org/sites/www.climatesignals.org/themes/signals/scripts/signalsEmbed.html#?event=3245

Note sur les mesures

Une petite note à part pourrait être utile pour préciser un point assez important, qui est la rupture de continuité des mesures durant les années 1970. En effet, à cet époque sont apparus les satellites, qui mesurent un peu différemment l'humidité globale. Dans le même temps, les radiosondages ont été progressivement abandonnées (et leur étude aussi accessoirement, là aussi il faut ramer comme un galérien pour synthétiser les mesures des radiosondages). Le progrès encore et toujours, un satellite c'est plus récent et ça coûte plus cher donc c'est mieux qu'un bon vieux RS. Votre humble serviteur regrette cet état de fait (et de l'avis de ce même humble serviteur, vos impôts aussi, une flottille de satellites coûtant largement plus cher et étant largement moins écolo que des radiosondages réguliers à travers le globe -et pour une utilité réelle parfois franchement discutable-). Cependant, fors les sentiments, on peut illustrer cela avec l'eau précipitable pour la réanalyse NCEP NCAR dont il était question précédemment :

Graphique de l'ESRL de la tendance de l'eau précipitable à la surface du globe de 1948 à 2016.
Moyenne global de l'eau précipitable, de Juin de l'année précédente à Mai de l'année suivante. Source : http://www.esrl.noaa.gov/psd/cgi-bin/data/timeseries/timeseries1.pl

Les valeurs dans les années 1940, 1950 et 1960 et probablement même un peu 1970 mais de manière plus faible, sont trop, beaucoup trop élevés. La série redevient réellement continue qu'à partir du début des années 80. Ceci suite, à nouveau, à la rupture dans la méthode des mesures. C'est la raison pour laquelle nous avons choisi de couper à 1971 les données de la réanalyse dans le graphique présenté précédemment. Les spécialistes du climat sont parfaitement au courant de ce problème et font du mieux qu'ils peuvent pour le gérer, mais il n'en reste pas moins qu'il convient d'avoir une certaine prudence par rapport à des valeurs "brutes". Ce n'est pas une dissimulation d'informations que de couper les graphiques aux années 70, les mesures avant cette décade et après cette décade étant radicalement différentes. Pour l'information, le même problème se rencontre de manière encore plus criante pour les températures de la stratosphère, avec une rupture très marquée entre 1975 et 1980.



2 commentaires:

  1. J'ai entendu parler d'une étude basée sur des données historiques, qui concluait que les orages étaient un peu moins fréquents mais un peu plus pluvieux... Je n'ai pas accès à cette source (il me semble qu'elle a été faite par Keraunos...), mais cela rejoint tout-à-fait les propos de cet excellent article.

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  2. Certaines équipes scientifiques ont réagit très rapidement en tout cas, suite à ces événements : https://wwa.climatecentral.org/analyses/european-rainstorms-may-2016/

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