mardi 25 octobre 2022

23/10/2022 - Il était une fois dans l'Ouest

Noville-les-Bois, 17h00. Une soif d'orages non assouvie me fait prendre la route de l'ouest, malgré un septembre s'étant évertué à rattraper la sauce d'un été mortifère. Malgré cela, ce cru 2022 avait encore jusqu'à présent un arrière-goût de piquette. 

Au prix d'une chaleur hors norme, plusieurs pulsions d'air instable balayent nos régions depuis quelques jours, mais sans jamais se mettre en phase avec la dynamique nécessaire. En cet après-midi du 23 octobre 2022, ce couplage survient bel et bien, et je pars avec l'espoir alors un peu fou que l'énorme supercellule qui se gave de chaleur latente entre Rouen et Beauvais subsiste jusqu'à la Wallonie picarde...

Si la chaleur est estivale (le thermomètre de la voiture indique 21°C une fois dans le Hainaut), les couleurs des arbres rappellent que c'est l'automne. La lumière est magnifique, jouant tout en contrastes avec les nuées qui parsèment la moyenne troposphère, jusqu'à ce qu'une fois passé Mons, le dégagement du ciel mette en évidence l'immense enclume de la supercellule alors en train de frapper Amiens. Ce même orage monstrueux, qui n'a absolument rien à envier à ses collègues de la haute saison, fracasse ensuite l'est du Pas-de-Calais en y développant une violente tornade au nord-ouest de Bapaume, alors qu'un dernier check des radars me fait choisir la région de Péruwelz comme terrain de jeu. C'est entre Braffe et Willaupuis que je trouve un espace bien dégagé, avec vue sur une énorme colonne ascendante surplombée de mammatus.

Loin au sud, ce sont d'autres cellules - toutefois moins actives - qui éclatent au nord-est de Paris, les enclumes se retrouvant enflammées par le soleil déclinant.


Si de manière absolue, l'activité électrique de la supercellule n'est pas extraordinaire, elle est tout de même de très bonne facture pour une fin octobre. Elle a été cependant plus forte auparavant. Le crépuscule s'avançant permet désormais d'en prendre la pleine mesure. C'est un véritable festival d'internuageux qui se déroule à l'avant des nuées.








 


 
 
Pendant quelques minutes, plusieurs coups de foudre positifs frappent à quelques kilomètres à l'ouest:

Point notable, le flanc nord de ce formidable orage ne circule qu'à quelques kilomètres de mon point de vue qui reste quant à lui bien au sec. Depuis mon arrivée, un vent rafaleux souffle en direction des cumulonimbus avec insistance. Cet inflow les nourrit en chaleur humide, et retarde jusqu'au dernier moment l'arrivée des précipitations. Les images radar semblent montrer que le passage de l'orage va être assez banal... Mais il faut se méfier même des cellules qui ne paient guère de mine.

Accompagnant les pluies, un vent furieux s'empare de mon point de vue, me rappelant puis dépassant la vigueur de celui que j'avais observé le 17 août 2018 du côté de Mettet. Comme j'aurai l'occasion d'en prendre connaissance plus tard, le village de Willaupuis, à quelques centaines de mètres, est sévèrement touché par cette rafale descendante doublée d'une tornade, abattant de nombreux arbres et endommageant des toitures. L'activité électrique, après avoir temporairement marqué le pas, redevient modérée à soutenue.


Ce premier paquet orageux s'éloigne vers le nord du Hainaut, bientôt suivi par une seconde cellule ayant elle aussi présenté des caractéristiques supercellulaires, notamment en France. Cette dernière tangente le secteur par l'est, en filant à son tour en direction du centre de la Belgique. 


Sur Willaupuis et sa région, c'est le retour au calme, tout du moins côté météo. Aux flashes des éclairs succèdent ceux des gyrophares, les services de secours parcourant déjà la région toutes sirènes hurlantes. Loin au nord, derrière la silhouette du village meurtri, d'autres orages achèvent de traverser l'extrême ouest de la Flandre et gagnent la Hollande.



Quittant mon point de vue, je tente d'abord d'approcher les dégâts perpétrés le long de la N50, mais les pompiers en barrent l'accès. Le bruit des tronçonneuses renseigne sur la nature des dommages (arbres et branches), mais il semblerait aussi que des panneaux photovoltaïques entravent la chaussée. Rebroussant chemin, c'est à ce moment que je découvre l'ampleur des dégâts subis par Willaupuis, dans l'alignement du tronçon de la N50 barrée.





Au final, je m'en tire avec l'orage le plus violent au niveau du vent auquel j'ai assisté, surpassant quelque peu celui du 17 août 2018. Nouveau marqueur d'une année 2022 qui plane complètement hors sol, ce 23 octobre constitue aussi l'orage d'octobre le plus intense que j'ai connu. Je quitte alors la région de Péruwelz avec l'idée que cet automne remarquable ne nous a peut-être pas encore livré toutes ses représentations...